Narendra Modi, un nouveau mandat pour quoi faire ? 

Narendra Modi, un nouveau mandat pour quoi faire ? 

Narendra Modi devrait remporter un troisième mandat de Premier ministre indien, consolidant ainsi son statut de responsable politique le plus important en Inde depuis Nehru. Narenda Modi a forgé ses succès électoraux en conciliant mesures sociales et mesures favorables aux classes aisées sur fond d’idéologie nationaliste. Le Premier Ministre a exploité à son profit le déclin de l’idéal démocratique. 

Avec une croissance élevée, l’Inde semble devenir le nouveau modèle de l’économie mondiale depuis que l’étoile chinoise pâlit. Devant gérer la première puissance démographique mondiale (1,4 milliard d’habitants), Narendra Modi sera confronté dans les prochaines années à de nombreux défis : le risque de dé-mondialisation au niveau des échanges, la multiplication des tensions régionales et mondiales notamment avec la Chine ou la Russie, les tensions sociales et les troubles politiques récurrents en interne.

Une croissance de 6 à 7 %, deux à trois points au-dessus de celle de la Chine.  

L’Inde enregistre depuis plusieurs années une croissance de 6 à 7 %, deux à trois points au-dessus de celle de la Chine. Elle est déjà la cinquième économie mondiale. Elle devance la France ; elle devrait se classer troisième d’ici 2027 en doublant le Japon et l’Allemagne. Les écarts en termes de PIB par habitant demeurent encore importants (41 000 dollars pour la France, 12 600 pour la Chine et 2 600 pour l’Inde en 2022 – source Banque Mondiale). 

Malgré le discours nationaliste, l’économie indienne s’est ouverte sur l’extérieur. Les entreprises américaines emploient 1,5 million de personnes en Inde. Son marché financier est le quatrième au monde, tandis que le marché de l’aviation se classe à la troisième place. En juin 2023, la compagnie aérienne indienne à bas coûts IndiGo a commandé 500 avions Airbus A320neo, soit le plus important contrat en volume jamais conclu dans l’aviation civile.

Dix navires de guerre au Moyen-Orient 

Consciente de son poids, l’inde intervient de plus en plus dans les relations internationales. En acceptant d’acheter du pétrole russe, elle influe directement sur le cours du pétrole. Après les attaques des Houthis sur plusieurs navires à proximité du canal de Suez, l’Inde a déployé dix navires de guerre au Moyen-Orient. Le gouvernement indien est convaincu que son pays ne sera pas une deuxième Chine. Le contexte économique et international a changé par rapport à celui qui prévalait dans les années 1990. 

La montée du protectionnisme, la segmentation des échanges, les tensions internationales obligent à travailler sur un nouveau modèle de croissance. Les pouvoirs publics concentrent leurs efforts sur les infrastructures censées unifier le pays. L’Inde compte désormais 149 aéroports, soit le double d’il y a dix ans. Elle construit 10 000 km de routes et augmente les capacités d’énergie solaire de 15 GW par an. En quelques années, le pays s’est doté d’un réseau de banques modernes et d’un système fiscal numérisé. La protection sociale a été également révolutionnée, des centaines de millions d’Indiens pauvres recevant à présent des paiements sous forme de transferts numériques. 

L’Inde a fait le pari du développement de l’exportation des services. Si celles concernant les biens manufacturiers sont de plus en plus soumises à des restrictions, celles de services prospèrent. Ces dernières représentent pour l’Inde plus de 10 % de son PIB. Les entreprises indiennes d’informatique vendent aux multinationales des services de recherche et de développement ainsi que des services juridiques ou comptables.

©AFP

La pauvreté en fort recul 

La pauvreté serait en fort recul en Inde. Selon les statistiques provenant du système numérique de la protection sociale, la proportion de la population vivant avec moins de 2,15 dollars par jour aux prix de 2017, une mesure mondiale de la pauvreté, est tombée en dessous de 5 %, contre 12 % en 2011. Mais, sur une population en âge de travailler d’un milliard, seulement 100 millions environ ont un emploi formel. La grande quasi-totalité de la population est condamnée à occuper des emplois occasionnels ou à être au chômage. Le taux de chômage est officiellement de 4 % mais le taux réel serait de deux voire trois fois plus élevé. 

L’Inde reste malgré tout un pays pauvre et essentiellement rural. Le développement économique se concentre dans quelques grandes agglomérations Mumbai, Delhi (16,3 millions), Calcutta, Bangalore, et Hyderabad. Malgré tout, une classe moyenne est en train d’apparaître en Inde. Le pays compte 60 millions de personnes gagnant plus de 10 000 dollars par an. D’ici 2027, 100 millions de personnes devraient être dans cette situation selon Goldman Sachs, la banque américaine dont 20 % des effectifs travaillent en Inde.

L’essor du secteur informatique, un groupe d’industries d’exportation 

La croissance indienne est conditionnée à la poursuite d’un fort mouvement de création d’emplois. Le gouvernement fait le pari de l’essor du secteur informatique reposant sur un groupe d’industries d’exportation intervenant dans les secteurs de la finance numérique, l’alimentation et la défense. Les dépenses des salariés bien payés de ces industries alimenteraient la croissance et permettraient l’émergence de nouveaux emplois dans d’autres secteurs, de la construction à l’hôtellerie. L’instauration d’un véritable marché intérieur unique est nécessaire et contribuerait à accroître la productivité globale.

L’instauration d’une protection sociale serait par ailleurs susceptible de réduire les tensions sociales et les importantes inégalités. 

La question après les élections qui se posera sera l’après Modi. Âgé de 73 ans, le Premier Ministre risque d’être de plus en plus contesté et pourrait être tenté par une gestion de plus en plus autoritaire. Sa capacité à poursuivre les réformes, à maintenir la vie démocratique et à préparer sa succession seront les enjeux de son éventuel prochain mandat.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel

    Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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