Les États devraient réaffecter l’argent de la protection sociale et la santé à la défense, a répété lundi 13 janvier le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, qui a également appelé l’industrie européenne à coopérer plus étroitement avec ses homologues américains.
Avec des entrepôts vidés, des objectifs de stockage plus élevés et des besoins ukrainiens persistants, les gouvernements en Europe et aux États-Unis se demandent comment trouver l’argent nécessaire pour augmenter leurs dépenses de défense et de sécurité.
Mark Rutte a une réponse : si ce n’est pas avec des impôts, ce sera en réaffectant l’argent de la protection sociale à la défense, ce qui permettra à l’économie européenne d’être davantage sur le pied de guerre.
Un objectif : dépenser plus
« D’une manière générale, dépenser plus pour la défense signifie dépenser moins pour d’autres priorités, mais cela peut faire une grande différence pour notre sécurité future », a souligné le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Mark Rutte n’a pas hésité à s’immiscer dans le débat politiquement tendu sur le financement de la défense en Europe, en délivrant un message clair et cohérent : dépenser plus.
« En moyenne, les pays européens dépensent facilement jusqu’à un quart de leur revenu national pour les retraites, la santé et les systèmes de sécurité sociale, et nous n’avons besoin que d’une petite fraction de cet argent pour renforcer la défense », a-t-il ajouté, reprenant les mêmes arguments que ceux qu’il avait avancés le mois dernier.
En dépit de l’augmentation considérable des dépenses de défense des pays de l’OTAN, l’« économie de guerre », qui consiste à mobiliser autant de ressources que possible pour la sécurité et la défense, attendue depuis le début de la guerre en Ukraine à l’hiver 2022, ne s’est pas encore concrétisée.
L’industrie de la défense, surtout en Europe, a expliqué qu’elle ne disposait toujours pas des contrats à long terme nécessaires pour justifier les investissements dans de nouvelles lignes et pour augmenter suffisamment la production afin de répondre aux besoins potentiels en temps de guerre.
D’autres alternatives ?
La réaffectation de fonds de la protection sociale à la sécurité a toutefois déjà fait sourciller les anciens commissaires européens chargés de la Politique de cohésion et du Développement, qui ont mis en garde contre cette mesure.
Mais selon Mark Rutte, il s’agit de la seule option dont disposent les gouvernements, s’ils « n’aiment pas augmenter les impôts ».
Le dirigeant de l’OTAN, connu pour sa position contre les emprunts conjoints, n’a toutefois pas mentionné l’idée, souvent évoquée, d’émettre des euro-obligations afin de lever des fonds pour des projets de défense, alors que l’exécutif européen compte examiner cette idée soutenue par des pays comme l’Estonie et la France.
Les États membres de l’UE prévoient de se réunir le 3 février à Limont, en Belgique, pour tenter de répondre à la question controversée du financement. Les solutions potentielles d’augmentations d’impôts et d’emprunts au niveau de l’UE n’ont jusqu’à présent pas obtenu un soutien suffisant.
Pour Mark Rutte, l’augmentation promise des dépenses de défense des pays européens à hauteur d’au moins 2 % de leur PIB n’est pas suffisante. Le secrétaire général de l’OTAN estime qu’une utilisation non coordonnée des fonds pourrait entraîner des dépenses encore plus importantes.
Un avis partagé par les hauts gradés de l’armée qui conçoivent les plans de défense et de dissuasion de l’OTAN.
Des fonds de l’UE aux entreprises américaines
Selon Mark Rutte, le plan proposé par l’exécutif européen pour stimuler la production, le programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP), devrait laisser la porte ouverte aux entreprises de défense américaines pour qu’elles puissent accéder aux fonds de l’UE.
« L’implication des alliés non européens dans les efforts de l’UE en matière d’industrie de la défense est vitale » pour la sécurité européenne, a-t-il affirmé.
Pour le secrétaire général de l’OTAN, « à l’heure où la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran augmentent leur coopération industrielle en matière de défense à des niveaux sans précédent, ériger de nouvelles barrières entre les alliés au sein de l’OTAN serait un acte d’autodestruction ».
Ses commentaires vont à l’encontre de la position de la France, qui souhaite que les fonds de l’UE aillent principalement au complexe militaro-industriel européen, dans le but de réformer le marché.
De son côté, Mark Rutte reproche à l’industrie de défense de l’UE de ne pas livrer assez rapidement et d’attendre des contrats à long terme avant d’investir dans des capacités de production, ce qui explique pourquoi la Corée du Sud occupe une partie du marché dans les États d’Europe de l’Est.
Laisser un commentaire