« Le jour où mes soldats commenceront à réfléchir ils refuseront de rester dans les rangs » disait Frédéric der Grosse. Une épidémie mondiale frappe les cerveaux, victimes d’une mutation du virus de la guerre. « La paix soit avec vous » prêche the New Pope, Léon XIV. La fumée blanche a interrompu le discours du 8 mai de Macron, qui répétait « Nous n’aurons jamais fini de défendre la paix ». La veille, il recevait le nouveau chancelier allemand, Merz, un symbole et un programme. Le lendemain, il signait un traité bilatéral avec la Pologne sur les questions de sécurité et de défense, comme il en existe déjà avec l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne.
Le 9 mai, Poutine faisait défiler devant ses troupes Xi Jinping, Lula, Maduro, Diaz-Canel, Takaiev, Loukachenko, Vucic, mais aussi Fico, qui, s’il était cohérent, devrait sortir de l’Europe.
Car au même instant, en Ukraine, les pays de l’Union européenne annonçaient la création d’un Tribunal spécial pour juger des crimes de « l’opération spéciale ». Ils proposaient une trêve, enfin en accord avec les États-Unis, qui deviendraient observateurs du « cessez-le-feu. »
Aucun pays n’a intérêt à cette guerre, activée simplement par la haine de l’autre.
Les délégations présentes sur la place Rouge représentent hélas plus de la moitié de l’humanité. Encore Narendra Modi, que tous s’arrachent, l’ancien « boucher du Gujerat », n’était pas là. L’Inde, malade de l’hindouïté, attaque le Pakistan, refuge des terroristes. Aucun pays n’a intérêt à cette guerre, activée simplement par la haine de l’autre. Le Pakistan, contaminé par la fièvre islamique, expulse des centaines de milliers d’Afghans vers les pacifiques Talibans.
Netanyahou aimerait faire de même à Gaza. Où expulser les Palestiniens ? L’Égypte n’en veut pas. Le Hamas a gagné : à son discours de haine des Juifs, le cabinet israélien répond aussi par la haine, par la destruction de Gaza, à rebours de tous les principes qui ont fondé Israël, à rebours de tout le droit international depuis la 2e guerre mondiale. Sans le soutien de Trump, Netanyahou n’aurait pas les mains libres à Gaza. Et voilà que Trump pactise avec les Houthis, et annonce un accord avec l’Iran. La guerre ou la paix, tel est le deal. Mais cette paix n’est pas la paix. Juste le temps de polir les armes.
En Israël, Pakistan, Russie, Inde ou Iran, la guerre conforte le pouvoir. Parfois, l’intérêt conduit à la paix, retient la Chine à Taïwan, retient l’Inde au Pakistan. Le deal englobe le commerce, l’eau, le pétrole, les armes, les brevets, la fiscalité. Ce serait trop simple d’attribuer au seul Trump la responsabilité d’avoir légitimé la guerre, redevenue simple modalité des règlements des conflits. Le germe était là avant.
Jamais l’humanité ne s’est aussi bien portée. Avec cette inquiétude : la progression ralentit.
Que s’est-il passé ? Les Nations Unies ont publié leur rapport sur l’indice de développement humain (IDH). Jamais l’humanité ne s’est aussi bien portée. Avec cette inquiétude : la progression ralentit. Les objectifs visés pour 2030 ne seront pas atteints.
Le ralentissement est flagrant depuis l’épidémie du COVID. La suspension du monde (y compris des libertés élémentaires) s’est doublée d’un choc psychologique. Le rapport de l’ONU montre une cassure en 2021, une rupture du commerce international, une aggravation de la santé mentale. Le COVID a frappé la tête, ranimé la peur, avec des réflexes de fermeture : l’état de guerre avant la guerre.
Voilà la mutation: la guerre sans la guerre, la guerre avant la guerre, le discours de haine avant le conflit, les barbelés avant les chars, la peur du ciel qui tombe sur la tête avant les drones, la peur de l’autre, de l’étranger, toujours, qu’il soit immigré, capitaliste, plombier ou technocrate. Commencer par se méfier de tout, de tous.
Voilà la mutation : la guerre sans la guerre, la guerre avant la guerre.
La guerre hybride n’est pas un slogan. La guerre informationnelle n’est pas une chimère. Rien de mieux que de susciter un conflit civil chez l’ennemi.
Déstabiliser l’Europe , par la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie. En Roumanie, un inconnu gagne les élections. Candidats et poupées russes sont interchangeables, moins chers que les missiles.
Les Roumains seraient fatigués de l’Europe, ils en voudraient aux technocrates de Bruxelles. Possible. Depuis son entrée dans l’Union européenne, le PIB par habitant en Roumanie a été multiplié par cinq. Mais 200.000 réfugiés ukrainiens troublent la campagne, et le nouveau Conducator rêve d’annexer la Moldavie. Chasser l’étranger, mais annexer le voisin. Pensée primaire au temps du digital et des satellites.
Ils sont de la partie. Personne ne prend la guerre informationnelle suffisamment au sérieux. De même que la guerre apparaît à nouveau comme un mode raisonnable de résolution des conflits, le mensonge, la calomnie, l’outrance sont devenus des méthodes acceptables de communication.
Chasser l’étranger, mais annexer le voisin. Pensée primaire au temps du digital et des satellites.
Le ministère des Armées, via Viginum, a révélé 77 manœuvres organisés par les services russes dans les pays occidentaux. Après l’Ukraine, la France est la première visée.
Les démocraties peuvent-elles survivre dans un système d’information gangrené ? Pas de démocratie sans liberté d’expression, pas de liberté d’expression sans analyse critique, pas d’analyse critique sans univers d’information fiable. Le système de communication repose sur des bulles identitaires et vise des réactions émotionnelles : la haine, l’indignation, la condamnation.
Le conflit anime. Pourtant la guerre est autodestruction. La Russie n’a rien gagné en prenant la Crimée et le Donbass. Un million de Russes en exil, un autre tué ou blessé, vingt ans pour que la Russie se remette de cette boucherie. Israël ne se remettra peut-être jamais de la destruction de Gaza. Rares sont les pays qui profitent des guerres déclenchées par leurs dirigeants. Les indices de développement humain les plus élevés signalent les pays sans guerre : Suisse, Islande, Norvège, Singapour, Uruguay, Costa Rica.
Le danger de la mutation. Puisque la guerre hybride en atténue les effets, elle se propage.
Rares sont les peuples qui résistent au virus. Parce qu’il enivre, excite, réjouit. Seule l’horreur du massacre parvient à l’éradiquer. D’où le danger de sa mutation. Puisque la guerre hybride en atténue les effets, elle se propage.
Reste à trouver des antidotes. La première est d’empêcher tout dirigeant d’être solitaire dans sa prise de décision. Ensuite ne se confier qu’à des dirigeants provisoires. Tout pouvoir qui dure devient paranoïaque. Enfin, puisqu’il s’agit avant tout d’une guerre des neurones, nourrir les cerveaux d’une culture qui ne soit pas mortifère, la culture d’une société ouverte.
L’épidémie de Covid a provoqué plus que des morts. La panique qu’elle a engendrée a sapé les bases d’un monde paisible. Les échanges ont été suspendus, les libertés supprimées. Les mensonges ont proliféré, favorisant complotistes et fake news. Quel vaccin contre la guerre hybride ? Que les soldats soient d’abord citoyens, pour réfléchir. Et que les citoyens sachent qu’ils sont attaqués. Il n’y a de guerre juste que celle de légitime défense.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire pour expatriés France Pay
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