À l’approche de sa lecture définitive à l’Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 s’impose comme l’un des textes les plus remaniés de la législature. Adopté de justesse, profondément transformé par la navette parlementaire et lesté de compromis politiques, il dessine un nouveau paysage social dont les effets dépassent largement les frontières de l’Hexagone. En cette fin d’année, en guise de bonne résolution, Lesfrancais.press vous explique ce que les expatriés rattachés à la Sécurité sociale française doivent vérifier dès maintenant.
Budget sécurité sociale : un équilibre budgétaire largement redessiné
Le texte qui arrive en bout de course n’a plus grand-chose à voir avec la version présentée par le gouvernement à l’automne. Sur le plan budgétaire, l’objectif initial de ramener le déficit de la Sécurité sociale à 17,5 milliards d’euros en 2026 a volé en éclats. Après un passage à plus de 24 milliards à l’Assemblée nationale, puis un resserrement opéré par le Sénat, les députés ont finalement arrêté le déficit à 19,4 milliards d’euros. Un niveau politiquement acceptable pour l’exécutif, mais qui confirme que l’équilibre du système repose désormais davantage sur des arbitrages politiques que sur une trajectoire strictement maîtrisée.
Dépenses de santé : un Ondam en hausse, mais sous contrainte
Cette tension se retrouve dans l’évolution de l’Ondam, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. Initialement fixé à 1,6 %, il a été progressivement rehaussé jusqu’à atteindre 3 %, portant les dépenses de santé à plus de 274 milliards d’euros en 2026. Pour les expatriés affiliés à la Sécurité sociale française, cette hausse constitue un signal rassurant.
« Relire son contrat à la lumière du PLFSS 2026,
c’est se donner les moyens d’éviter de mauvaises surprises demain. »
Elle limite le risque de restrictions brutales de prise en charge, notamment lors de soins réalisés en France ou dans le cadre de dispositifs transfrontaliers. Mais cette progression reste inférieure à l’augmentation structurelle des dépenses de santé, estimée autour de 4 % par an, ce qui laisse présager des ajustements, des contrôles accrus et une pression administrative renforcée.
Franchises médicales : un recul qui compte pour les assurés à l’étranger
Le renoncement au doublement des franchises médicales constitue une bonne nouvelle tangible pour les assurés rattachés au régime français hors de France. La hausse du reste à charge, qui aurait concerné les médicaments, les consultations et les examens, a été écartée face à une opposition transpartisane. Pour les expatriés, souvent déjà exposés à des coûts de santé élevés à l’étranger, cet abandon évite un surcoût immédiat et limite le risque de répercussion sur les cotisations des complémentaires santé françaises ou des contrats associés à la CFE (Caisse des Français de l’étranger).
Retraites : une pause stratégique aux effets très concrets
Sur le terrain des retraites, le PLFSS 2026 opère un tournant politique majeur avec la suspension de la réforme de 2023 jusqu’au 1er janvier 2028. Les expatriés continuant à cotiser au régime français sont pleinement concernés par ce gel.

L’âge légal de départ reste provisoirement fixé à 62 ans et 9 mois, tandis que la durée d’assurance requise pour le taux plein demeure à 170 trimestres. Cette mesure bénéficiera principalement aux assurés nés en 1963, mais elle offre surtout, pour les carrières internationales souvent discontinues, une précieuse période de lisibilité.
Mères expatriées : des avancées longtemps attendues
À cette suspension s’ajoutent des améliorations ciblées en faveur des mères de famille, y compris expatriées, tant dans la prise en compte des carrières longues que dans le calcul des pensions. Les règles évoluent pour mieux intégrer les interruptions de carrière liées aux enfants, avec un dispositif spécifique pour les femmes fonctionnaires à l’étranger, souvent pénalisées par des trajectoires professionnelles fractionnées.
Recettes abandonnées, pression déplacée
En contrepartie de ces concessions sociales, le gouvernement cherchait à sécuriser de nouvelles recettes. L’« année blanche » sur les pensions et prestations sociales, tout comme la hausse supplémentaire de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé, a finalement été abandonnée. Seule subsiste la surtaxe initiale sur les complémentaires, une décision qui pourrait se traduire, à moyen terme, par une augmentation des cotisations. Les expatriés disposant d’une complémentaire française ont donc tout intérêt à examiner attentivement l’évolution de leurs garanties.
CSG : le patrimoine dans le viseur
La fiscalité sociale constitue un autre point de vigilance. Le gel du barème de la CSG sur les revenus de remplacement a été écarté, évitant un durcissement pour les retraités percevant une pension française à l’étranger. En revanche, une hausse ciblée de la CSG sur certains revenus du patrimoine a été adoptée. Même résidents hors de France, de nombreux expatriés restent imposables sur leurs revenus immobiliers ou certains produits d’épargne de source française. Cette mesure peut donc avoir un impact direct sur leur situation, en fonction des conventions fiscales applicables.
Nouveaux dispositifs, effets indirects
Le PLFSS 2026 acte également la création du réseau « France Santé », destiné à renforcer l’offre de soins de proximité, ainsi qu’un nouveau congé de naissance indemnisé par la Sécurité sociale dès 2026. Des dispositifs qui concernent avant tout les résidents en France, mais dont les effets indirects peuvent toucher les expatriés lors de retours temporaires ou dans le cadre de droits familiaux maintenus.
Relire son contrat : un réflexe désormais indispensable
Au final, le PLFSS 2026 ne cible pas explicitement les Français de l’étranger. Pourtant, pour ceux dont le régime social du contrat reste adossé au système français, il modifie subtilement les équilibres. Retraite, santé, fiscalité sociale, complémentaires : autant de paramètres qui méritent une relecture attentive des contrats d’expatriation, des conventions de détachement, des affiliations à la CFE et des garanties associées.
Anticiper plutôt que subir
Dans un contexte budgétaire contraint et à l’approche d’échéances politiques majeures, le message est clair : pour les expatriés rattachés à la Sécurité sociale française, le temps n’est pas à l’inquiétude immédiate, mais à l’anticipation. Relire son contrat à la lumière du PLFSS 2026, c’est se donner les moyens d’éviter de mauvaises surprises demain.
Auteur/Autrice
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Gilles Roux est un juriste, entrepreneur et auteur français qui vit dans la région de Mannheim en Allemagne depuis plus de 35 ans.
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