Avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA), les scénarii dystopiques se multiplient. Elle est accusée d’être une source de destruction d’emplois, de surveillance généralisée des populations, de discriminations, etc.
Certains experts soulignent en revanche que l’IA permettrait de résoudre rapidement de nombreux problèmes que ce soit en matière de santé ou de lutte contre le réchauffement climatique. En permettant des gains de temps, elle accéléra le rythme des découvertes scientifiques. Elle ouvre la possibilité de mettre un terme à l’érosion des gains de productivité et de la croissance.
Microscopes et télescopes
Dans le passé, de nombreuses découvertes ont donné lieu à des espoirs qui n’ont pas été toujours concrétisés. Dans les années 1990, des experts affirmaient qu’Internet réduirait les inégalités, éradiquerait le nationalisme et augmenterait durablement la productivité. L’IA mérite néanmoins un examen approfondi. Elle peut être assimilée aux découvertes du microscope ou des télescopes au XVIIe siècle qui ont profondément changé la science et la recherche. Avec ces outils, les chercheurs ont privilégié les données tangibles. Leurs observations ont étayé leurs analyses. La science n’était plus la simple déclinaison des idées transmises de génération en génération depuis l’Antiquité. Ces découvertes ont permis de s’affranchir des interdits religieux. La conséquence fut de nombreux progrès en astronomie, en physique comme l’horloge à pendule ou la machine à vapeur, qui amorça la première révolution industrielle.
Les avancées technologiques au cours des XIXe et XXe siècles ont été possibles par l’industrialisation des processus de recherche et de production. Les engrais artificiels, les produits pharmaceutiques et le transistors ont été rendus possibles par un traitement d’un nombre croissant de données.
L’IA pourrait accélérer le rythme des découvertes scientifiques.
Simulations et modélisations
Les innovations donnent lieu désormais à des simulations et à des modélisations que ce soit en matière militaire, d’aviation, de météorologie ou de santé. Le développement de l’informatique ainsi que des technologies de l’information et de la communication entraîne une augmentation exponentielle des données qui pour être utiles doivent être traitées et analysées. Or, les capacités humaines sont de plus en plus insuffisantes pour effectuer ce travail.
Le recours à l’IA est nécessaire pour accélérer le traitement des informations ou pour réaliser des simulations et des modélisations. Les outils et techniques d’IA sont désormais utilisés dans presque tous les domaines scientifiques.
En 2022, 7,2 % des articles de physique et d’astronomie publiés mentionnaient le recours à l’IA. Cette proportion est moindre dans les sciences vétérinaires (1,4 %) mais elle est en augmentation.
Formuler de nouvelles hypothèses, fondées sur l’analyse des données
L’IA offre la possibilité de mixer des données en temps réel et de mener de front plusieurs études qui interagissent. A la différence des systèmes de gestion informatique passés, l’IA est en capacité d’analyser des textes littéraires pour rechercher de nouvelles hypothèses, connexions ou idées que les chercheurs auraient négligées ou oubliées. Elle favorise le travail interdisciplinaire et l’émergence d’innovations aux frontières de plusieurs domaines. La création de robots scientifiques offre également des gains de temps appréciables. Les systèmes robotiques de recherche utilisent l’IA pour formuler de nouvelles hypothèses, fondées sur l’analyse des données et de la littérature existantes, puis testent ces hypothèses en réalisant des centaines ou des milliers d’expériences, dans des domaines tels que la biologie des systèmes et la science des matériaux.
Les robots n’ont pas de préjugés
Contrairement aux scientifiques, les robots sont moins attachés aux résultats antérieurs et n’ont pas de préjugés. Le principal frein à l’essor de l’IA provient des blocages sociologiques et du manque de formation des chercheurs. Certains d’entre eux refusent les nouveaux outils de recherche par crainte de perdre leur emploi ou par refus de l’innovation…
L’IA n’est en soi pas la garantie d’une nouvelle révolution industrielle mais elle peut y contribuer sous réserve évidemment qu’un nouveau luddisme ne prenne pas forme. Il ne faut pas en avoir peur. Elle ouvre à la science de nouveaux espaces et peut réduire le coût des innovations. Pour cela, il faut éviter que l’IA ne devienne un enjeu de souverainisme économique en ces temps de retour du protectionnisme. L’IA n’a de valeur que si elle permet d’échanger et d’interpréter le plus grand nombre de données possibles en provenance de tous les continents.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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