Papes et chefs d’État : Divine Politique.

Papes et chefs d’État : Divine Politique.

François a rejoint le Paradis. Croyants, infidèles, hypocrites, empathiques, tous le pleurent. Personne ne l’écoutait. Ni sur l’avortement et ses médecins « tueurs à gage », ni sur les migrants qu’il fallait tous accueillir, ni sur la guerre qu’il fallait arrêter même au bénéfice des agresseurs. Trump et Zelensky se mentent en public dans la Basilique saint Pierre. Personne n’écoutait le Pape, heureusement. Il est au-delà ! La religion est une affaire privée, croit-on. Il n’en est rien : une religion fabrique une civilisation. Même si la géopolitique des dieux est plus maline que celle des territoires.

Vue du ciel, voici la carte du monde : un tiers des humains sont chrétiens (31%), comme il y a vingt ans; comme dans vingt ans. Un peu plus que les Musulmans, parmi lesquels les « Arabes » ne sont que 18%. Les premiers pays musulmans sont l’Indonésie, l’Inde, le Pakistan. L’avenir de l’Islam est en Asie.

Croyants, infidèles, hypocrites, empathiques, tous le pleurent. Personne ne l’écoutait.  

Cinq cultes seulement monopolisent la quasi-totalité des cœurs. Aux trois religions monothéistes, s’ajoutent l’Hindouisme, qui déborde de dieux sans jamais sortir de la péninsule indienne, et le Bouddhisme, qui l’a désertée pour la Chine.

La religion catholique est la seule à avoir un chef suprême, la seule à avoir un État. Le Collège cardinalice a hérité la pourpre du Sénat romain, les Papes coiffent la tiare impériale. En Occident, le pouvoir -rois, empereurs, villes, républiques- s’est construit dans les défauts de l’autorité papale. Jamais le Pape ne réussit à être le supérieur des Princes. Il fut, au mieux, un contre-pouvoir. Ces rivalités et conflits ont permis esprits critiques, autonomies, refuges et libertés. Plus la religion chrétienne s’étend, plus le Vatican se rétrécit. 

Les enjeux de pouvoir se jouent à l’intérieur des murs. Les guerres de religion sont des guerres civiles. Rares furent les conflits guerriers entre religions. Les guerres de civilisation sont rhétoriques, à usage interne. Les Turcs de Lépante ne se battaient pas contre la Croix mais pour la Méditerranée. Ils croisaient plus souvent le fer avec les émirs que contre les mécréants. Comme les Européens, qui se sont surtout massacrés entre eux. L’histoire ne se fait ni sur les guerres de religion, ni de civilisation, mais sur des enjeux internes de pouvoir, avec la seule logique d’expansion du pouvoir au plus près, chez le cousin. 

Les enjeux de pouvoir se jouent à l’intérieur des murs. Les guerres de religion sont des guerres civiles.

Aujourd’hui, contrairement aux cris d’alerte, l’Islam n’est pas en guerre contre l’Occident. Il vit une guerre interne, comme d’habitude. Le terrorisme frappe d’abord les pays d’Islam, l’Occident n’en est victime que par ricochet. Nul besoin de religion pour se déchirer. 

La religion offre un drapeau identitaire qui aide à mobiliser, à désigner un ennemi, toujours l’autre. D’abord chez soi, dans une guerre civile. L’Hindou contre le Musulman (Modri), le Musulman face au Chrétien, au Juif (Khamenei). La bénédiction religieuse offre un permis de tuer, au nom du bien, elle exalte le sacrifice.  « Le courage peut détruire une cathédrale, l’endurance réduire une ville à la famine, la pitié tuer… nous sommes piégés et trahis par nos vertus » plaide Graham Greene le catholique.

Les Sionistes étaient n’étaient pas religieux, les religieux étaient antisionistes. Le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit religieux. Les plus grandes guerres du monde n’ont rien de religieux. Les révolutions religieuses elles-mêmes se font peu dans la guerre. Le bouddhisme n’a pas combattu l’hindouisme ou le shintoïsme. La conquête musulmane résulte de  démissions collectives: les populations chrétiennes de Syrie et d’Égypte ouvrirent leurs portes à des maîtres plus tolérants que les Byzantins.

S’ajoute l’intérêt financier. La foi suit l’or.

S’ajoute l’intérêt financier. Les Musulmans taxaient moins que les Chrétiens. La foi suit l’or. La conversion de Constantin vida les trésors des temples. L’élite, la ville, change de religion ; le peuple, les paysans restent Païens (c’est le même mot). 

Dans les révolutions politiques, la religion n’est motrice qu’à rebours : Les révoltes protestantes abolirent la dîme, laissant son bénéfice aux Princes et plus au Pape. Telle est l’origine du capitalisme : l’impôt plus que l’éthique protestante. La Révolution française fut financière et religieuse. Elle confisqua les terres de l’Église. 

Les Bolcheviques massacrèrent des milliers de prêtres, détruisirent 40.000 églises, les armées blanches échouèrent sur cet écueil : impossible de reprendre les terres de l’Église aux paysans.

Aujourd’hui, Vance, Bolsonaro, Morales, Erdogan, Orban, Poutine, Modri, sans compter les dirigeants musulmans, invoquent le ciel, à rebours des tendances laïques et démocratiques. Si l’autorité vient du ciel, pourquoi s’occuper d’en bas ? 

Si l’autorité vient du ciel, pourquoi s’occuper d’en bas ?

Les États-Unis divergent de plus en plus de l’Europe. L’Amérique colore la politique de foi ; l’Europe, de laïque, devient athée. Apparaît, en Europe, une tentative de « religion civique » autour des valeurs de la démocratie, dont la laïcité. Aux États-Unis, le vote républicain suit l’implantation évangéliste. La dérive américaine suit ces nouvelles identités religieuses. Les nouvelles Églises (Scientologie, Mormons, Témoins de Jéhovah) foisonnent. Elles gagnent l’Amérique latine et l’Afrique. Au Brésil, 30% de la population a quitté l’Église pour les Évangélistes.

Le monde musulman n’est pas le seul dans lequel la religion sert de repli identitaire au néo nationalisme. En Inde, Modri brandit l’« hindouité » contre les Musulmans. En Chine, le PCC voit l’Islam comme un concurrent. Au Japon, Le Komeïto est un parti religieux, la secte Moon tisse son réseau au sein du parti libéral. En Russie, l’agent Poutine découvre avec son complice le patriarche Cyrille, qu’ont abandonné les orthodoxes ukrainiens. 

L’Europe marque son originalité, areligieuse. Même l’Italie ou l’Espagne, l’Irlande la Pologne, anciens bastions de l’Église, s’affranchissent. La preuve par l’avortement, le rôle des femmes. Les pays les plus incroyants sont la Tchéquie, la France, la Suède, mais aussi l’Allemagne. L’athéisme reste difficile à mesurer. Ainsi 61 % de Chinois se disent athées, mais 85 % déclarent observer des rites religieux.

L’Europe marque son originalité, areligieuse.

Les religions se veulent universelles. Elles ne le sont pas. Elles se réduisent lorsqu’elles sont identitaires. Rares sont celles qui ne sont pas prosélytes, comme le judaïsme ou l’Hindouisme. Universels, en revanche, les chiffres indiens, dont celui, métaphysique, du vide, le zéro. Gerbert, le Pape de l’an mil, comptait avec ces chiffres dits arabes, longtemps jugés suspects. L’Église mit longtemps avant de les accepter. Miracle : si personne n’écoute ni le Pape, chacun sait compter. 

Les mathématiques sont universelles, ô combien plus que la connaissance religieuse.  L’invention des chiffres, a plus changé la vie des hommes que les pèlerinages. Les révolutions technologiques, qui prennent leur source dans la quête scientifique, suspecte, changent le monde plus que les dieux. Mais les dieux font de la résistance. Tous les pouvoirs les prient, hypocrites ou sincères. 160 délégations assistent aux funérailles du Pape, un beau collège de délinquants et criminels. 

Les révolutions technologiques, qui prennent leur source dans la quête scientifique, suspecte, changent le monde plus que les dieux. Mais les dieux font de la résistance.

La révolution digitale – toujours les chiffres – fera apparaître d’autres réponses spirituelles, inimaginées.

Descartes, Newton, Galilée, croyaient en Dieu. Ce n’est pas ce que l’on retient d’eux. « Je n’ai pas besoin de l’hypothèse Dieu » tranchait Laplace. Que préfère-t-on, terre ou Paradis ? Divine politique ! La religion peut-elle aider ? Peut-être. Vance, qui se dit fervent catholique, est le dernier à avoir vu le Pape. Pour lui dire, qu’il ne l’écoutait pas ? Le Pape mort, un nouveau pape viendra; on ne l’écoutera pas non plus. Jean Paul II était le dernier Pape, pas François. La Papauté, comme institution politique, n’est plus.

La révolution digitale – toujours les chiffres – fera apparaître d’autres réponses spirituelles, inimaginées. Qui sait quelles formes et quelles dévotions spirituelles est capable d’inventer l’humanité ? Les tentatives de création de religion nouvelle sont permanentes depuis des siècles. Elles trouvent toujours un complice temporel, comme en Arabie, du Prophète aux Saoud. L’idée d’un Pape aurait paru absurde aux yeux d’un Romain, mais l’intrication quantique ne l’est-elle pas ? Qu’est-ce qu’elle nous mijote comme transcendance ? Prions ! Comme le faisait le Pape François, pour rester de bonne humeur[1].

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire France Pay


[1] Prière de la bonne humeur, de saint Thomas Moore, qui refusa de se plier au roi d’Angleterre.  https://fr.aleteia.org/2024/06/21/video-la-drole-de-priere-de-thomas-more

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