Volodymyr Zelensky annoncera son « plan de victoire pour une paix juste » en novembre. Il vise la fin de la guerre en 2025. De l’autre côté de la Caspienne, en Méditerranée, Benjamin Netanyahou annonce lui aussi la victoire contre le Hamas et le Hezbollah, inaugurant une nouvelle ère de sécurité pour Israël et le Moyen Orient. Plus loin, au Midwest, Donald Trump se fait fort de mettre fin à la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures, tout en menaçant l’Iran de destruction. Kamala Harris, elle, lui reproche sa mollesse vis-à-vis des mollahs lors de son premier mandat. L’Iran, après avoir lancé 180 missiles sur Israël, mobilise ses relais en Irak, en Syrie, plus difficilement en Cisjordanie et en Jordanie. Il lui faut dépasser l’antagonisme des Chiites et des Sunnites en s’alliant avec les Frères musulmans, comme au Liban et à Gaza. Le guide suprême, Khamenei, n’est-il pas le traducteur en farsi du fondateur des Frères, Sayyid Qutb ? L’Iran proclame sans cesse « Mort à Israël » mais se garde d’une attaque classique. Plus proche de l’arme nucléaire que jamais, elle ne veut pas mettre en cause l’immunité permanente que lui donnera la bombe par une déflagration générale. Cette immunité dont profite Vladimir Poutine pour empêcher Zelensky d’utiliser pleinement les armes fournies par les démocraties.
Un jour viendra où la planète sera débarrassée de toute arme atomique. Pour une arme plus terrible ?
Pendant ce temps, à Oslo, le Comité Nobel pour la Paix attribue son prix à une organisation japonaise qui milite contre la menace nucléaire. Un jour viendra où la planète sera débarrassée de toute arme atomique, c’est sûr. Vraisemblablement pour une arme plus terrible encore. En attendant ce jour des sages, le nombre de missiles nucléaires repart à la hausse. 12.000 ogives, à 80% détenus par la Russie et les Etats-Unis. La Chine se rattrape, elle a doublé ses capacités. Neuf pays possèdent la bombe : France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Russie, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord, Israël. Deux y ont renoncé : L’Afrique du Sud, et … l’Ukraine. Triste leçon : L’Ukraine nucléaire n’aurait pas été envahie.
La bombe protège un pays, et son régime. Ainsi la conçoivent Poutine, Kim Jong Un et les ayatollahs. Heureusement l’horreur de la guerre protège de la guerre, sinon, avec les radicalisations de par le monde, tous les pays seraient en guerre civile. Que ce soit en Russie au Moyen-Orient, en Afrique ou en Birmanie, il semble que la guerre ne se fait pas sans crime de guerre.
Des crimes de guerre sont commis pour rendre la paix impossible.
Les conventions internationales dites de Genève tentent d’installer le droit dans la guerre. Est-ce impossible ? Non : Rares sont les guerres qui finissent sans condamnation. C’est l’objet de la Cour Pénale Internationale. Contrecoup de la crainte du jugement, des crimes de guerre semblent commis pour rendre la paix impossible. Seule est promise la victoire totale, ce qui semble en Ukraine ou en Moyen-Orient, improbable.
En parallèle des crimes, chacun accumule les prises de guerre. Les unes compenseraient les autres. Déjà s’affrontent des plans de paix et de troc avant que les ouvriers de Detroit ne décident du sort du monde. Ici Harris, sur le fil ténu de l’équilibre, ou de l’ambiguïté, d’un Biden. Là Trump, prêt à abandonner la Crimée, le Donbass et même l’Europe, s’arc-boute sur la Chine et sa « guerre intérieure » : libérer l’Amérique des immigrés mangeurs de chats. Beaucoup d’Américains et d’Européens pensent comme lui. Le soutien de l’Allemagne à l’Ukraine pourrait diminuer de moitié. Zelensky a obtenu que l’aide allemande ne faiblisse pas, mais les scores de l’AFD montent. Les opinions publiques se lassent des guerres sans fin. L’étranger, quel qu’il soit, inquiète.
Les opinions publiques se lassent des guerres sans fin. L’étranger, quel qu’il soit, inquiète.
À la fin, peu importe que ce soit la Russie l’agresseur, peu importe que ce soit le Hamas qui ait attaqué Israël, le Hezbollah qui bombarde depuis un an la frontière nord, à la fin, les opinions publiques ne veulent plus avoir peur.
Malgré Netanyahou, des responsables Israéliens et Palestiniens multiplient les initiatives pour une solution diplomatique : solution à deux Etats, émergence de nouveaux interlocuteurs palestiniens, renforcement de l’armée libanaise, alliance globale contre le terrorisme, reconstruction de Gaza, du Liban, aide à la Jordanie, avec en ligne de mire l’Iran et ses milices. C’est la crainte d’un projet similaire, celui d’un accord israélo-arabe, qui a provoqué le 7 octobre.
L’idée d’une paix fondée sur une alliance globale contre le terrorisme est moins absurde que celle d’éradiquer le Hezbollah en rasant le Liban. Qui a remplacé l’OLP vaincu, sinon le Hezbollah ? On ne supprime que ce que l’on remplace. On ne fait la paix qu’avec l’ennemi.
Il y a des guerres justes, y a-t-il des paix justes ?
Il y a des guerres justes, y a-t-il des paix justes ? Les crimes de guerre ne doivent pas interdire la paix. Sinon, aucune paix ne serait possible. Les dirigeants seront jugés par leur propre peuple. Éliminer ceux que l’on peut, traiter avec les autres.
Qu’est-ce qui déterminera les conditions de la paix ? Pas seulement les prises de guerre et l’état des forces, qui ne sont que des résultantes. La bataille se joue dans les têtes. Est-ce que « l’arrière » tiendra ? Jusqu’où les Européens, sans les Etats-Unis, soutiendraient-ils l’Ukraine ? Le drapeau palestinien continuera-t-il à fleurir dans les universités occidentales, à la grande joie des ayatollahs ? Mais ce serait une erreur de croire que seules les démocraties ont des opinions publiques.
Irak, Afghanistan, Syrie, Liban, Yémen, Libye, Gaza, qui ne voit le malheur du monde musulman ?
Dans le monde arabe, les populations n’en ont-ils pas assez des guerres ? Irak, Afghanistan, Syrie, Liban, Yémen, Libye, Gaza, qui ne voit le malheur du monde musulman ? Les opinions publiques, dans les pays arabes savent qu’à côté des crimes de guerre, il y a aussi des crimes de guerre civile, plus ou moins étouffés. Certains régimes se nourrissent de la guerre, réelle ou fictive, pour se maintenir au pouvoir, des cas aussi différents que l’Algérie, la Turquie ou l’Iran. Le chemin de la paix extérieure est d’abord celui de la paix à l’intérieur.
Là, toute critique, toute dissidence est trahison. En Russie, une jeune femme de 27 ans est morte en prison. Elle était journaliste et couvrait l’« opération spéciale ». Treize journalistes sont morts en Russie. Dix-neuf sont emprisonnés. Des combattants. Combien ailleurs ?
Si la paix parvient à s’installer, ceux qui vivent de la guerre seront progressivement détruits,
La bataille de l’opinion publique mondiale ne fait que commencer. Elle doit être menée avec force, moyens et stratégie. Les crimes de guerre comme les actes terroristes sont des actes qui veulent voiler toute rationalité, des actes de propagande. Si la paix parvient à s’installer, ceux qui vivent de la guerre seront progressivement détruits, plus sûrement que par les bombes. L’imaginer quand pleuvent les bombes est aussi un combat nécessaire. Ce n’est pas faiblir, c’est résister à la violence. Dire aux peuples Russes, Palestiniens, Iraniens, Israéliens que la paix est possible, ce devrait être le rôle de l’Europe, et de la France. Ce n’est pas un cessez-le-feu qu’il faut réclamer. C’est montrer comment la paix est possible.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et France Pay
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