Nos amis les traîtres

Comme ils sont beaux, tout drapés d’idéalisme, nos grands amis, les dirigeants de ce monde !  Dire que certains voudraient déboulonner les statues. Pourquoi ne pas en dresser de nouvelles, celles, bien vivantes, de nos grands contemporains, nos amis les traîtres ?

On a besoin de grands hommes comme modèles, sans regarder de trop près. Les maîtresses de Louis XIV, par exemple, se bouchaient le nez, car les baisers du Roi révélaient des dents peu soignées. Le vent de l’histoire n’a pas toujours bonne haleine. Peu importe le passé, ce qui compte c’est l’avenir, on se contenterait même du présent. Et aujourd’hui, quelle fête !

Notre allié Erdogan

Notre allié Erdogan a pris l’habitude de nous insulter et se croit tout permis, à force de mettre des gens en prison. Il vise un bateau militaire, nous accuse d’ingérence en Lybie, alors que c’est lui qui envoie des mercenaires syriens et des armes dans un pays que l’on a libéré de l’oppression kadhafienne. Un culot. Méfie-toi du Turc, clame-t-on à l’Otan, toujours décérébrée. Mais les Américains ont leurs têtes nucléaires chez les Turcs, et les voient s’opposer aux Russes avec soulagement.

l’ami Trump

D’autant que l’ami Trump a annoncé qu’il retirerait 9.000 soldats américains d’Allemagne. Il n’aime pas Angela Merkel, qui a refusé de tenir un coronasommet du G7 à Camp David. L’ami américain n’est pas très gentil avec ses alliés. Les Allemands savent qu’ils peuvent compter sur l’Amérique pour les snober, ce qui est une chance pour la France. Bonne chance Boris, qui se croit de mèche avec Donald.

Pologne

Nos amis polonais, saisissant l’occasion, se sont précipités à Washington pour dire à Trump que, s’ils ne savaient pas où loger les soldats américains, ils pouvaient leur faire de la place. Les Polonais ont manqué l’occasion de la fermer, comme aurait dit Chirac. A la fin, il faut savoir si les Européens veulent être européens. Trump et Poutine sont clairs : ils veulent l’Europe désunie. Ce qui montre que chez beaucoup de nos amis, en France, qui portent la souveraineté en bandoulière, sommeille, prorusse ou proaméricain, un traître ou un idiot utile.

Poutine

Mais après tout, Poutine n’est-il pas, lui aussi, européen ? Macron l’espère. Il se rendra bientôt à Moscou pour approfondir le « dialogue stratégique » inauguré dans l’intimité du Fort de Brégançon. Les sujets qui fâchent ne manquent pas. Peut être demandera-t-il que les Russes cessent d’intervenir dans les élections, comme ils en ont pris l’habitude, en Allemagne, au Royaume-Uni, en France, aux Etats-Unis…  Poutine  adore les élections. Il se fait un référendum cette semaine pour se succéder à lui-même.

Ce que l’on aime chez lui, c’est qu’il en a autant assez d’Erdogan, qui était son nouvel ami, que nous. Il commence aussi à trouver que les Chinois s’immiscent un peu partout, que leurs routes de la soie ressemblent à un chapelet de comptoirs militaires sur le modèle impérial britannique. Poutine se méfie. Sa naïveté amuse les Chinois.

Mais quel temps perd-il avec ses vielles lubies post soviétiques : Transnistrie, Géorgie, Ossétie, Donbass, même la Crimée, qu’est ce que çà vaut sinon des ennuis ? Comme si la France voulait reprendre les Commores ! Poutine est un ami qui nous veut du bien, parce qu’au moins, il est franc. Pas le genre à faire des risettes à Trump comme un Kim Jong Un puis à tirer des missiles sur ordre des Chinois. Il doit en faire une tête Trump. D’autant qu’au moment où il s’accorde avec les Talibans, voilà que le Premier ministre pakistanais fait l’éloge de Ben Laden. A qui se fier ? A Maduro qui se dit prêt à la rencontrer ?

Heureusement, la France a des amis sûrs, prévisibles.

L’Algérie par exemple. Tous les six mois, les Algériens (le gouvernement, qui ne représente qu’une petite partie des Algériens) se fâchent contre un reportage,  un journaliste, un fantôme du passé. Puis très vite, ils proposent leur aide. Pour éliminer un djihadiste qui a fini d’être utile, par exemple. Tant mieux : sans la coopération de l’Algérie, nos autres amis du G5 Sahel seraient encore un peu plus perdus face à l’immensité du vide saharien remplis de trafics mortifères. C’est pourquoi, cette semaine, le Président français leur fait une piqure de rappel. Sans verrouiller la Lybie ce sera inutile.

Nous avons des amis partout. Egyptiens et Saoudiens nous boudent un peu parce que l’on leur fait la leçon sur les droits de l’homme et qu’on soutient le Qatar. Ils ne comprennent pas que la Qatar, c’est sentimental.

Il y a pourtant des alliances durables. Elles sont écrites non par l’amour, mais par le triste intérêt et la géographie têtue. L’Allemagne et la France par exemple : Mariés. Merkel l’a redit. Ursula Aussi. Christine aussi. Trois femmes qui ont rappelé les règles du mariage aux Européens : Pour le meilleur et pour le pire. Chacun doit « contribuer à proportion de ses facultés respectives. » Et plus.

Les Britanniques divorcent ? Merkel, à la fin, leur a dit « bon vent ». Pourtant, il en a fallu pour l’énerver.

Mais ils reviendront. Il faudra bien qu’on signe, sinon des accords commerciaux, en tout cas des accords de défense. Il y a des nécessités stratégiques. On peut toujours se trahir un peu, du moment qu’on reste amis.

Comme le dit Angela Merkel,  en ce moment, le ton est rude au niveau international. C’est elle qui mérite une statue, d’autant qu’elle n’est pas du genre à en vouloir. Qu’on en juge :

« Nous avons grandi avec la certitude que les Etats-Unis voulaient être la première puissance mondiale. Si les Etats-Unis, de leur propre chef, abandonnaient désormais ce rôle, il nous faudrait mener une réflexion de fond(…) L’exemple de la Chine montre que même un pays non démocratique peut connaître la réussite économique, ce qui met au défi nos démocraties libérales. Le respect des droits de l’homme, l’Etat de droit et notre inquiétude envers l’avenir de Hongkong se placent entre la Chine et nous (…) Jusqu’à présent, nous n’avons pas su apporter la preuve à 100 % que le modèle libéral démocratique est en train de s’imposer. Cela m’inquiète. »

Voilà quelqu’un qui ne trahit personne, et qui sauvant l’Europe, veut sauver le modèle de la démocratie libérale. En toute modestie. Cette femme d’Etat, ne serait-ce que pour sa clairvoyance, mérite qu’on l’entende, en Allemagne et ailleurs. De fait, elle est indéboulonnable.

Laurent Dominati

A.Ambassadeur de France

A. Député de Paris

Pdg de la société éditrice du site « lesfrancais.press »

 

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