Avec un prix du pétrole élevé, ces dernières années, les États du Moyen-Orient engrangent des milliers de milliards de dollars de recettes. Afin de préparer la fin des énergies carbonées et réorienter leur économie, ces pays investissent des sommes importantes. Plus de 3 500 milliards de dollars auraient été investis ces cinq dernières années pour la création de nouvelles villes, pour des projets dans les énergies renouvelables ou dans les systèmes d’intelligence artificielle, et pour l’achat d’entreprises sur les marchés de capitaux.
Conscients de la force, peut-être éphémère, que leur procure le pétrole, les pays de l’OPEP révisent leur politique étrangère. L’Arabie saoudite se rapproche de l’Iran après avoir été en rivalité ouverte depuis l’arrivée des Mollahs au pouvoir en 1979 à Téhéran. Les guerres civiles en Syrie et au Yémen sont moins prégnantes et passent au second plan par rapport aux intérêts économiques. Les relations avec Israël se normalisent. Après l’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis et le Bahreïn qui ont reconnu Israël, l’Arabie saoudite envisagerait également de le faire.
Le Moyen-Orient : 6 % de la population mondiale, 46 % des exportations de pétrole
L’influence mondiale de la région augmente avec, en fil rouge, une indépendance de plus en plus marquée à l’égard de l’OCDE et en particulier des États-Unis. L’accord de régulation de la production du pétrole mis en place en 2016 entre la Russie et l’OPEP a ainsi été maintenu malgré la guerre en Ukraine. Le Moyen-Orient représente 6 % de la population mondiale mais assure plus de 46 % des exportations de pétrole et plus de 30 % de celles de gaz liquéfié.
Les embargos pesant sur les hydrocarbures russes ont accru l’influence des pays du Golfe. Grâce à leur situation géographique, 30 % de l’ensemble du commerce des conteneurs et 16 % du fret aérien transitent par la région. Avec 3 000 milliards de dollars d’actifs, leurs fonds souverains sont parmi les plus importants au monde.
La région devient un pôle économique attractif. Sans prendre en compte les activités pétrolières, la croissance annuelle de l’économie régionale dépasse 4%. Les investissements multinationaux transfrontaliers sont en hausse. Le niveau de vie des 500 millions d’habitants du Moyen-Orient augmente, permettant l’émergence d’une large classe moyenne.
Le Moyen-Orient assure plus de 46 % des exportations de pétrole
Des liens économiques de plus en plus importants avec la Chine, l’Inde et la Russie.
Les pays du Moyen-Orient ont développé des liens économiques de plus en plus importants avec la Chine, l’Inde et la Russie. Plus du quart des exportations de biens sont destinés vers ces pays, contre 12 % pour les États-Unis et l’Europe. Cette réorientation s’effectue sur fond de défiance à l’encontre des démocraties accusées de vouloir imposer leur modèle politique et leur vision des droits de l’Homme.
L’échec des révolutions démocratiques du début des années 2010 a laissé des traces. Les gouvernements du Moyen-Orient mettent désormais l’accent sur le développement économique et sur la souveraineté nationale. Les Émirats arabes unis sont devenus le symbole de la réussite économique dans cette région.
Même si les valeurs occidentales sont récusées, des évolutions sont constatées au sein des pays du Moyen-Orient. De plus en plus de femmes travaillent dans le Golfe. En Arabie saoudite, ces dernières ont le droit de conduire depuis 2018. Les touristes sont bienvenus dans la grande majorité des État. Les Israéliens sont de plus en plus nombreux à s’y rendre.
Hautes tensions
Le Moyen-Orient reste néanmoins une région à haute tension, confrontée au réchauffement climatique, au manque d’eau, aux rivalités géopolitiques avec, en arrière-fond, la prolifération de l’arme nucléaire. Les régimes autoritaires sont également confrontés aux aspirations des populations de mieux en mieux formées et acceptant de moins en moins les inégalités importantes et les contraintes imposées par les pouvoirs publics.
Les deux dernières décennies ont été marquées par une guerre civile en Irak après l’invasion américaine. L’émergence de Daech et de l’État islamique a eu des répercussions mondiales avec une vague d’attentats sans précédent. En Syrie, Bachar el-Assad a mené une répression sans précédent en ayant recours à des armes chimiques. Depuis 2011, cette guerre civile aurait occasionné la mort de 400 000 personnes sachant que ce pays compte 21 millions d’habitants. 5 millions de Syriens auraient fui leur pays et environ 10 millions vivraient dans des conditions déplorables.
L’Iran malgré l’amélioration des relations avec l’Arabie saoudite demeure pour de nombreux États de la région un sujet d’inquiétude majeur. Sur le point de détenir l’arme nucléaire, le régime des Mollahs est craint en raison de ses tentations hégémoniques que ce soit au Liban ou au Yémen. L’Iran demeure au banc des États fréquentables en étant soumis à un sévère embargo de la part des Occidentaux.
Le réchauffement climatique menace les économies du Moyen-Orient. Dans cette région, l’une des plus chaudes et sèches de la planète, la production agricole subit de plein fouet l’élévation des températures et la raréfaction de l’eau. Les dépenses en investissements pour adapter les pays de cette région au changement climatique et pour réaliser la décarbonation sont coûteux.
Une terre de profondes inégalités
Le Moyen-Orient est une terre de profondes inégalités. Des États riches comme Israël, les Émirats arabes unis ou le Qatar, cohabitent avec des pays pauvres comme l’Égypte ou le Liban. Les pays du Golfe et Israël ne représentent que 14 % de la population mais 60 % du PIB, 73 % des exportations de marchandises et 75 % des investissements multinationaux entrants de la région. À l’exception d’Israël, les inégalités à l’intérieur des États sont importantes. Les 10 % les plus riches au Moyen-Orient reçoivent 64 % de la richesse régionale, contre 37 % dans l’Union européenne, 47 % aux États-Unis, 55 % au Brésil et 62 % en Afrique du Sud. La part du revenu total détenue par les 1 % les plus riches est de 27 % au Proche-Orient, contre 12 % au sein de l’Union européenne et 20 % aux États-Unis.
Les travailleurs immigrés qui peuvent représenter jusqu’à 60 % de la population des pays de la région disposent en moyenne de faibles revenus. Le taux de pauvreté est de 32 % en Irak ou en Égypte, de 20 % aux Émirats arabes unis et de 18 % en Iran, contre 14 % en France. Il n’est en revanche que de 12 % en Arabie saoudite.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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