L’hôtel Plaza situé à New York à proximité de Central Park, accueillit en 1985 une conférence monétaire rassemblant des représentants des gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, du Japon et de l’Allemagne. La réunion qui a débouché sur les Accords du Plaza visait à limiter la hausse du dollar voire à faciliter sa dépréciation.
Au milieu des années 1980, les États-Unis connaissaient une essor important en lien avec la politique de diminution des impôts décidée par le Président Ronald Reagan. Cette politique avait conduit à l’apparition d’un important déficit budgétaire et à une hausse des prix. Pour la contenir, la Réserve fédérale avait décidé d’augmenter ses taux directeurs, provoquant une appréciation du dollar. En quelques mois, il était ainsi passé de 5 à 10 francs. Le dollar fort nuisait à la compétitivité de l’économie américaine en renchérissant le prix des exportations, le déficit de la balance des paiements courants dépassant alors 3,5 % du PIB. La hausse du dollar était également responsable de tensions financières importantes pour les pays en développement qui s’étaient endettés en dollars.
Les signataires des accords décident d’intervenir sur les marchés des changes à hauteur de 10 milliards de dollars. Le taux du dollar baisse ainsi en quelques mois. Fin 1986, il atteint son plus bas niveau historique par rapport au mark et au yen. Le taux de change dollar/yen baisse de 51 % en deux ans.
Avec les accords du Louvre en 1987, les États signataires optent pour la fin des interventions sur le marché des changes, jugeant la dépréciation du dollar suffisante. Le cours du dollar continue néanmoins de baisser, sous l’effet de spéculations sur son taux de change. Les deux accords ont été dans leur temps critiqués car ils ont débouché sur le krach boursier du 19 octobre 1987 en partie provoqué par la hausse des taux d’intérêt qui a suivi la fin des interventions sur le marché des changes.
Une action commune des États occidentaux pour limiter la hausse du dollar ?
Depuis 1997, les États occidentaux se méfient des actions sur le marché des changes en raison des phénomènes de réactions en chaîne. Néanmoins, depuis quelques mois, les conseillers de Donald Trump estiment nécessaire une action commune des États occidentaux pour limiter la hausse du dollar. Robert Lighthizer, le conseiller commercial de Donald Trump, réfléchit à l’élaboration d’un nouvel accord sur la dépréciation du dollar afin de lutter contre les pratiques déloyales dont font l’objet les États-Unis.
Plusieurs alliés des États-Unis pourraient soutenir une tentative de déprécier le dollar. Plusieurs gouvernements d’Asie s’inquiètent du coût croissant des importations libellées en dollars. En avril dernier, le Japon et la Corée du Sud se sont inquiétés des conséquences de la dépréciation du yen japonais et du won coréen. Pour freiner cette dépréciation, la banque centrale japonaise aurait dépensé des dizaines de milliards de dollars.
Les taux élevés et le dynamisme de l’économie aux États-Unis favorisent la hausse du dollar
De nombreux économistes doutent de l’efficacité d’une intervention monétaire sur le marché des changes. L’économie mondiale en 2024 n’est plus celle de 1985. La circulation des capitaux s’est amplifiée et le nombre d’acteurs économiques s’est accru fortement. L’appréciation du dollar est aujourd’hui la conséquence des écarts de taux d’intérêt et de croissance entre les États occidentaux. Les taux élevés et le dynamisme de l’économie aux États-Unis favorisent la hausse du dollar qui bénéficie, par ailleurs, de son statut de valeur refuge en période troublée. Une action inopinée des banques centrales pourrait aboutir aux gaspillages de réserves de change.
La persistance d’un déficit budgétaire élevé aux États-Unis pousse à la hausse les taux d’intérêt incitant les capitaux à se placer au sein de ce pays. L’efficacité sur le marché des changes d’éventuelles interventions est conditionnée par une maitrise de l’inflation et un assainissement budgétaire.
L’accord de l’hôtel Plaza a été un succès, du moins temporaire, car les autorités américaines avaient concomitamment décidé de limiter le déficit public. En 2024, pour le moment, nul n’imagine un changement de cap budgétaire. La Banque centrale américaine a été en outre contrainte de différer sa baisse des taux en raison de la persistance de tensions inflationnistes.
Coopération monétaire ou guerre commerciale.
Donald Trump serait tenté de forcer la main de ses alliés en leur demandant de vendre des dollars faute de quoi il serait dans l’obligation d’augmenter les droits de douane sur leurs exportations vers les États-Unis. Donald Trump, fidèle à sa méthode de négociation, demanderait à ses alliés de choisir entre la coopération monétaire ou la guerre commerciale. Le risque serait la mise en œuvre d’une loi s’assimilant au « tarif SmootHawley » (loi promulguée le 17 juin 1930) qui avait dans l’entre-deux-guerres, provoqué une montée mondiale du protectionnisme. Cette loi aurait contribué à l’aggravation de la dépression économique et aurait incité le Japon à la guerre.
En 1985, les cinq pays signataires représentaient les principales puissances économiques et exportatrices. Quarante ans plus tard, la Chine est devenue la premier exportateur mondial et dispose d’importantes réserves en dollars. Les États-Unis n’envisagent pas pour le moment d’associer ce pays à une intervention sur le marché des changes. Ils considèrent ce pays non seulement comme un concurrent économique, comme le Japon, mais également comme une menace géopolitique de premier plan. Le gouvernement américain applique des droits de douane de plus en plus élevés envers les produits chinois. Les véhicules électriques, les biens électroniques informatiques voire les applications de réseaux sociaux, sont soumis à des restrictions d’accès sur le marché américain.
Pour s’engager dans un processus de dépréciation du dollar, les États-Unis devraient tout à la fois réduire leur déficit public et l’inflation avec, en parallèle, une augmentation de l’épargne nationale. La réduction des flux de capitaux pèserait sur le cours du dollar. Une telle situation mettrait en difficulté la Chine. En effet, ce pays a, jusqu’à maintenant, pallié la hausse des droits de douane en dévaluant le yuan.
Une étude de la banque Goldman Sachs suggère, qu’entre 2018 et 2019, que le gouvernement chinois a affaibli le yuan de 0,7 % pour chaque augmentation des recettes tarifaires de 10 milliards de dollars de la part des États-Unis. En cas de baisse du dollar, la Chine pourrait être tentée de se lancer dans une bataille des changes pour éviter l’appréciation de sa monnaie au moment même où sa croissance faiblit.
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