"Mandat d'arrêt international", comment ça marche ?

"Mandat d'arrêt international", comment ça marche ?

A l’occasion de l’ouverture du procès du trafiquant de drogues Moufide Bouchibi, à Bordeaux ce premier septembre, nous revenons sur les modalités qui permettent à la justice française de déployer son bras au delà de ses frontières.

L’avocat de Moufide Bouchibi affirme que ce sont des policiers français, et non ceux de Dubai, qui auraient procédé à l’extraction du prévenu, ce qui rendrait son arrestation illégale, mettant en péril la tenue du procès. Nous allons donc faire un zoom sur les mandats internationaux, les extraditions, etc.

Mise en scène de la police de Dubai

Le mandat d’arrêt international

Quand on lit «mandat d’arrêt international» on imagine facilement des pancartes «WANTED» collées partout et une armée de policiers à la poursuite des criminels aux quatre coins du monde. Sauf que, lorsqu’on regarde les véritables procédures, on se rend compte que cette expression est un abus de langage qui n’existe pas en tant que tel dans le champ juridique.

En France, il existe cinq types de mandats : de recherche, de comparution, d’amener, de dépôt, et le mandat d’arrêt. Il s’agit possibilités pour le magistrat concerné (souvent un juge d’instruction) de s’assurer que des moyens seront mis en place pour qu’une personne comparaisse, soit arrêtée ou détenue provisoirement.

Si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la République, alors la première étape est la transmission à la police aux frontières pour repérer l’individu par exemple lors de contrôles routiers ou de voyages en avion.

Si le suspect réside dans l’Union européenne

Si la personne recherchée est encore dans l’Union européenne et localisée, le magistrat envoie le dossier au Parquet. Le procureur se charge alors de mettre en place un «mandat d’arrêt européen», contenant les informations d’identification nécessaires pour demander au pays concerné de procéder à l’arrestation. Si la personne n’a pas été localisée, la justice peut alors diffuser les informations à tous les pays membres de l’UE ou de l’espace Schengen, via le réseau judiciaire européen.

Ce Réseau judiciaire européen (RJE) est un réseau de points de contact pour la coopération judiciaire en matière pénale.

En décembre 2008, une nouvelle base légale est entrée en vigueur, la Décision du Conseil 2008/976/JHA du 16 décembre 2008 relative au Réseau judiciaire européen (ci-après la « Décision sur le RJE »), qui a renforcé le statut légal du RJE.

Le RJE se compose de Points de contact dans les États membres désignés par chaque État membre parmi les autorités centrales chargées de la coopération judiciaire internationale, et les autorités judiciaires ou autres autorités compétentes ayant des responsabilités spécifiques dans le domaine de la coopération judiciaire internationale.

Le rôle principal des Points de contact du RJE, définis par la Décision sur le RJE comme étant des « intermédiaires actifs », est de permettre la coopération judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’UE, particulièrement pour des mesures de lutte contre des formes de délits graves. Dans ce but, ils aident à créer des contacts directs entre les autorités compétentes et en fournissant les informations légales et pratiques nécessaires à la préparation d’une demande effective de coopération judiciaire ou pour améliorer la coopération judiciaire en général.

Si le suspect réside hors de l’UE

En revanche, si le procureur estime que la personne recherchée a quitté l’UE, ce qui était le cas pour Moufide Bouchibi, il peut alors lancer ce que les médias appellent un «mandat d’arrêt international».

Et là, nous allons en décevoir plus d’un, mais non ce n’est pas Interpol qui va arrêter le suspect désigné par la France. En effet, le procureur concerné peut faire appel à Interpol pour lancer une «notice rouge», dont le rôle est de comptabiliser les personnes recherchées pour des faits graves et de diffuser les informations les concernant. Au premier septembre, les notices rouges (ou en tout cas celles rendues publiques) visent 7699 personnes, dont 30 Français. Le but est d’avertir les différents pays membres (190 en tout) qui pourront, si cela dépend de leur territoire, arrêter la personne visée et l’extrader vers le pays d’émission de la notice. En termes simples, la notice rouge c’est la notice utilisée par un État pour demander à un autre État d’arrêter provisoirement quelqu’un.

Alors qu’est-ce donc qu’un « mandat d’arrêt international » ?

Derrière cette expression se cache en fait une demande d’extradition assez classique, qui permet à un État de demander à d’autres pays qu’on lui livre la personne visée par ce mandat, pour peu qu’on sache où elle se trouve et que la coopération entre eux soit optimale. En effet, rien ne garantit une collaboration entre les deux États, tout dépendra de leurs relations diplomatiques, des conventions internationales qu’elles ont créées et des procédures judiciaires, souvent différentes. Une commission rogatoire internationale peut être demandée pour permettre au procureur de déléguer ses pouvoirs aux autorités judiciaires d’un autre État et, depuis peu, des magistrats de liaison ont été mis en place pour faciliter les échanges d’informations.

Quelques Français recherchés par Interpol

De plus, un certain nombre de pays ont pour habitude de ne pas extrader leurs citoyens s’ils sont recherchés dans d’autres pays, c’est le cas de la France. On peut citer ici l’exemple des deux pilotes impliqués dans l’affaire «Air Cocaïne» : ils ont fui vers la France depuis la République dominicaine car ils savent que leur pays, en général, n’extrade pas ses ressortissants quand ils sont recherchés à l’étranger (dans leurs cas ils avaient raison, car ils étaient innocents selon la Cour d’appel française).

Peut-on s’opposer à son extradition ?

Vous l’avez compris, pour une personne recherchée par la France , il faut mieux aller dans un pays en conflit ouvert ou larvé avec nos autorités nationales. Si le mandat international soit la demande d’extradition est appliquée il existe des possibilités pour s’y opposer.

Premier cas, l’extradition n’est pas accordée lorsque le crime ou le délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est demandée dans un but politique. Cette exclusion se justifie notamment par la volonté des gouvernements de ne pas interférer dans les affaires politiques des autres Etats. Néanmoins, les infractions en lien avec le terrorisme ne sont en principe pas considérées comme des infractions politiques. Il revient à l’Etat requis d’apprécier le caractère politique d’un crime ou d’un délit ou le but politique d’une demande d’extradition, et il n’est, pour cela, pas lié par la définition de l’infraction retenue dans la législation française. Cependant, il est très rare dans le cas de la France que ce motif soit retenu pour annuler une extradition.

Deuxième cas, l’extradition n’est pas accordée si la prescription de l’infraction ou de la peine est acquise d’après la législation soit de l’Etat requérant soit de l’Etat requis. La prescription de l’action s’apprécie à la date de la demande d’extradition et la prescription de la peine à la date de l’arrestation de la personne réclamée. Et cette situation est plus courante qu’on l’imagine, par exemple pour un viol il n’y plus de prescription en France, mais elle est de 5 ans dans certains pays. Un violeur français en fuite dans un de ses pays ne pourra donc plus être extradé au bout de 5 années.

Se faire assister en France et dans son pays de résidence

L’extradition n’est pas réservée aux violeurs ou aux assassins, de nombreuses procédures sont enclenchées sur des enquêtes ou des condamnations liées aux problèmes fiscaux, aux délits ou crimes dans l’environnement professionnel.

Dans tous les cas, il est impératif d’être assisté par des cabinets spécialisés sur place et en France. Nul ne peut ignorer la loi française, comme vous le savez, et où que vous soyez la Justice finira par vous trouver…

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