ONU : Visite à la maison des fous

ONU : Visite à la maison des fous

Une horloge arrêtée donne deux fois l’heure juste. Ainsi va Trump. Son discours à l’ONU avait bien des côtés lunaires, mais deux fois il a donné l’heure juste : A quoi sert l’ONU ? L’Ukraine peut gagner la guerre. Pendant que les chefs d’État se succédaient au pupitre du mégalo (chacun encadrera sa photo de maître du monde dans son journal local), une tentative de putsch électronique était déjouée. Des milliers de cartes SIM avaient été achetées pour saturer le réseau de New York et plonger le siège des Nations Unies dans un black-out de communication. Message de guerre hybride. C’eût été dommage. On aurait manqué l’occasion de mesurer à quel point les dirigeants du monde se prennent pour des génies et ceux qui les écoutent pour des imbéciles. Ne désigner que Trump comme malade relève d’une injustice flagrante. Qu’il soit capable de changer d’avis sur l’Ukraine montre une souplesse neuronale à l’encontre de ce qui dicte l’essentiel de la pensée politique contemporaine : l’orgueil. À se demander s’il n’est pas moins fou que les autres, moins encore que les fantômes de cette maison des fous qui croit porter le monde sur ses épaules.

Jamais, pour le meilleur et pour le pire, autant d’hommes et de femmes n’ont vécu selon les dés pipés des relations internationales.

Jamais, pour le meilleur et pour le pire, autant d’hommes et de femmes n’ont vécu selon les dés pipés des relations internationales. Rarement le système international n’a été aussi peu efficace. La faute aux fonctionnaires internationaux, une caste nette d’impôts, parlant une novlangue anglophone, vivant de rivalités en vase clos, obsédée par des mantras publicitaires des années 80, fermée au monde réel à force d’intelligences. Au mot près, ChatGTP produirait la même glose inutile que le système onusien, avec de meilleures traductions. Et peut-être plus d’originalité. Ce ne serait pas grave sans le basculement du monde. L’ONU aurait pu établir les cartes les cartes de ce nouveau monde dangereux et prometteur, recenser les voyages des grandes découvertes. Rien. Leur terre reste plate. Cette vieille Église n’envoie même pas de missionnaires dans le nouveau monde.

La base nouvelle de la civilisation digitale, ce sont les données, la connaissance, l’« intelligence ». Qu’apporte l’Unesco ? Inlassablement rien. Aucune intelligence du futur, du rôle du futur dans l’intelligence du présent, sinon quelques hautes pensées grandiloquentes vite marmonnées, vite oubliées.

Dans les années 60, la FAO vantait les révolutions agraires dans l’Afrique postcoloniale et en Amérique du Sud, elle ratait la vraie révolution verte, l’indienne. Alors que le commerce mondial, malgré le retour protectionniste, continue à croître, l’OMC disparaît. Le Conseil de l’Europe n’a vu venir ni l’autocratisme turc, ni la guerre Russo ukrainienne, ni la réaction antiféministe qui a débordé après les printemps arabes. Face à la régression autocratique, au retour de la guerre, ne serait-ce pas le moment, pour l’Europe, de combattre pour ses propres valeurs ?

Ce n’est pas la faute des fonctionnaires internationaux si le système international est malade de ses tuteurs. Les États-Unis arborent les sigles et les chartes de l’OMC, l’Unesco, l’ONU comme autant de trophées de chasse. Israël, créé par l’ONU, la renie. La Russie viole toutes les lois internationales avec un délice sadique. La Chine suit la Russie dans tous ses veto, en se faisant le héraut du multilatéralisme. Les voilà en champion de la décarbonation, alors que, 80% des émissions de CO2 supplémentaires viennent de Chine. Tuteur du sud global, elle refuse de rejoindre le club de Paris, car elle y serait amenée à annuler les dettes des pays pauvres.

Aucun pays n’est seul au monde, pas même les États-Unis.

Mais la Chine, comme toute l’Asie, ne peut vivre sans vendre, l’Afrique flanche au moindre souffle de tempête, l’Europe s’angoisse du retour protectionniste, la Russie comme l’Arabie se noient dans leur pétrole. Aucun pays n’est seul au monde, pas même les États-Unis. Le volume de transactions financières explose, les migrations bousculent les frontières, le crime organisé s’en joue, rien de ce qui étranger ne l’est vraiment.

Voilà qui explique le défilé nationaliste des grands dirigeants. Ils vont à l’ONU déclamer leur orgueil et vanter le mérite des Nations désunies. Après, les diplomates s’activent, en coulisse et sous les projecteurs : Conférence avec la France et l’Arabie saoudite, sur la Palestine, conférence avec la Chine sur le climat ; puis conférence, avec l’Arabie saoudite et les États-Unis sur la Palestine.  Hors Nations Unies : c’est peut-être celle qui compte le plus. À quoi sert l’ONU ? A-t-elle déjà résolu un conflit ? Elle sert à organiser des rencontres bilatérales. La bonne question est autre : quel système multilatéral pour le nouveau monde du XXIe siècle ? L’ONU ? l’Unesco, la FAO portent de belles ambitions. En partie, elles se sont réalisées. La lutte contre la pauvreté, l’assujettissement des femmes, les droits de l’homme. Le monde se porte mieux que dans les années 50. Mais l’organisation du monde se porte mal, l’ONU et ses dépendances se déconnectent de l’accélérateur mondial.

Le président Emmanuel Macron et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ont tenu une réunion bilatérale lors du sommet UE–Conseil de coopération du Golfe (CCG) à Bruxelles le 16 octobre 2024. ©LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images
Le président Emmanuel Macron et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ont tenu une réunion bilatérale lors du sommet UE–Conseil de coopération du Golfe (CCG) à Bruxelles le 16 octobre 2024. ©LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images

Quand les Russes perdront la guerre du ciel et de l’espace, ils devront abandonner

L’Ukraine est le révélateur de ce basculement. Trois ans et plus. Qu’a fait l’ONU ? Malgré deux votes condamnant la Russie, Le « chef » de l’ONU est allé baiser la babouche de Poutine.  Trump, changeant encore de position, dit que l’Ukraine peut gagner la guerre. Cette semaine il soutient Zelenski. Il enjoint les Européens de ne plus acheter de pétrole russe.  Il n’a pas tort. Il peut même avoir raison. Si les Européens et les États-Unis armaient vraiment l’Ukraine, s’ils décidaient d’une zone d’exclusion aérienne, alors les Ukrainiens peuvent gagner, la Russie s’effondrer.

Malgré le soutien des Chinois, les Russes perdent la guerre électronique, celle qui guide et égare les missiles. Ils avancent de village en village mais perdent le nord des GPS. Après avoir perdu la guerre navale, quand les Russes perdront la guerre du ciel et de l’espace, ils devront abandonner. Ce qui est remarquable dans cette histoire, c’est que ce peuple dont l’existence était niée, attaquée par les Russes, abandonnée par les Américains, parce que la guerre est celle des puces et non des vagues humaines, a résisté et peut l’emporter.

L’ONU prône le bien et s’offre aux criminels

L’imprévisible est à l’œuvre. Comme l’inconnu effraie, les peuples se réfugient derrière d’illusoires frontières. Défilent au pupitre des plans de paix obsolètes, des proclamations bienveillantes de futurs dictateurs déchus, comme l’iranien, d’anciens terroristes comme le syrien, ou des fous de guerre, comme ce destructeur de Gaza et peut-être d’Israël. L’ONU prône le bien et s’offre aux criminels. Peut-être faut-il reconstruire le système international à partir d’alliances réelles.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’adresse à la 80ᵉ Assemblée générale des Nations unies, au siège de l’ONU, à New York, le 26 septembre 2025. ©CAITLIN OCHS / REUTERS
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’adresse à la 80ᵉ Assemblée générale des Nations unies, au siège de l’ONU, à New York, le 26 septembre 2025. ©CAITLIN OCHS / REUTERS

Réunir les pays qui croient aux mêmes principes, et qui ainsi bénéficient de la force collective de leur alliance.

Peut-être faut-il réunir seulement les pays qui croient aux mêmes principes, et qui ainsi bénéficient de la force collective de leur alliance. Peut-être faut-il fédérer les nations qui se veulent unies ? « L’Alliance des volontaires pour l’Ukraine », ou celle, morte née, contre le terrorisme, aurait pu le préfigurer. C’est ce modèle-là qu’il faut pousser. Une alliance de ceux qui respectent le droit et sanctionnent ceux qui le violent. L’Ukraine montre que les petits peuvent résister aux grands. Et s’ils s’unissaient ? L’Europe ne pourrait-elle montrer la voie, mieux que la Chine ? Mais voilà un autre débat, car l’Europe, souffre de son anglophonie. Et si on remontait l’horloge ? « On construit des maisons de fous pour faire croire à ceux qui n’y sont pas enfermés qu’ils ont encore la raison ».

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Laurent Dominati

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