Projet de loi de finances 2025 : la France sabre dans l’aide publique au développement

Projet de loi de finances 2025 : la France sabre dans l’aide publique au développement

Selon les dernières estimations, le déficit public français devrait atteindre 5,6 % du PIB en 2024, et d’importantes coupes budgétaires sont attendues pour l’année prochaine. Première victime du projet du budget préparé durant l’été par le gouvernement démissionnaire, l’aide publique au développement (APD), qui devrait être amputée de 18 %.

Les organisations non gouvernementales (ONG) françaises sont en émoi. L’État avait déjà annoncé en février dernier une économie de 800 millions d’euros sur le montant de l’aide publique au développement pour l’année 2024 et de nouvelles coupes sont prévues dans le projet de budget 2025

« Sans cet argent, certaines organisations locales ne seront plus subventionnées, des médicaments ne seront pas achetés, la construction de cliniques sera annulée et l’aide humanitaire ne sera pas envoyée », regrette Gautier Centlivre, coordinateur du plaidoyer pour Action Santé Mondiale, une organisation favorisant l’accès des plus démunis aux soins. 

La mauvaise nouvelle a été rendue publique début septembre par les députés Éric Coquerel (La France Insoumise), président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et Charles de Courson (Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), rapporteur général de la même commission, qui avaient exigé la publication des « lettres plafond » définissant les crédits de chaque ministère.

Ces dernières ont été envoyées par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal le 20 août dernier.

« L’ampleur des coupes est disproportionnée », s’alarme le sénateur de gauche Raphaël Daubet, co-rapporteur d’une étude parue en juillet sur l’aide alimentaire fournie par la France dans le cadre de l’APD, même si ce dernier reconnaît que « toutes les politiques publiques doivent prendre part aux efforts » visant à limiter le dérapage des finances publiques.

Même amertume chez les ONG, qui digèrent mal la chute de crédits attendus. « Nous sommes consternés, car cette mission budgétaire finance d’ambitieux projets à l’international et soutient des populations pauvres et marginalisées », continue Gautier Centlivre.

Première victime du projet du budget préparé durant l’été par le gouvernement démissionnaire, l’aide publique au développement (APD), qui devrait être coupée de 18%. / @GoodStudio-Shutterstock

Selon ce dernier, les coupes envisagées témoignent « d’un revirement total des politiques organisant la solidarité internationale de la France »« En 2017, Emmanuel Macron avait fait de l’ADP l’une de ses priorités. Le soir de son élection, il avait expliqué qu’elle était une façon éthique et morale d’illustrer la présence de la France à l’international. »

Pour le sénateur Raphaël Daubet, ces réductions financières sont également « un mauvais signal envoyé à nos partenaires et aux organisations internationales. L’aide publique au développement est pourtant cruciale, notamment dans les périodes de crise où l’entraide est essentielle ».

« Le gouvernement décide une nouvelle fois de faire des économies sur le dos des plus pauvres de cette planète. Quand est-ce que la solidarité internationale arrêtera d’être la réserve à coupe budgétaire de Bercy ? »s’est de son côté indigné Alan Anic, chargé de plaidoyer et de campagne Solidarités Internationales chez Oxfam France, dans un communiqué publié le 3 septembre.

En 2023, l’ADP de la France ne représentait que 0,5% de son revenu national brut (RNB), pour s’établir à 14,3 milliards d’euros, alors même que la plupart des pays membres de l’OCDE se sont engagés en 1970 puis en 2015 à y consacrer 0,7 % de leur RNB.

Selon le Conseil de l’Union européenne (UE), l’ADP des États membres atteignait l’année dernière 95,9 milliards d’euros, contre 93,3 milliards d’euros en 2022 et 71,6 milliards d’euros en 2021. Les capitales européennes restent donc les premières contributrices à l’aide au développement au niveau mondial.

Un soutien aux ONG menacé 

Les diminutions de crédits à l’étude n’ont pas été précisées par le gouvernement, mais selon le sénateur Raphaël Daubet, il est probable que celles-ci porteront sur les programmes gérés par le ministère des Finances et par le ministère des Affaires étrangères. « Les enveloppes les plus susceptibles d’être réduites sont l’aide-projet de l’Agence française de développement (AFD), les contributions volontaires aux organisations internationales et les crédits de l’aide humanitaire », expose le sénateur.

Et la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre a encore fait naître de nouvelles appréhensions. « La droitisation du bloc central à l’Assemblée nationale est un signal inquiétant, mais nous voulons croire que le sujet de la solidarité internationale peut être transpartisan », estime Gautier Centlivre.

Le projet de loi de finances (PLF) doit théoriquement être présenté devant l’Assemblée nationale au plus tard le 1er octobre prochain, et ce délai très court devrait limiter la marge de manœuvre du gouvernement qui sera nommé dans les prochains jours.

« Les occasions d’influer de manière significative sur les choix budgétaires seront restreintes, admet Raphaël Daubet. On peut espérer que le nouveau gouvernement et le parlement revoient la baisse des crédits. Je suis cependant pessimiste : la majorité sénatoriale aspire à des mesures d’économie, et trouver une majorité à l’Assemblée en faveur de l’aide publique au développement devrait se révéler mission impossible. ».

Auteur/Autrice

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire