Macron tente de rassurer l’Allemagne sur l’Europe de la défense

Emmanuel Macron va s’efforcer de dissiper d’« éventuels malentendus » sur sa politique de défense samedi lors d’une conférence sur la sécurité à Munich, face à un public allemand prompt à soupçonner Paris de promouvoir l’Europe pour surtout servir ses propres intérêts.

C’est la première fois que le chef de l’État français se rend à cette grand-messe mondiale annuelle des questions de sécurité. Le dernier président français avant lui à y avoir participé est Nicolas Sarkozy en 2009.

Il le fait dans un contexte chargé : Europe en crise avec le Brexit et le départ de ce qui fut l’une de ses deux puissances militaires aux côtés de la France, relance de la course aux armements au plan international, désintérêt de l’administration américaine de Donald Trump pour l’Europe et sa défense.

Emmanuel Macron est engagé depuis le début de l’année dans une séquence visant « à lever des malentendus, clarifier des messages sur les questions de sécurité, de défense et de politique étrangère européennes », notamment après le sommet de l’OTAN et ses propos sur la « mort cérébrale » de l’Alliance, estime la présidence française avant Munich.

Dans ce contexte, le président français, dont le pays est désormais au sein de l’Union européenne le seul doté de l’arme atomique, vient dans un discours devant l’École militaire à Paris de faire une petite ouverture en direction notamment de l’Allemagne.

« Dialogue stratégique »

Emmanuel Macron a proposé aux partenaires européens « un dialogue stratégique » sur « le rôle de la dissuasion nucléaire française » dans la sécurité collective de l’Europe.

Cela pourrait passer par des exercices communs de dissuasion, comme il l’a suggéré, ou l’utilisation de bases européennes par les forces stratégiques françaises.

Un message compris comme s’adressant surtout à l’Allemagne qui compte depuis la guerre sur le parapluie nucléaire américain.

Un proche d’Angela Merkel, Johann Wadepul, vice-président du groupe parlementaire du parti conservateur de la chancelière (CDU), a salué cette ouverture d’Emmanuel Macron et estime que « l’Allemagne doit à présent fournir une réponse ».

Mais il a jugé mercredi à Berlin qu’il restait aussi des « zones d’ombres » et des « interrogations ».

« Macron nous a toujours invités à penser européen », dit-il. « Mais on ne peut pas seulement européaniser ce qui est cher aux Allemands », avec par exemple le budget de la zone euro porté par le chef de l’Etat français, « il faut aussi européaniser ce qui est cher aux Français ».

« Et c’est le cas de la force de frappe française », ajoute celui qui a récemment jeté un pavé dans la mare en estimant que Paris devrait partager ses missiles atomiques avec ses partenaires, en les plaçant sous le giron de l’UE ou de l’OTAN. Ce qui est exclu par la France.

« Vague »

La presse allemande a aussi réagi de manière mitigée à l’invitation au « dialogue stratégique ». « Ce que cela signifie reste vague, alors qu’en revanche il est très clair qu’une seule personne continuera à décider » sur l’arme nucléaire française, ironise l’hebdomadaire Der Spiegel.

Le quotidien conservateur Die Welt est récemment allé plus loin en accusant la France dans un éditorial au vitriol de surtout poursuivre ses rêves de grandeur gaulliens, « à savoir placer le continent sous domination française ».

Avec cette pique : « Paris est notre partenaire le plus étroit, Washington le plus important ».

En retour, la France regrette régulièrement l’engagement militaire à ses yeux trop timoré de l’Allemagne sur les théâtres de conflit comme au Sahel.

Alors que la relation entre Emmanuel Macron et Angela Merkel semble dégradée depuis des mois, Paris comptait beaucoup pour l’avenir sur l’actuelle ministre de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommée « AKK », très favorable à une implication militaire plus grande de son pays.

Mais elle est désormais politiquement hors course. Elle vient d’annoncer vouloir quitter la présidence du parti conservateur CDU de Mme Merkel et renoncer à lui succéder à la chancellerie, suite à une controverse autour de l’extrême droite.

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