NZIA : l’UE officialise le caractère « stratégique » du nucléaire

NZIA : l’UE officialise le caractère « stratégique » du nucléaire

Les États membres et le Parlement européen ont reconnu mardi (6 février) le nucléaire comme technologie stratégique pour la décarbonation de l’UE, après des mois d’âpres négociations à Bruxelles autour du Net-zero industry act (NZIA).

Mi-mars 2023, la Commission européenne présentait un projet de règlement pour accélérer le développement des industries « vertes » face à l’écart qui se creuse avec la Chine et les Etats-Unis.

À cette fin, la loi pour une industrie « zéro net » (Net-Zero Industry act, NZIA, en anglais) prévoit d’accélérer le déploiement de sites de production de composants pour les technologies propres sur le sol européen, liés notamment aux énergies renouvelables, batteries électriques ou pompes à chaleur.

Dans ce cadre, les négociateurs du Parlement européen et des États membres, réunis en « trilogues », ont confirmé mardi (6 février) le caractère « stratégique » des projets relatifs à l’énergie nucléaire, intégrée dans une liste unique de technologies qui profiteront des dispositions du NZIA.

C’est, en somme, « un mix des deux mandats [conseil de l’UE et Parlement], avec une liste plus complète que celle proposée par les États membres », explique Christophe Grudler à Euractiv France à la sortie des négociations auxquelles il a pris part en tant que référent du groupe Renew Europe sur le dossier et fervent défenseur de l’atome.

Sont ainsi couvertes les technologies nucléaires déjà éprouvées et les technologies futures de 3e et 4e génération, c’est-à-dire de petits réacteurs modulaires avec technologies existantes (small modular reactors, SMR, en anglais), les réacteurs de technologies avancées (advanced nuclear reactors, AMR, en anglais). Sont aussi concernées leurs chaînes de combustibles.

La déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire, Valérie Faudon, y voit « un vrai réveil de l’Europe sur une technologie clef pour la décarbonation », dit-elle à Euractiv France.

Délais raccourcis

Concrètement, cela signifie que les usines de production de composants pour ces technologies profiteront de facilités de déploiement.

Les États membres pourront ainsi mettre en place des délais d’octrois de permis raccourcis pour leurs projets en matière de composants nécéssaire aux centrales nucléaires. Les délais seront de 18 à 9 mois en fonction de la taille et s’il est mesurable en mégawatts (18 à 12 mois) ou non.

Le développement des infrastructures nécessaires à l’expansion de l’énergie nucléaire sur le sol européen sera également facilité par des critères de priorisation de ces projets dans le cadre des appels d’offres publics.

Les négociateurs ont ajouté une liberté d’action, puisque chaque État membre sera en effet souverain pour définir, sur son sol, les projets qui seront considérés comme stratégiques et qui bénéficieront, à ce titre, de facilités de déploiement, d’octrois de permis et d’accélération administrative.

Dès lors, « les deux types d’énergies [renouvelables et nucléaires] sont enfin traités de façon égale dans le cadre de la réindustrialisation », se réjouit M. Grudler.

NZIA
Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton et l'eurodéputé Renew Christophe Grudler, lors de la conférence de presse sur le programme de connectivité sécurisée IRIS², le 14 février 2023, à Bruxelles. [Union européenne 2023]

Le nucléaire n’était pas stratégique, selon la Commission

Initialement, ce n’était pas gagné. La proposition de la Commission européenne de mars 2023 présentait deux listes de technologies – l’une regroupant les industries considérées comme « stratégiques » pour la décarbonation de l’UE et l’autre pour les technologies reléguées à un statut inférieur.

Seules les technologies nucléaires de 3e et 4e génération y faisaient leur apparition. Et encore, c’était sur la moins prisée des deux listes.

La situation a provoqué un tollé chez les défenseurs du nucléaire après que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ait publiquement insisté sur le caractère non stratégique du nucléaire. Une expression « malheureuse »vue de Paris.

« L’essentiel était que le nucléaire soit dans le texte. Il l’est »nous glissait à l’époque Christophe Grudler, « confiant » sur les évolutions à venir avec les débats parlementaires.

Plus qu’une liste élargie au Parlement

L’intégration du nucléaire par les parlementaires n’était pas gagnée non plus. Au final, le nucléaire fut bien inscrit, en novembre dernier, dans la liste unique de 17 technologies proposée par le rapporteur du texte, l’eurodéputé allemand Christian Ehler du Parti populaire européen (PPE).

En outre, toutes les technologies nucléaires étaient couvertes : existantes et futures, fission, fusion, et cycle du combustible.

Les parlementaires ne se sont toutefois pas fait d’illusion : «c’est typiquement le genre de texte qui gonfle au Parlement et qui redégonfle après», avait déclaré l’eurodéputé français Renew et président de la commission parlementaire Environnement, Pascal Canfin.

À nouveau deux listes au Conseil

En renouant avec la logique des deux listes, les États membres consacrent finalement le nucléaire en deux phases.

La fission et le cycle du combustible au sein des technologies « stratégiques »  ; les autres technologies nucléaires au sein des technologies « net zéro ».

L’approche est saluée par la France, moins par l’Allemagne et ses alliés, Autrichiens et Luxembourgeois notamment.

Finalement, la logique de la liste unique a été retenue mardi. Les technologies liées au nucléaire bénéficieront bien de facilités « au même titre que celles pour les renouvelables », y compris en matière de recherche et développement, conclut M. Grudler.

Sans surprises, la situation ne sied pas aux associations environnementales. L’ONG allemande Action pour l’environnement (Deutsche Umwelthilfe, en allemand) « y voit un compromis douteux en faveur des technologies coûteuses à haut risque ».

Avec l’inclusion du nucléaire et des technologies de stockage et capture de carbone, les technologies comme l’éolien ou le solaire « sont menacées » selon l’ONG.

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