Négociations et marchandages au Parlement pour la mise en place d’une commission Défense

Négociations et marchandages au Parlement pour la mise en place d’une commission Défense

Si un consensus politique semble se dégager au Parlement européen sur la nécessité de créer une commission pleine en entière consacrée à la Défense, sa constitution effective risque de tarder, en raison notamment de divergences sur les compétences de cette dernière.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les députés européens réclament régulièrement une meilleure coordination de l’Union européenne (UE) en matière de défense. Après les élections de juin dernier,  les groupes parlementaires qui forment l’actuelle majorité s’étaient entendus pour conclure un accord afin de transformer la sous-commission Défense et Sécurité (SEDE) en une commission à part entière.

Cette mesure était censée compléter la nomination par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, du tout premier commissaire européen à la défense et promouvoir le Programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP) de l’UE.

Mardi 17 septembre, la présidente de la Commission a donc dévoilé l’identité du titulaire du portefeuille de la Défense, mais l’avenir de la sous-commission SEDE reste en parallèle bien incertain. Les différents groupes peinent en effet à s’entendre sur un accord global, ce qui pourrait retarder la création de cette dernière, comme l’affirment plusieurs sources à Euractiv.

« Il n’y aura probablement pas de nouvelle commission avant les auditions des commissaires », confie ainsi une source du Parlement. Une autre explique que les membres de la SEDE, y compris sa présidente Marie-Agnes Strack-Zimmermann (Parti libéral-démocrate allemand/Renew), se démènent pourtant pour faire avancer rapidement les choses.

L’Estonien Riho Terras (Parti populaire européen), vice-président de la SEDE, expliquait à Euractiv la semaine dernière qu’il était « confiant que cela arriverait », ajoutant : « Avant la prochaine plénière [prévue du 7 au 10 octobre], nous déciderons d’en faire une commission séparée ».

Marie-Agnes Strack-Zimmermann et le groupe Renew sont les plus fervents partisans d’une évolution de la SEDE vers une commission à part entière. Le Parti populaire européen (PPE) de centre droit est également ouvert à une telle évolution.

Une commission à part entière — avec plus de membres — pourrait mener des négociations sur la législation de l’UE et favoriser des programmes européens sur des sujets politiques spécifiques. Elle pourrait accroitre le rôle du Parlement dans l’élaboration et le contrôle de la politique de défense de l’UE.

De son côté, le groupe socialiste (S&D) s’est opposé à la revalorisation de la sous-commission Défense sans une revalorisation parallèle de la sous-commission des droits de l’Homme (DROI).

Deux sources ont cependant confirmé à Euractiv que la direction du groupe S&D ainsi que certaines délégations comme que le Parti social-démocrate allemand (SPD) approuveraient désormais un renforcement de la SEDE.

Dans le cadre d’un effort plus large visant à renforcer la coordination européenne en matière de défense après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les membres du Parlement européen (MEP) ont longtemps fait pression pour que l’assemblée joue un rôle plus actif. ©Thierry Monasse/Getty Images
Dans le cadre d’un effort plus large visant à renforcer la coordination européenne en matière de défense après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les membres du Parlement européen (MEP) ont longtemps fait pression pour que l’assemblée joue un rôle plus actif. ©Thierry Monasse/Getty Images

L’art de l’accord

L’accord final reste toutefois bloqué par plusieurs autres dossiers. Les groupes politiques seraient ainsi toujours en train de négocier la création d’une commission Santé pleine et entière, souhaitée par le PPE, et celle d’une nouvelle commission Logement, soutenue par les socialistes.

« Nous nous trouvons dans une situation inconfortable où la SEDE a gagné son indépendance, mais où l’accord global n’a pas encore été conclu », explique la seconde source du Parlement à Euractiv.

La situation est également compliquée si l’on tient compte des négociations sur les compétences que la nouvelle commission Défense pourraient recevoir des autres commissions.

Un transfert mineur de compétences de la part de la commission des Affaires étrangères (AFET), dont relève la SEDE, est probable. Elle pourrait devoir abandonner ou partager ses compétences liées aux opérations et missions de l’UE — telles que la Facilité européenne pour la paix —, moins visibles sur le plan politique.

L’opposition à la transformation de la SEDE en une commission à part entière provient principalement de la commission de l’Industrie, de la Recherche et de l’Énergie (ITRE). Cette dernière était principalement responsable des programmes de défense menés par la Commission au cours de la dernière décennie.

Pour faciliter les discussions, les socialistes ont suggéré que les compétences de la SEDE reflètent celles du nouveau commissaire à la Défense, affirme une source S&D à Euractiv. La lettre de mission indique que le commissaire à la Défense devra se concentrer sur la production et l’industrie de la défense.

Ainsi, des compétences de l’ITRE devront être transférées à la SEDE, y compris certaines très sensibles politiquement, comme la politique industrielle ou le soutien aux PME et à la Recherche et au développement (R&D) dans les technologies liées à la défense.

« Ils ne s’en rendent compte que maintenant »

Certains craignent que l’expertise et les connaissances des membres de l’ITRE spécialisés dans l’industrie de la défense soient exclues de l’élaboration des politiques de défense, confie à Euractiv un représentant du député européen Christian Ehler (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne, PPE), le coordinateur de l’ITRE au sein du PPE.

« La coopération entre l’ITRE et la SEDE sur la politique industrielle de défense serait essentielle afin de conserver l’expertise des deux entités », ajoute la source.

À l’inverse, l’ancienne présidente de la SEDE, Nathalie Loiseau (Horizons/Renew), a déclaré à Euractiv que la politique industrielle de défense avait besoin d’une approche spécifique.

Pour compliquer encore un peu plus les choses, certains pensent que les membres de l’ITRE ont réalisé trop tard qu’ils seraient affectés par les changements apportés à la sous-commission SEDE.

« Ils ne s’en rendent compte que maintenant », souligne la deuxième source du Parlement.

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