Les pays membres de l’Union européenne sont confrontés à des prix de l’énergie nettement plus élevés que les autres pays (États-Unis, Chine, etc.) en raison de l’arrêt des importations de gaz naturel russe et de la volonté de respecter rapidement l’Accord de Paris en matière de neutralité carbone. Afin d’éviter le développement des importations de produits fortement carbonés, l’introduction d’une taxe CO2 aux frontières est prévue. Elle a pour objectif de compenser l’écart induit de compétitivité qui s’opère au détriment des entreprises européennes.
Par sa nature, cette taxe est éminemment protectionniste et peut accélérer la fragmentation du commerce international avec une forte pénalisation des pays émergents. Une telle taxe est également une source d’inflation et peut ainsi s’avérer contreproductive pour éviter la multiplication des délocalisations.
Le prix élevé de l’énergie en Europe pénalise l’industrie
Du fait de la guerre en Ukraine, l’écart de prix du gaz entre l’Europe et les États-Unis est passé du simple au triple. Si pour le pétrole, l’écart est plus faible du fait du caractère mondial du marché, l’autosuffisance des États-Unis induit néanmoins un avantage prix. L’Europe a réalisé des efforts plus importants que la Chine et les États-Unis en matière de décarbonation de ses activités. L’écart en la matière tend néanmoins à se réduire avec les États-Unis. Le prix élevé de l’énergie en Europe pénalise l’industrie et donc les exportations. Elle réduit la croissance des États membres.
Le Parlement européen a voté en juin 2022 la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne qui entrera en vigueur à partir de 2027. Cette taxe ne porte que sur les produits ayant généré d’importantes émissions de gaz à effet de serre au moment de leur conception : acier, aluminium, ciment, etc. Cette taxe a comme défaut de ne viser qu’un nombre limité de produits. Les biens finaux (biens de consommation, machines, automobiles, avions, etc.) ne sont pas concernés, ce qui pourrait inciter les entreprises à délocaliser leurs chaînes de production.
Une taxe protectionniste
L’Europe importera moins d’acier et d’aluminium carbonés mais plus de produits finis. La taxe risque donc d’accélérer la désindustrialisation, sachant que l’emploi industriel dans l’Union européenne est passé de 20 à 14 % de l’emploi total de 1995 à 2022. En visant des produits intermédiaires, cette taxe concernera de nombreux pays en développement ou émergents. Elle sera par définition protectionniste. Elle freinera le développement de ces pays qui ont besoin des recettes d’exportation pour mener leur transition énergétique. Par ailleurs, elle contribuera à augmenter les prix au sein de l’Union européenne et donc à diminuer le pouvoir d’achat des Européens.
Les effets pervers
Pour éviter l’effet pervers sur les délocalisations, les tenants de la taxe carbone souhaitent qu’elle soit appliquée à tous les biens intermédiaires et finis. La mise en œuvre d’une telle taxe est compliquée du fait de l’assemblage de pièces ayant des intensités en carbone différentes. Certains estiment qu’il faudrait se fonder sur les écarts d’émissions de CO2 entre les pays ou en fonction de l’atteinte des objectifs fixés dans les traités internationaux.
Un système reprenant les règles de la TVA avec report sur le consommateur final de toutes les émissions des gaz à effet de serre pourrait également être institué. L’instauration d’un système de taxation du CO2 aux frontières supposerait, comme cela a été prévu dans l’Accord de Paris, le développement des aides aux pays en voie de développement afin qu’ils puissent décarboner leur économie.
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