On a trouvé l’Eldorado !

On a trouvé l’Eldorado !

Vous avez un sac entier de coquillages, des Cauris, monnaie internationale connue de la Chine à l’Afrique de l’ouest depuis des millénaires. Arrivent les monnaies européennes : un sac de 20.000 Cauris vaut trois euros. Adieu trésor, bonjour richesse ? L’économie financière, se plaint-on, n’a plus rien à voir avec l’économie réelle. Tant mieux ! Sans l’économie financière, des rois fainéants se trimbaleraient toujours avec leurs sacs de billes, de bronze ou de Cauris. C’est l’invention de la banque, du crédit –acte de confiance en l’avenir, acte de foi- qui a financé le décollage économique de l’Europe, qui finance, plus que jamais, l’innovation, le développement. Jusqu’ à l’affolement. Evidemment, cela ne va ni sans surprise, ni sans crise. 

Il y a peu, les économistes estimaient qu’un pays qui dépasserait les 100% de taux d’endettement par rapport à son PIB ferait faillite. C’est  le cas du Japon, des Etats-Unis, de la France, de l’Italie, pays riches, qui continuent d’emprunter. La faillite n’est pas là. Jamais, sur longue période, les taux d’intérêt, c’est-à-dire le coût de la dette, n’ont été aussi bas. Et la dette de gonfler, gonfler … jusqu’à l’explosion ? Possible : l’inflation, cet impôt déguisé qui ruine les rentiers, montre le bout de son nez. Aie ! Ou tant mieux ? Car elle rogne la dette.

Il n’y a pas d’autre monnaie mondiale que le Dollar et l’Euro

Normalement, avec la fabrication de liquidités par les Banques centrales pour combler les déficits, les monnaies devraient se dévaluer. Mais il n’y a pas d’autre monnaie mondiale que le Dollar et l’Euro, qui se multiplient au fur et à besoin des déficits des Etats qui les émettent. Où aller ? En Chine ? Pas confiance : La monnaie chinoise est trop contrôlée par l’état- parti, et les dettes chinoises, privées et publiques, sont opaques et colossales.

De nouvelles valeurs se créent  

L’afflux de monnaie provoque bien une hausse des prix : celle des actions et des bourses. En cas d’incertitude, chacun préfère prêter aux riches qu’aux pauvres. Les actions qui montent sont celles des GAFAM et autres Tesla, tandis que les cours des vieillies industries restent à la peine. De nouvelles valeurs se créent : le Bitcoin parait presque ancien, voici venu le temps des NFL (Non Fongible Tokens), jetons uniques qui savent déjà que les univers des métavers sont à eux.  

Il existe 6000 cryptomonnaies. Un truc de Geeks, de criminels ? C’est vrai, ce sont des actifs très spéculatifs, très volatils, indépendants des états et des banques. Le crime organisé en profite. Il représenterait … 0.15% des transactions. Les cartels n’utilisent-ils pas les dollars ? Les pirates ne faisaient ils pas collection de Cauris ? Hormis les criminels, seuls les spéculateurs, même engeance, s’y intéresseraient. Et les pauvres. Tiens, pourquoi les pauvres ?

42% de la population au Nigéria. Plus de 30% en Thaïlande et aux Philippines. 25% en Turquie, presque autant en Argentine. Au Brésil, Colombie, Pérou près de 15%. En Afrique du sud, 18%. Là où les monnaies sont peu fiables, chacun se protège. A chaque crise, la ruée vers une valeur plus sûre qu’un Etat failli ou voleur. Le Salvador a adopté le Bitcoin comme monnaie légale. Le Zanzibar y songe. La Bourse de Gibraltar va être rachetée par une Blockchain.

Les pauvres choisissent les cryptos contre les banques 

L’extension des cryptos va se poursuivre. En Suisse on est à 13%. En France, où la culture économique est anti-économique, à 5%. Parce que c’est une valeur nouvelle. Comme l’expansion des NFT, (Non Fongible Token) avec les métavers. Ce sont des marchés-monde nouveaux, en expansion, qui créent, dans des univers parallèles, des valeurs qui ne sont pas fictives : des terrains qui s’achètent plus de 2 millions de dollars, des boutiques que s’arrachent les marques mondiales, cela n’a rien d’illusoire. Le NFT d’un métavers n’est pas plus virtuel qu’un billet de banque.

Il ne s’agit pas de nouvelles monnaies. Mais d’un monde différent, qui modifie, étire, malaxe et déforme l’ancien. Un peu comme la naissance de l’aviation dans un univers de bateaux. Les navires sont toujours là, mais l’aviation change les modes de transport, et la façon de se faire la guerre. 

Les banques vont changer, radicalement. Certaines vont disparaitre, parce qu’elles coûtent trop cher et sont de moins en moins utiles. Que gagnent-elles à conserver des clients ? Telle banque en ligne vient de supprimer 300.000 comptes, d’un coup. Elles n’ont pas même besoin de prétexte, ce qui pose d’ailleurs un problème monumental. Deux milliards de personnes dans le monde n’ont pas de compte en banque. Pourquoi en avoir, demain, si vous pouvez avoir des cryptos, ce qui est moins cher, moins contrôlé, plus sécurisé ?

La finance nouvelle se moque du Fisc, des nationalités, des frontières. 

La finance décentralisée, appuyée sur la blockchain, permet des transactions sécurisées, infalsifiables, et transparentes. Elle permet d’emprunter et de prêter, d’investir, d’échanger sans intermédiaire ou à des coups restreints, d’automatiser contrats et garanties, d’enregistrer de façon cryptée, sans que rien ne puisse disparaitre. Ce type de finance est déjà inséré dans les métavers, qui obligent à repenser les droits d’usage et de propriété, sans parler de la notion de territorialité et donc de contrôle national et étatique.

Les Etats ne sont pas contents. Ils pressent les Banques centrales d’ouvrir leurs propres monnaies digitales : ne pas rater la manne, ne pas rater sa place sur la rivière d’argent, ne pas s’éloigner de ce puits d’or : la finance nouvelle, qui se moque du Fisc, des nationalités, des frontières. 

Paniqué de voir s’échapper tant d’avoirs, le Parti Communiste Chinois a interdit les transactions et minages des cryptomonnaies. Tous les « mineurs »  sont partis. Les voilà au Kazakhstan, promu deuxième pays de minage, derrière les Etats-Unis mais devant la Russie. Et une révolution en prime ! Le prix du gaz a doublé dans ce sultanat pétrolier et familial. Le vieil or noir est plus explosif que les nouvelles mines : ces dernières se déplacent. Les pays qui veulent défendre leur « souveraineté » monétaire interdisent les cryptomonnaies. Font-ils partie de l’avant garde ? Maroc, Algérie, Egypte, Bolivie, Népal, Bengladesh.

Une révolution financière qui transforme les économies 

La révolution digitale ouvre la voie à un nouveau monde financier, qui transformera les économies autant que la multiplication du crédit l’a fait avec le papier monnaie. La nouvelle finance est peut-être une invention diabolique, elle pourrait surtout être l’invention majeure du 21ème siècle. 

Bien sûr l’avion ne supprime pas le bateau. Mais la voiture a éliminé le cheval. Le minage est tout à fait énergétivore, et il y a quelque chose d’absurde à consommer tant d’énergie pour, aujourd’hui fabriquer des cryptomonnaies, demain, entretenir des métavers pour des addicts aux jeux vidéos.  Certains y voient l’absurdité et le gâchis du monde contemporain. Pas seulement.

On peut aussi y voir la chance de réussir la transition énergétique et la possibilité de sortir l’humanité de la misère. 

La transition énergétique demande des milliards et milliards d’investissements. Idem pour la lutte contre la pauvreté. Continuer à financer le développement de l’Asie, commencer le financement de l’Afrique, car l’explosion démographique est là. Pour faire face, le choix entre la misère, la guerre ou le crédit. Mais le crédit a ses limites, dans les conditions de la finance actuelle. L’émergence de  « valeurs »  nouvelles, d’une économie financière plus solide et moins chère, peut être une chance extraordinaire pour financer ces besoins gigantesques. 

Financer la transition énergétique, l’éducation, la fin de l’extrême pauvreté  par la finance hors sol, telle est peut-être la prochaine surprise de la folle révolution capitaliste qui est en train de se dérouler sous nos yeux. Peut-être folie d’y croire, mais pas de le penser.

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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