Les chefs d’État et les représentants de la société civile se sont accordés, ce vendredi 23 juin à Paris lors du sommet pour un nouveau pacte financier, sur une marche à suivre commune pour « réformer en profondeur » le financement du développement. Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la réallocation des droits de tirage spéciaux, mais le sommet n’a pas permis de réaliser les avancées escomptées en matière de fiscalité internationale.
Les participants se sont engagés à intensifier les actions en faveur des pays surendettés, en augmentant la force de frappe financière des institutions publiques et privées et en créant de nouvelles suspensions de dette en cas de catastrophes climatiques.
« Aucun pays ne doit avoir à choisir entre la réduction de la pauvreté et la lutte contre le changement climatique », a déclaré le président français et président du sommet Emmanuel Macron.
La conférence, qui ne bénéficiait d’aucun mandat international pour conclure un accord contraignant, a néanmoins réussi à « briser les tabous » et à assurer une forte représentation des pays les plus vulnérables, estime le président kenyan William Ruto.
« Pour la première fois, alors que nous quittons Paris, nous avons convenu de repenser l’ensemble de l’infrastructure financière internationale », a-t-il ajouté.
Si tous ont salué le sommet comme un moment clef pour définir une feuille de route partagée, un manque d’ambitions s’est fait ressentir sur la question d’une fiscalité internationale. Certains des participants se sont en outre inquiétés d’une absence de décisions concrètes.
Banque mondiale : une nouvelle boîte à outils
Après des mois de négociations, le directeur général de la Banque mondiale, Ajay Banga, en poste depuis seulement trois semaines, a annoncé la création d’une « boîte à outils élargie pour la préparation et la réponse aux crises ».
Cette boîte à outils comprend la suspension totale des remboursements de la dette pendant au moins deux ans lorsqu’un pays est frappé par une crise climatique, ainsi que la mise en œuvre de nouvelles « clauses climatiques » dans l’accès à la dette souveraine (« climate-resilient debt clauses »).
Ces mesures font suite à une demande explicite de la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, qui avait dénoncé le système actuel, le jugeant pénalisant pour les pays les plus touchés par le changement climatique, qui sont plus préoccupés par le repaiement de la dette que par leur développement économique.
La Banque mondiale proposera également un nouveau mécanisme de « réponse rapide » pour réorienter les facilités de prêts en cas de crise climatique, ainsi que de nouvelles polices d’assurance axées sur le climat.
Des ambitions en hausse pour les droits de tirage spéciaux
Les dirigeants mondiaux, sous la houlette du Fonds monétaire international (FMI), ont en outre appelé les pays riches à réaffecter 40 % de leurs droits de tirage spéciaux (DTS) vers les pays les plus pauvres, alors que l’objectif initial était de 30 % seulement.
Les DTS sont des instruments monétaires qui constituent des réserves de liquidités internationales dont les pays membres du FMI peuvent bénéficier. Le montant alloué à chaque pays est déterminé en partie par la taille de son économie : plus le pays est riche, plus il peut prétendre à des DTS, tandis que les pays plus pauvres ne peuvent accéder qu’à une petite partie de ces réserves.
Il était donc temps de « revoir nos ambitions à la hausse », a déclaré la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, lors du sommet, affirmant que « l’avenir de l’humanité » était en jeu.
Les dirigeants s’étaient engagés à réaffecter 100 milliards de dollars de DTS en 2021, mais c’est seulement maintenant que le montant total pour être versé pour la première fois.
Hésitations sur une fiscalité internationale
Malgré ces avancées, les dirigeants n’ont rien annoncé de concret sur une taxe carbone internationale ou une taxe sur le transport maritime.
« Il n’y a aucune chance que nous atteignions l’objectif de 1,5 °C sans une taxe internationale sur le carbone », a insisté Mme Georgieva.
23 pays des Caraïbes, d’Afrique et d’Europe, en l’absence notable de l’Allemagne, ont soutenu « l’adoption du principe d’une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur [maritime] », selon le résumé de la présidence du sommet.
Cependant, les dirigeants sont restés loin de toute annonce réelle sur une taxe carbone mondiale, et ont seulement convenu de lancer un « groupe de travail pour examiner les nouvelles ressources financières possibles par le biais de la fiscalité », selon le résumé.
« Une discussion sur la taxe carbone est indispensable », a déclaré M. Ruto, appelant tous les pays à payer un montant équitable : « La conversation sur ceux qui n’ont pas payé [devient sinon] un gaspillage d’énergie ».
Des avancées notables pour le Sénégal et la Zambie
Le Sénégal, aux côtés du « Groupe des partenaires internationaux » — comprenant la France, l’Allemagne, la Commission européenne, le Royaume-Uni et le Canada — a lancé un Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) afin de porter ses capacités en matière d’énergies renouvelables à 40 % d’ici à 2030, grâce à un financement supplémentaire de 2,5 milliards d’euros.
Les JETP, annoncés pour la première fois lors de la COP 26 à Glasgow, sont de nouveaux outils de financement destinés à aider les économies émergentes fortement dépendantes du charbon à s’en désengager progressivement.
Dans la foulée, les États-Unis et la Chine ont réussi à trouver un accord pour restructurer la dette de la Zambie, qui s’élève à 6,3 milliards de dollars et est détenue en grande partie par la Chine. Un accord que le président de la République a qualifié d’« historique », après trois ans de négociations.
La Zambie a été le premier pays africain à se retrouver en défaut de paiement lors de la pandémie de 2020 et recevait un traitement dans le cadre commun du G20 sur la suspension du service de sa dette. Celui-ci a été critiqué pour sa lenteur et pour le fait qu’il décourageait l’investissement des créanciers privés.
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