Malgré l’opposition belge, l’UE veut saisir les avoirs russes au profit des Ukrainiens

Malgré l’opposition belge, l’UE veut saisir les avoirs russes au profit des Ukrainiens

La présidente de la Commission et des dirigeants européens ont réitéré mardi 28 octobre leur soutien à un plan de prêt de 140 milliards d’euros pour l’Ukraine basé sur les actifs russes immobilisés, alors que la Belgique refuse catégoriquement de soutenir la proposition et évoque le recours à la dette commune de l’UE à la place.

S’adressant aux journalistes à Stockholm à l’issue d’une réunion avec des dirigeants européens, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré que le prêt de réparation pour l’Ukraine, qui s’appuierait sur les actifs souverains russes détenus par la chambre de compensation Euroclear basée à Bruxelles restait « juridiquement valable ».

Elle a toutefois reconnu que certaines « questions techniques » devaient encore être résolues afin d’apaiser les craintes de la Belgique concernant les risques juridiques et financiers potentiels pour Euroclear et pour la stabilité de la zone euro.

La présidente de la Commission a également refusé de commenter l’option alternative proposée par la Belgique consistant à utiliser la dette commune de l’UE pour financer un tel prêt. Le Premier ministre belge, Bart De Wever, a évoqué cette idée après le sommet houleux des dirigeants de l’UE la semaine dernière, où la question a occupé une grande place.

« Je pense que c’est une avancée importante que
nous nous penchions sur les actifs russes immobilisés »

Ursula von der Leyen

Pas d’alternative ?

Aux côtés de la cheffe de l’exécutif européen mardi, les dirigeants suédois, finlandais et danois ont fait écho aux propos de la présidente de la Commission.

La Première ministre danoise Mette Frederiksen a insisté sur le fait qu’il n’y avait « pas d’alternative au prêt de réparation » pour Kiev. « J’aime beaucoup l’idée que la Russie paie pour les dommages qu’elle a causés et commis en Ukraine », a ajouté celle dont le pays assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE.

Elle a aussi estimé qu’il était « nécessaire » que les dirigeants de l’UE s’accordent sur ce prêt lors du prochain sommet européen, qui aura lieu les 18 et 19 décembre.

De son côté, le Premier ministre finlandais Petteri Orpo a souligné que ce prêt était « la seule solution raisonnable » pour combler les besoins de financement de l’Ukraine, que le Fonds monétaire international (FMI) estime à environ 55 milliards d’euros pour 2026 et 2027.

Petteri Orpo s’est dit « optimiste » quant à la prise en compte par la Commission des préoccupations belges.

Les commentaires des dirigeants de pays nordiques font suite à la décision de la Belgique d’édulcorer les conclusions du sommet du Conseil européen de la semaine dernière, au cours duquel les dirigeants européens auraient dû donner le feu vert à l’exécutif pour transformer son projet en une proposition législative.

La plupart des actifs qui ont été immobilisés dans l’UE peu après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022 sont détenus en Belgique. Le pays se méfie particulièrement des risques que cela représente pour la réputation d’Euroclear si les États membres ne fournissent pas de garanties de remboursement à Moscou en cas de levée soudaine des sanctions de l’Union contre la Russie — une crainte est également partagée par la Banque centrale européenne (BCE).

Selon la proposition actuelle de l’exécutif, le prêt ne devra être remboursé que si la Russie verse des réparations à l’Ukraine après la guerre.

La Belgique exige également que les autres États de l’UE s’engagent à utiliser les actifs russes détenus sur leur propre territoire pour financer le projet. La France, le Luxembourg et Chypre font partie des autres pays de l’UE qui détiendraient des actifs souverains russes dans diverses banques privées.

La Première ministre danoise Mette Frederiksen (à droite) et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (à gauche).
La Première ministre danoise Mette Frederiksen (à droite) et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (à gauche). ©Getty Images/Dursun Aydemir_Anadolu

Dette commune ou actifs immobilisés ?

Lors d’une conférence de presse qui a suivi le sommet de jeudi dernier (23 octobre), Bart De Wever a suggéré le recours à la dette commune contractée pendant la pandémie de Covid-19 pour financer ce prêt. Il s’agirait selon lui d’une alternative préférable au financement basé sur les avoirs immobilisés. Cette option nécessiterait également le soutien unanime de tous les États membres.

« Le grand avantage de la dette, c’est que vous la connaissez. Vous savez combien elle s’élève. Vous savez combien de temps vous devrez la supporter. Vous savez exactement qui en est responsable. L’inconvénient de l’argent russe, c’est que vous n’avez aucune idée de l’issue du litige, de sa durée et des problèmes que vous rencontrerez »

Bart De Wever

Il a toutefois admis que cela serait « très problématique » sur le plan politique, compte tenu de la forte opposition de nombreux pays « frugaux » peu friands de dette, qui sont relativement influents au sein de l’UE, tels que l’Allemagne et les Pays-Bas.

Selon des personnes proches du dossier, la Commission devrait présenter différentes options pour aider financièrement l’Ukraine dans les semaines à venir.

Parmi ces options, on retrouve le maintien de la proposition initiale tout en apaisant les préoccupations juridiques et financières soulevées par la Belgique, l’élargissement du programme afin d’encourager d’autres États de l’UE à exploiter les actifs souverains russes détenus dans leurs propres juridictions, et l’émission de dettes communes ou même de subventions pour financer Kiev.

Les ambassadeurs de l’UE doivent se réunir, aujourd’hui, mercredi 29 octobre dans la matinée à Bruxelles et devraient discuter plus en détail de cette question.

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