Moins de dédommagements en cas de retard aérien dans l’UE ?

Moins de dédommagements  en cas de retard aérien dans l’UE ?

Dix associations de consommateurs tirent le signal d’alarme alors que s’ouvre la révision du règlement européen traitant des droits des passagers aériens sous la pression du lobby des compagnies aériennes. Une information qui ne peut échapper aux Français de l’étranger qui sont plus souvent que les autres dans les cieux et donc susceptibles d’être frappés d’un retard.

"Des reculs majeurs"

Voilà comment sont qualifiées les intentions des compagnies aériennes à l’occasion de la révision du règlement européen traitant des droits des passagers aériens.

Rappelons que la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne, avec l’amicale pression des grandes compagnies aériennes à travers Airlines for Europe, un de ses principaux lobby, plaide en effet pour une révision des seuils d’indemnisations en cas d’annulation ou de retard d’un vol, qui se fera au détriment du consommateur.

Aujourd’hui, le consommateur européen peut être indemnisé grâce au règlement 261/2004 adopté il y a plus de 20 ans par l’Union européenne « pour tout voyageur au départ d’un pays de l’Union européenne qui voit son vol annulé pour des conditions non extraordinaires, ou retardé de plus de trois heures ».

20% des départs en retard en France l'an passé

Ce dernier prévoit un dédommagement de 250 euros pour les vols de moins de 1.500 kilomètres, de 400 euros pour les vols compris entre 1.500 et 3.500 kilomètres et de 600 euros pour les vols de plus de 3.500 kilomètres.

L’an passé, les passagers aériens au départ de la France ont cumulé plus de 7 millions de minutes de retard sur leurs vols, selon le site Flightright. 20% des départs ont subi un retard supérieur à 15 minutes et 1% des vols ont été annulés.

20% des départs en retard en France l'an passé
20% des départs en retard en France l'an passé

C’est dire l’importance d’une telle protection même si peu de consommateurs en profitent dans les faits par méconnaissance (un passager sur deux en France en moyenne, un sur trois au niveau européen).

Cette politique d’indemnisation pourrait prochainement être bien moins favorable. Les seuils de déclenchement et les montants seraient réorganisés:

  • 250 euros pour les vols de moins de 3.500 kilomètres,
  • 400 euros pour un retard de neuf heures sur un vol au sein de l’UE de moins de 3.500 kilomètres et sur les vols extracommunautaires de 3.500 à 6.000 kilomètres
  • 600 euros lors d’un retard de 12 heures sur un vol extracommunautaire de plus de 6.000 kilomètres.

Le lobby des compagnies pousse également pour préciser davantage « les circonstances non extraordinaires » ouvrant le droit à une indemnisation.

Enfin, il s’agirait d’imposer une démarche proactive de la part des consommateurs, dans les six mois à compter de l’incident subi, alors que les textes et la jurisprudence soulignent que l’indemnisation du consommateur et son remboursement le cas échéant sont dus automatiquement et sans que le consommateur n’ait à se signaler expressément (en théorie dans les faits).

"Prime à la piètre qualité"

Face à cette perspective, dix associations de consommateurs dont l’UFC Que Choisir ou encore le CLCV tirent le signal d’alarme.

Pour elles, avec ce texte, « 75% des passagers seraient exclus du droit à indemnisation ».

« Les études soulignent que l’essentiel des retards de vols se situent entre 2 et 4h, l’adoption d’un tel texte aboutirait de facto à exclure les trois quarts des passagers victimes de retard de toute compensation, et à mettre en place une forme de prime à la piètre qualité pour les compagnies aériennes ».

« Ces reculs majeurs sont d’autant plus inacceptables et incompréhensibles que les compagnies aériennes réalisent actuellement des bénéfices records », ajoutent les associations. Un tel bond en arrière serait assurément un très mauvais signal adressé aux consommateurs alors même que leur confiance est essentielle au secteur », concluent-elles.

Elles appellent « les Etats membres et les parlementaires européens à préserver les acquis de la jurisprudence européenne et du dispositif réglementaire actuel ».

"Augmenter les montants, pas les baisser"

Pour les spécialistes de l’aérien, une telle révision serait par ailleurs paradoxale. « Les montants ne sont pas actualisés depuis plus de 20 ans alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter », commente à l’AFP, Anaïs Escudié, fondatrice du site RetardVol, un service en ligne qui permet justement de faire jouer son droit à l’indemnisation.

« La convention de Montréal, prévoit une actualisation des montants tous les cinq ans, il convient de s’y référer et de prévoir une réactualisation des montants des indemnisations en lieu et place de vouloir les diminuer », poursuit-elle.

Ces évolutions sont néanmoins loin d’être acquises. Le Parlement, la Commission et le Conseil européen doivent tomber d’accord et certains députés ont déjà affiché leur hostilité à ce projet porté par les compagnies aériennes.

D’autant plus que la Commission dénonce régulièrement la mauvaise volonté des opérateurs à rembourser les passagers lésés dans les temps.

Auteur/Autrice

  • L'AFP est, avec l'Associated Press et Reuters, une des trois agences de presse qui se partagent un quasi-monopole de l'information dans le monde. Elles ont en commun, à la différence de son prédécesseur Havas, de ne pas avoir d'actionnaire mais un conseil d'administration composé majoritairement d'éditeurs de presse.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire