Profitant de la crise migratoire et du chaos qui prévaut aux frontières de l’espace Schengen en 2015, le futur chef opérationnel, Abdelhamid Abaaoud, des attentats du 13-Novembre a quitté la Syrie dès la mi-juin. Après avoir traversé un bras de la mer Egée avec des réfugiés, il a accosté sur l’île grecque de Chios, le 18 juillet, muni d’un passeport syrien contrefait. Suivant la route des Balkans à travers la Macédoine, la Serbie et la Hongrie, il rejoint la capitale belge le 6 août. Et il n’est pas seul. Un djihadiste marocain, recruté et formé par Abaaoud en Syrie, a fait le voyage avec lui. Il s’appelle Ayoub El-Khazzani.
21 aout 2015 : le premier attentat d’une longue série
Le 21 août à 17 h 45, un homme surgit torse nu des toilettes d’un train Thalys lancé à vive allure entre Amsterdam et Paris. Un sac à dos sur le ventre, un pistolet Luger à la ceinture, une kalachnikov en bandoulière équipée de neuf chargeurs de trente munitions chacun, Ayoub El-Khazzani s’apprête à commettre un massacre. Par chance, un passager français qui attendait devant les W.-C. tente de le désarmer. Un corps à corps s’engage contre les porte-bagages. La kalachnikov tombe au sol. Un second passager s’en empare et s’engouffre dans la voiture 12. El-Khazzani sort son Luger, le blesse d’une balle dans le dos et récupère son arme de guerre.
La suite est mieux connue. Trois touristes américains, dont deux GI en permission, se précipitent sur l’assaillant. Assommé d’un coup de crosse, El-Khazzani est ligoté, pieds et poings liés par deux cravates empruntées à des passagers, puis remis aux policiers en gare d’Arras. L’homme ne dira pas grand-chose en garde à vue. Ni pendant les mois qui vont suivre. Il assure avoir voulu commettre un braquage dans le train, avoir trouvé ses armes « dans un parc de Bruxelles »… Pas un mot sur sa traversée de l’Europe en compagnie de son donneur d’ordres. Aucune mention de la planque qu’il partageait à Bruxelles avec le terroriste le plus recherché du continent.
La route des migrants
Sa loyauté envers l’organisation djihadiste, son mutisme et ses mensonges devant les enquêteurs vont permettre à Abaaoud de peaufiner la suite de son plan dans les moindres détails. Dans les semaines qui suivent, entre le 30 août et le 3 octobre, l’essentiel des commandos des attentats du 13-Novembre et de Bruxelles – perpétrés par la même cellule le 22 mars 2016 – auront rejoint Abaaoud dans la capitale belge en suivant, comme lui, la route des migrants. La mécanique de la terreur est en train de se mettre en place. Un plan pensé à Rakka, élaboré au cœur de l’Europe, au nez et à la barbe des services de renseignement.
Le procès de l’attaque du Thalys, qui s’ouvre lundi 16 novembre pour cinq semaines, est le premier volet judiciaire d’une vague de terreur en trois actes, qui se prolongera dans la nuit noire du Bataclan et la réplique improvisée des attentats de Bruxelles. L’ombre d’Abaaoud, tué cinq jours après les attentats de Paris lors d’un assaut du RAID à Saint-Denis, planera sur les débats. Quatre de ses hommes seront jugés devant la cour d’assises spéciale, à Paris. Le principal accusé, Ayoub El-Khazzani, 31 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour tentative d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste.
Un belge, principal inculpé
En l’absence du chef opérationnel de la cellule, un homme incarnera l’intrication logistique de cette vague d’attentats : Mohamed Bakkali, un Belge de 33 ans, sera jugé au procès du Thalys pour « complicité de tentative d’assassinats terroristes » pour avoir conduit, début août 2015, El-Khazzani (depuis Cologne) et Abaaoud (depuis Budapest) jusqu’à Bruxelles. Il est également renvoyé dans le procès des attentats du 13-Novembre pour avoir facilité le convoyage et l’hébergement de plusieurs commandos des attentats de Paris.
Ce procès racontera aussi une des particularités de cette cellule : la façon dont Abaaoud a recruté, dès l’hiver 2014, des migrants travaillant comme passeurs, afin d’exploiter la crise des réfugiés pour s’infiltrer en Europe avec ses hommes. Bilal Chatra, un Algérien de 24 ans, sera ainsi jugé pour « complicité de tentative d’assassinats terroristes » pour avoir servi d’éclaireur à Abaaoud et El-Khazzani à travers la route des Balkans, à l’été 2015. Redouane El Amrani Ezzerrifi, un passeur marocain de 28 ans, encourt, lui, vingt ans de réclusion pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
Le reportage de TV5 Monde
Laisser un commentaire