Par-delà la réforme des retraites 

Par-delà la réforme des retraites 

La France s’engage dans sa cinquième grande réforme des retraites en 30 ans (1993, 2003, 2010, 2014), mise à part celle qui a été abandonnée en 2020. A chacune de ces réformes, les gouvernements ont commis l’erreur d’affirmer haut et fort qu’il s’agirait de la « der des der » pour mieux obtenir le consentement de la population. Au fil des années, il n’est donc pas surprenant que celle-ci soit de plus en plus défiante à l’égard de la parole publique et rétive à accepter de nouveaux efforts. 

Après trois ans de « quoi qu’il en coûte », le rétablissement des comptes publics est devenu un argument inaudible pour une grande partie de la population. Imposer le report de l’âge légal de 62 à 65 ans, pour effacer les déficits d’une dizaine de milliards d’euros à venir des régimes de retraite, apparaît d’autant plus incompréhensible que ces derniers sont, pour le moment, à l’équilibre et que le déficit budgétaire de l’État s’élève à plus de 150 milliards d’euros.

Un manque d’emplois en France 

L’équilibre des régimes de retraite est une question subalterne à un problème bien plus large. L’économie française souffre d’un cruel manque d’emplois. Selon l’OCDE, 68 % de la population en âge de travailler en France, a un emploi contre 77 % en Allemagne. Cet écart substantiel est lié à la faible participation à l’emploi des jeunes et des seniors. L’énergie des premiers et l’expérience des seconds sont ainsi gâchées. 

Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est trois fois plus élevé en France qu’en Allemagne, 16 % contre 5 %. La proportion de jeunes déscolarisés et sans emploi ayant entre 15 et 29 ans est de 15 % en France, contre 10 % en Allemagne. Si le taux d’emploi des 55/64 ans en France a progressé depuis 2010, passant au-dessus de 50 %, il demeure faible pour la tranche d’âge 60/64 ans, 35 % contre 62 % pour l’Allemagne. 

Ce déficit d’emplois pèse sur le volume des cotisations sociales et des impôts. Il conduit les pouvoirs publics à verser plus qu’ailleurs des prestations sociales pour compenser le manque de revenus issus du travail. Il entrave ainsi la croissance. Si la France avait proportionnellement le même nombre d’emplois productifs que l’Allemagne, elle n’aurait plus de déficits publics. Le financement des retraites, de la dépendance, de la santé et de l’éducation en serait grandement facilité. Le problème risque malheureusement de s’aggraver si rien n’est entrepris pour augmenter le taux d’emploi.

Et des problèmes de recrutement 

En 2022, de nombreuses entreprises sont entravées dans leurs activités en raison des problèmes de recrutement. Ces difficultés s’amplifieront, ces prochaines années, avec les départs massifs à la retraite à venir, soit 800 000 par an jusqu’en 2040. Sans apport extérieur, la population active est appelée à stagner puis à diminuer. 

L’augmentation du nombre d’emplois est donc une condition sine qua non pour atteindre un niveau de croissance suffisant pour financer non seulement les retraites mais aussi garantir le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français, en particulier celui des retraités. 

En France, ces derniers peuvent se réjouir de bénéficier aujourd’hui d’un niveau de vie supérieur à celui de l’ensemble de la population, ce que très peu de pays connaissent. Mais cette situation n’est pas amenée à perdurer. Toutes choses égales par ailleurs, selon le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites, le niveau de vie relatif des retraités devrait diminuer de 5 à 10 % d’ici 2040 du fait de l’application des réformes engagées ces trente dernières années. La revalorisation des pensions, qui s’élèvent actuellement à 1 400 euros net par mois en moyenne, sera un sujet majeur dans les années à venir.

© DREES

Pour redresser l’économie française et pour relever les défis de la transition énergétique et du vieillissement de la population, la création d’emplois productifs est une ardente nécessité. Il faut tout à la fois favoriser l’emploi des jeunes et des seniors, ce qui suppose un important effort de formation pour les uns comme pour les autres. Il faut également adapter le travail aux capacités et aux attentes des seniors. 

Vers une retraite progressive

Les dernières années de travail n’ont pas vocation à être un chemin de croix. À cette fin, la retraite progressive devrait être encouragée, voire devenir le mode de sortie normal. Le principe d’une retraite à la carte intégrant la pénibilité des carrières et les envies des uns et des autres devrait s’imposer afin de mettre un terme aux débats d’une autre époque sur l’âge légal de départ à la retraite. 

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