Il est temps d’abroger la limitation des détachements dans l’enseignement français à l’étranger
Depuis 2019, syndicats, Nouveau Front Populaire, parlementaires, conseiller·es des Français de l’étranger, se battent ensemble contre une décision aussi injuste qu’inefficace : la limitation à six ans des détachements des enseignants titulaires dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger. Malgré nos multiples alertes, les majorités présidentielles successives, les ministres macronistes des Français de l’étranger et de l’Éducation nationale, l’AEFE et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sont tous restés sourds à nos arguments.
Aujourd’hui, force est de constater l’échec cuisant de cette politique.
Nous saluons la prise de conscience récente et tardive des conséquences désastreuses de cette réforme et nous exigeons, non pas un simple aménagement, mais l’abrogation pure et simple de cette mesure !
Les impacts négatifs sur les personnels et le réseau sont nombreux, graves pour beaucoup de personnels, et rappelés par les syndicats depuis plusieurs années :
- Précarisation des carrières : les enseignants, contraints de quitter leur poste après six ans, se retrouvent souvent dans l’incertitude quant à leur avenir professionnel, sans que ne soit prise en considération leur situation personnelle et familiale ou l’ancrage local ;
- Perte d’expertise : la mobilité forcée prive les établissements de personnels expérimentés, essentiels à la stabilité, à la continuité et à la qualité de l’enseignement français dans nos établissements ;
- Affaiblissement du lien avec les pays d’accueil : la connaissance approfondie du contexte local et des pratiques éducatives, acquise sur le long terme, est un atout majeur pour nos écoles à l’étranger. Elle disparaît en même temps que les enseignants sont contraints de quitter leurs postes ;
- Découragement des vocations : nous le constatons à chaque déplacement et les difficultés de recrutement de personnels le démontrent, la perspective d’un séjour limité dissuade de nombreux enseignants intéressés de s’engager dans la voie d’une mobilité à l’étranger. La limitation de 2019 a donc eu un effet largement contre-productif là où l’idée était de fluidifier et renforcer les recrutements ! Pour les enseignants partis en famille, cette limitation à six ans impose de plus des choix difficiles, perturbant la scolarité des enfants et la carrière du conjoint. De nombreux personnels préfèrent démissionner pour pouvoir rester dans le pays !
- Difficultés accrues de recrutement : dans un contexte déjà tendu (c’est aussi le cas en France !), cette réforme de 2019 a aggravé les difficultés de recrutement, notamment dans des zones parfois considérées comme moins attractives, et dans un contexte où les demandes de détachement sont difficilement acceptées par les rectorats ;
- Perte d’attractivité du réseau pour des personnels enseignants qui doivent abandonner un poste parfois durement acquis en France, sans garantie d’en retrouver un équivalent en cas de retour contraint ;
- Mobilité en berne dans le réseau : le bornage a eu un effet contraire à son objectif, en dissuadant en outre les personnels sous ancien statut à changer de poste et de pays et à perdre leurs avantages (certaines études réalisées par des syndicats démontraient pourtant un taux de mobilité autour de 7 ans en moyenne avant la mesure) ;
- La réforme dite « Blanquer » du baccalauréat, très exigeant au niveau de l’enseignement des spécialités, a par ailleurs renforcé l’urgence de recrutements pérennes de personnels qualifiés, justement rendue difficile par le bornage ;
- Perte de droits : les enseignants contraints à la disponibilité pour rester dans leur pays d’accueil perdent leurs droits à l’avancement et à la retraite.
L’enseignement français à l’étranger est un pilier de notre diplomatie d’influence et un réseau largement reconnu pour sa qualité par nos compatriotes. Il mérite mieux qu’une gestion à courte vue !
Nous appelons le Gouvernement, présent ou futur, à entendre enfin la voix des personnels, des familles et des élu·es qui ne cessent de dénoncer cette réforme contre-productive.
Il est temps de revenir à une politique de détachement basée sur la confiance et la valorisation de l’expérience.
Abrogeons cette limitation arbitraire et redonnons aux enseignants la possibilité de s’investir durablement dans leurs missions à l’étranger. C’est la condition sine qua non pour maintenir l’excellence et l’attractivité de notre réseau d’enseignement à travers le monde !
Mathilde OLLIVIER et Mélanie VOGEL
Sénatrices écologistes des Françaises et Français établis hors de France
Auteur/Autrice
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