Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui se tient jeudi et vendredi 22-23 juin à Paris, pourrait contribuer à faire d’Emmanuel Macron un acteur incontournable sur les sujets du financement du développement et renforcer la « diplomatie verte » française.
L’urgence climatique, mais aussi le risque considérable de crise de dette souveraine auxquels font face de nombreux pays du « sud global », ont rendu l’organisation d’un sommet international « vital », selon l’Elysée.
L’objectif est triple : d’abord, assurer un financement de la transition verte à la hauteur des attentes, alors que le G20 s’était engagé dès 2009 à dépenser 100 milliards d’euros par an pour accompagner les pays les plus pauvres – sans jamais l’atteindre, créant de fait une « crise de confiance » avec les pays les plus vulnérables, explique l’Elysée.
Ensuite, repenser les institutions « Bretton Woods », qui régissent le fonctionnement des organisations financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, afin d’optimiser l’impact que peuvent avoir les financements publics – par le biais de l’aide au développement bilatéral, par exemple – et privés, notamment grâce aux banques multilatérales de développement.
Enfin, face au risque de crise de dette souveraine, l’heure est aux financements alternatifs pour mieux accompagner les pays dans leurs transitions économique et verte, tout en assurant une meilleure représentativité du « sud global » dans les organes de décision internationaux.
Une politique « ancrée dans le multilatéralisme »
Devant ces défis, la France essaye depuis plusieurs années de mener la danse. La France est dorénavant l’un des plus grands donateurs mondiaux, après les Etats-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
La loi de finances pour 2023 entérine ainsi 15,1 milliards d’euros d’aide au développement, soit 0,56 % du revenu national brut. Le montant est, certes, historique, mais bien en deçà de ce que les ONG estiment nécessaires pour permettre une transition juste dans les pays les plus vulnérables.
Plus récemment, la France a aussi poussé pour une réforme des institutions financières multilatérales.
« Emmanuel Macron a toujours porté une politique ancrée dans le multilatéralisme, avec un soutien fort pour la réorientation des droits de tirage spéciaux », précise pour EURACTIV Brendan Harnoys Vannier, économiste au Finance for Development Lab (FDL), un « think tank » spécialisé en finances pour le développement.
Les droits de tirage spéciaux (DTS) sont un instrument monétaire faisant office de réserves de liquidités internationales, dont les pays membres du FMI peuvent bénéficier. Le montant alloué à chaque pays est notamment déterminé par la taille de l’économie : plus un pays est riche, plus les DTS auxquels il peut prétendre sont importants.
Depuis peu, et avec le soutien assumé de la France, les DTS pourraient devenir une nouvelle marque de solidarité internationale, alors que les pays les plus développés réorienteraient une partie de leur réserve de change vers les plus vulnérables.
Ainsi, la France annonçait en décembre dernier mettre à disposition quatre milliards d’euros de DTS, soit environ 20 % du total alloué par le FMI à l’Hexagone en 2021.
Enfin, avec le soutien du gouvernement, l’Agence française de développement (AFD) était la première agence de ce type au monde à devenir 100 % « Accord de Paris-compatible », c’est-à-dire en respect absolu avec les objectifs de l’Accord de Paris, qui fixe un objectif mondial pour « limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels ».
La « diplomatie verte »
Un accord signé en 2015 et qui, à l’époque, avait « vraiment marqué la diplomatie française », confie un diplomate français à EURACTIV.
Dans cet élan, le président de la République fraîchement élu, Emmanuel Macron, organisait en 2017 l’événement « One Planet Summit » à Paris, afin de coordonner l’aide publique avec des financements privés. Depuis, six éditions de ce « One Planet Summit » ont vu le jour.
En remontant plus loin, le « Club de Paris », dont le siège est à Paris depuis sa création en 1956, regroupe de manière informelle un certain nombre de créanciers publics pour revoir et renégocier les dettes des Etats les moins solvables. Ses travaux sont pilotés par le ministère de l’Économie.
La question du financement du développement est « avant tout politique », explique à EURACTIV David McNair, directeur exécutif de l’ONG One.org, ajoutant que la France est légitime pour prendre les devants au niveau international, sous condition que l’Allemagne suive aussi, afin d’assurer une vraie force de frappe face aux Etats-Unis et à la Chine.
La France, devant cette donne géopolitique, semble envoyer des signaux pour « faire de Paris une nouvelle place de la finance du développement », subodore M. Harnoys-Vannier, qui voit en l’Hexagone « un pivot entre la Chine et les Etats-Unis ».
Un positionnement qui n’est pas nouveau, ajoute le chercheur, pour qui la France a longtemps été au cœur des questions de développement économique, « pour le meilleur et pour le pire », référence à peine voilée à l’ancienne « Françafrique ».
Contrairement aux réunions annuelles des COPs, exercice formel s’il en est, l’Elysée précise que ce sommet sera un « pas de côté », au sein duquel se créeront « une dynamique et un élan politique, en mettant la lumière sur certaines conversations ».
Quoi qu’il en soit, le sommet doit être une réussite, souffle le diplomate. « Nous n’avons pas le droit de nous rater ».
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