C’est en octobre dernier que la Cour des comptes a publié un rapport sur les services consulaires dans lequel « elle effectue un bilan des moyens alloués et de leur efficacité, tout en proposant des pistes d’amélioration ». Dans sa publication, la juridiction financière française indique que « les besoins en matière de services (…) augmentent ». Si la « qualité » des prestations rendues aux usagers est soulignée par les membres du Palais Cambon, ces derniers estiment pour autant que des « économies » pourraient être réalisées. Aussi, en écho à ce constat et aux recommandations stipulées dans le rapport de la Cour des comptes, Lesfrancais.press a pu interviewer Pauline Carmona, la directrice de la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE).
Lesfrancais.press : « La Cour des comptes a publié un rapport sur l'activité des consulats de France présents dans les différents pays, dans les conclusions de ce document il est écrit que "les services consulaires assurent leurs missions de manière efficace", c'est un signal important donné à vos équipes et aux représentations consulaires françaises partout dans le monde ? »
Pauline Carmona : « C’est en effet un signal important envoyé à l’ensemble du réseau, fortement mobilisé en particulier depuis la crise COVID. En particulier dans les services à nos compatriotes, il faut souligner la très nette hausse des demandes de passeports et cartes d’identité : de 372 500 en 2019, nous sommes passés à 474.000 en 2022 et à près de 530.000 en 2023, un niveau jamais connu jusqu’à présent. L’année 2024 confirme cette évolution avec des chiffres qui devraient être sensiblement les mêmes, malgré l’organisation de deux scrutins au début de l’été, qui ont également enregistré un taux de participation record.
« Il faut souligner la très nette hausse des demandes de passeports et cartes d’identité : de 372 500 en 2019, nous sommes passés à 474.000 en 2022 et à près de 530.000 en 2023, un niveau jamais connu jusqu’à présent. »
Pauline Carmona, Directrice, Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire
Cela a été rendu possible en particulier par la mise en place de grands projets de modernisation et une réflexion d’amélioration continue qui permettent aux équipes dans le réseau d’être davantage disponibles pour les usagers.
Je pense notamment au Service France Consulaire qui a permis, avec sa réponse téléphonique centralisée, de libérer les agents en poste d’un certain nombre d’appels, qui ne nécessitent pas, dans leur grande majorité, d’être traités sur place. »
Lesfrancais.press : « Toutefois, comme l'indique ce document publié par la Cour des comptes, "alors que l’activité a augmenté, la diminution des effectifs a pu entraîner des tensions sur les conditions de travail des agents, notamment en matière de risques psychosociaux", comment gérez-vous ce type de situation ? Ce rapport est-il l'occasion de demander des effectifs supplémentaires pour répondre aux attentes de nos Français à l'étranger sans détériorer les conditions de travail de vos agents ? »
Pauline Carmona : « Après deux décennies de réduction des effectifs et une stabilisation en 2021 et 2022, le réseau consulaire a bénéficié de créations nettes d’emploi en 2023 et 2024, pour un total de 67 postes de travail au bénéfice du réseau consulaire à l’étranger. Les postes de travail créés à l’étranger sont venus en soutien de postes consulaires situés plus particulièrement dans trois zones prioritaires : Afrique subsaharienne, Afrique du Nord et Moyen-Orient, et Asie.
« Concernant les risques psychosociaux, le bien-être au travail des personnels consulaires fait partie des préoccupations majeures du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. »
Pauline Carmona, Directrice, DFAE
Ces effectifs supplémentaires visent à renforcer notre capacité d’instruction des demandes de visas au service de notre politique d’influence, à moderniser les services à nos compatriotes, ainsi qu’à accroître nos capacités en matière de lutte contre la fraude, identifiée comme une priorité transversale. Le réseau consulaire devrait encore bénéficier de postes supplémentaires en 2025.
Concernant les risques psychosociaux, le bien-être au travail des personnels consulaires fait partie des préoccupations majeures du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Les conditions de travail constituent un point d’attention tout particulier. S’agissant plus particulièrement des personnels consulaires, le bien-être au travail est une priorité régulièrement soulignée et la DFAE s’attache à garder un contact permanent avec les équipes consulaires en poste. »
Lesfrancais.press : « Des recommandations sont aussi proposées dans le rapport de la Cour des comptes. Une d'entre elles s’appuie sur l’expérimentation actuelle menée pour nos ressortissants vivant au Canada et au Portugal qui peuvent renouveler leur passeport de manière dématérialisée, et s'acquitter ainsi du paiement des droits de chancellerie par un timbre fiscal électronique, la Cour des comptes propose de généraliser ce dispositif, pensez-vous que ce sera le cas et quel serait le calendrier ? »
Pauline Carmona : « Nous saluons cette recommandation de la Cour des comptes de généraliser l’usage du timbre électronique, qui doit permettre aux Français de l’étranger de s’acquitter des droits de chancellerie de manière dématérialisée.
« Le paiement par timbre dématérialisé est possible depuis plusieurs années pour les Français qui résident en France, il était important que nos compatriotes qui résident à l’étranger puissent bénéficier également de cette facilité. »
Pauline Carmona, Directrice, DFAE
Cette mesure, validée par le Comité interministériel de la Transformation Publique (CITP) du 23 avril 2024, constitue une mesure prioritaire de simplification administrative du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE).
Le paiement par timbre dématérialisé est possible depuis plusieurs années pour les Français qui résident en France, il était important que nos compatriotes qui résident à l’étranger puissent bénéficier également de cette facilité. Il s’agit d’un chantier lourd, tant sur le plan technique que juridique, qui mobilise plusieurs administrations. Nous y travaillons activement, avec un calendrier de déploiement qui reste encore à préciser. Cette modalité de paiement sera proposée en priorité pour les demandes et les renouvellements de passeports. »
Lesfrancais.press : « Pour renforcer la lutte contre la fraude aux aides sociales et à la scolarité, le rapport demande la mise en place d’un double dispositif, à savoir la création d'un "indicateur relatif au nombre de visites à domicile effectuées pour l’instruction des demandes d’aides sociales et d’aides à la scolarité". Et aussi d’ "étudier la faisabilité d’une interconnexion des données entre systèmes d’information des ministères des affaires étrangères et de l’intérieur et entre le ministère des affaires étrangères et les organismes sociaux". Pensez-vous que cette fraude aux aides sociales et à la scolarité est importante chez les expatriés ? Ce double dispositif proposé par la Cour des comptes pourrait-il être mis en place dans les prochaines semaines ?
Pauline Carmona : « Le MEAE a bien pris note de la recommandation de la Cour des comptes d’étudier la faisabilité d’une interconnexion des données des ministères de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Intérieur avec les organismes sociaux. Cette recommandation est en cours d’étude par les administrations et organismes concernés, notamment s’agissant des spécificités techniques et de protection de données.
« Pour rappel, les aides sociales à l’étranger ne sont pas un droit mais relèvent d’une mesure gracieuse du ministre »
Pauline Carmona, Directrice, DFAE
En revanche, l’indicateur relatif au nombre de visites à domicile a bien été mis en place dans l’application qui synthétise l’activité consulaire des postes diplomatiques et consulaires. Ces visites, que le ministère encourage dans la limite du temps que peuvent y consacrer les agents dans les consulats, sont très importantes pour évaluer le niveau de vie des demandeurs d’aide sociale et de bourses scolaires. Certaines familles en situation de grande précarité ont ainsi pu être mieux identifiées. À l’inverse, d’autres usagers demandaient des aides auxquelles ils ne pouvaient prétendre. Pour rappel, les aides sociales à l’étranger ne sont pas un droit mais relèvent d’une mesure gracieuse du ministre, dans la limite de l’enveloppe budgétaire allouée à cet effet. »
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