Que les violences du Capitole ne masquent pas l’essentiel, et rappelle que la violence est toujours présente, latente ou éclatante.
Les guerres ne se sont pas arrêtées pendant les trêves de Noël, ni pendant l’épidémie. Progrès de l’humanité : elles font moins de bruits, moins de morts. La guerre change : qui n’est pas à la page est éliminé.
En fait, les outils de la guerre s’additionnent. Le missile est moins meurtrier que la machette, les mines artisanales, qui tuent les soldats français au Sahel complètent les cyberattaques. L’un ne supprime pas l’autre.
La guerre informationnelle est encore de la guerre
Facebook accuse Russes et Français de se livrer à de la « guerre informationnelle » en Afrique. A regarder de près les faux comptes révélés par Facebook, la France secrète joue petit bras, elle reste en retard sur la Russie. Pas de quoi influencer une élection. L’Etat major s’excuse en indiquant qu’il s’agissait simplement de montrer que la France aussi, savait faire. On aimerait en être sûr. Car les Russes ont montré qu’en effet, ils savaient employer mercenaires et Hackers en même temps.
Twitter, Facebook, Alibaba, « La guerre informationnelle » est-elle encore de la guerre ? Evidemment. Limiter les ingérences russes à de la stratégie d’influence serait dérisoire. Ils ont des avions, des missiles, des mercenaires. Trois soldats de l’ONU tués en Afrique, une centaine de miliciens pro-turcs éliminés en Syrie, des hackers et des virus qui paralysent, tout s’enchaîne.
Au Moyen-Orient, l’Iran a déclenché une cyberattaque massive contre Israël. Réplique aux bombardements ou aux cyberattaques qui avaient endommagé les calculateurs des centrales iraniennes. Aussitôt, avec l’accord de l’Egypte, un sous-marin israélien emprunte le canal de Suez, pour aller vers les côtes iraniennes, tandis que les bombardements se poursuivent contre les milices supplétives des Pasdarans en Syrie. Tout est dans tout.
Dans l’espace, la prise de contrôle de satellites, le brouillage des ondes peuvent perturber les appareils à terre. Chinois et Américains s’y entrainent. Il faut espérer que l’Europe -la France, qui d’autre ?- n’est pas trop en retard.
Du nouveau dans les transformations de la guerre
Rien de nouveau dans les transformations de la guerre ? Si, justement.
1. La guerre fait moins de morts. Alors que la capacité de destruction explose, le nombre de morts par conflit diminue. Jamais, il n’y eut si peu de guerre, si peu de morts par conflits. Comme de « vraies » guerres entre Etats atteindraient un degré de destruction inimaginable, elles se passent autrement. Des guerres différentes qui vont croitre et proliférer.
Comment contrôler l’élite des nouveaux guerriers ?
2. La guerre se spécialise. Finie la conscription, finie l’ère des masses, voici revenu le temps des spécialistes. D’un bureau secret se joue un jeu mortel, du drone assassin à la panne électronique. Objectif : l’hôpital, l’aéroport, l’usine ? Qui sait si la Covid 19 ne donnera pas l’idée de séries mieux planifiées avec un vaccin déjà prêt pour les uns avant que le virus n’entame un tour du monde ? L’Etat Nation en armes, c’est bien fini. Comment contrôler l’élite des nouveaux guerriers ? Les labos inexistants ?
3. La guerre est plus « informationnelle » que jamais. Le but de toute guerre c’est la volonté, le cerveau, de l’autre. D’où l’astuce, pour les agents et les pirates, de faire semblant de ne pas se battre. Toute mobilisation ou démobilisation repose sur la conviction que l’on se bat pour le « bien ». Facebook et Twitter sont acteurs. D’autant que les Etats cherchent à les contrôler, au Congrès ou à la Commission. Ils ripostent, ou s’acoquinent, hier à Trump, aujourd’hui à Biden.
Joe Biden susciterait une nouvelle alliance démocratique
Il ne faut donc pas prendre à la légère les discours de Xi Jinping sur la supériorité morale de la Chine, ni le ressentiment antioccidental dans les pays arabes ou africains. Non que l’on soit entré dans des guerres de civilisations, -si tel était le cas la technologie et la finance occidentale écraserait à nouveau le monde- mais parce que l’idée de civilisation est l’atout majeur des conflits.
Lors de la seconde guerre mondiale, on proposa à Churchill de couper dans le budget de la culture pour soutenir l’effort de guerre. Il répondit : « Si nous faisons cela, pourquoi nous battrions nous ? »
Le mandarinat communiste chinois parait incompatible avec le développement de l’initiative libre. Une société ouverte ne peut être une société policière et arbitraire: Jack Ma a disparu, le financier Lai Xiaomin[1] est condamné à mort. Joe Biden veut susciter une nouvelle alliance démocratique occidentale.
Toute crise appelle une nouvelle crise
Les sociétés démocratiques restent-elles accrochées à la démocratie comme les soldats à leur patrie ? La violence, la brutalité, la force, y compris dans les démocraties, apparaissent comme des solutions possibles. On envahit le Capitole. On saccage les Champs Elysées. On coupe Tweeter. La brutalité semble normale.
Les démocraties sont tellement habitués au désordre et au chaos, que l’ordre sous jacent y reste intact.
Le danger de la militarisation pacifique du monde
Ce qui apparait de plus en plus clairement, c’est la « militarisation » du monde paisible. Les gouvernements américains se reposent de plus en plus sur l’intervention militaire, ce qui n’est pas toujours une réussite. Quand on regarde un planisphère, on s’aperçoit que la primauté des gouvernements civils est de plus en plus factice. Soit que les gouvernements dépendent de l’armée, (Algérie, Egypte) soit que l’armée y jouit d’une autonomie de fait (Chine, Israël, Iran), soit qu’elle est vue comme un instrument parmi d’autres du politique (Russie, Turquie).
Ce qui est dangereux, c’est à la fois la militarisation de la politique -l’idée que la violence, légitime ou non peut résoudre les problèmes- et la dématérialisation de la guerre : la guerre informationnelle, celle de tous les jours, répond de plus en plus à des critères militaires. Dans un monde pacifique, la militarisation de la paix est un danger. L’Europe reste à part. Qu’elle se conforte, y compris en construisant son autonomie … militaire.
[1] Lai Xiaomin, ancien président de la société chinoise Huarong Asset Management, était un des plus importants opérateurs financiers de Chine.
Laurent Dominati
A. Ambassadeur de France
A. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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