Emmanuel Macron a mis en doute la possibilité d’un «accord global d’ici la fin de l’année» entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, évoquant notamment les tractations tendues sur la pêche, samedi au terme d’une visite de près de treize heures au Salon de l’Agriculture.
Interpellé lors de sa déambulation sur moult sujets brûlants – retraites, Politique agricole commune (PAC), pesticides, «gilets jaunes», accords commerciaux internationaux, «agribashing» – le chef de l’Etat a conclu sa visite par une rencontre avec des représentants des pêcheurs français, inquiets que le Brexit les prive d’une large part de leur gagne-pain.
«Je ne suis pas sûr qu’on aura un accord global d’ici la fin de l’année. De toute façon, ça va se tendre car ils (les Britanniques) sont très durs». Le Premier ministre «Boris Johnson a une carte en main, c’est la pêche, et avec ça, il va essayer d’obtenir l’accès au marché» européen, a déclaré M. Macron.
Le Royaume-Uni a officiellement quitté l’UE le 31 janvier et doit négocier d’ici la fin de l’année avec elle un accord de libre-échange, qui réglementera entre autres l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques et vice-versa, au 30 juin pour une application au 1er janvier 2021.
«Macron a dit on aura un accord partiel, parce que tous les sujets ne pourront pas être traités, mais sur la pêche ce sera traité», a rapporté à l’AFP un participant à l’issue de la rencontre.
«Rien lâché» à Bruxelles
Dès l’ouverture du Salon, qui se tient jusqu’au 1er mars à Paris, Emmanuel Macron avait cherché à rassurer des agriculteurs inquiets qui lui réclamaient des «messages forts», alors que leur profession est bousculée par des controverses environnementales, et que pesait l’échec, la veille, de négociations européennes cruciales pour les agriculteurs.
Un agriculteur l’a remercié de n’avoir «rien lâché» vendredi: le chef de l’État est revenu de Bruxelles – où se négociait le budget de l’UE pour 2021-2027 – sans accord sur le maintien de l’enveloppe de la Politique agricole commune (PAC) dont il a fait sa priorité, les 27 pays de l’Union n’ayant pu s’entendre.
«La PAC ne peut pas être la variable d’ajustement du Brexit», a martelé le président, alors que l’équilibre de la profession repose largement sur les neuf milliards d’aides européennes que touche la France.
Interrogé aussi sur les retraites des agriculteurs, il a jugé «impossible» de revaloriser les pensions actuelles à 85% du Smic, une mesure prévue dans le futur système mais qui coûterait trop cher à appliquer aux agriculteurs déjà à la retraite: ce serait 1,1 milliard d’euros, a-t-il déclaré – si l’on inclut les pensions des retraités actuels et de leurs conjoints.
Ouverture sur les retraites
Mais il a ensuite fait une ouverture: «Nous devons trouver un mécanisme de financement aujourd’hui. Mais je suis tout à fait ouvert et je souhaite qu’on y travaille, et sur le sujet du stock, c’est-à-dire les retraités actuels, je ne pense pas qu’il faut le mettre dans le système des retraites, mais dans la loi de financement de sécurité sociale, on peut un peu améliorer les choses», a avancé M. Macron.
Auprès de viticulteurs très inquiets, touchés par des sanctions douanières punitives américaines et qui réclament 300 millions d’euros de compensations pour couvrir le manque à gagner sur leurs exportations aux Etats-Unis, leur premier client, le chef de l’Etat s’est engagé à «porter la demande d’un fonds de compensation auprès de l’Union européenne» et à «faire en sorte que d’ici le printemps ce fonds de compensation puisse se mettre en place», a déclaré Jérôme Despey, viticulteur et secrétaire général de la FNSEA.
Il a aussi promis de recevoir à l’Élysée des «gilets jaunes», ce qui serait une première. Un peu plus tard, Eric Drouet, figure historique du mouvement, a été expulsé par des policiers du Salon, sans avoir réussi à approcher le président, puis placé en garde à vue pendant plusieurs heures pour rébellion.
Sujet brûlant pour les agriculteurs, le président a été interpellé sur les zones de non-traitement (ZNT) aux pesticides près des habitations, effectives depuis le 1er janvier. Il a suggéré que les bandes de terres agricoles non cultivées en raison des interdictions d’épandage puissent à l’avenir être «valorisées», promettant que les agriculteurs seraient «accompagnés» financièrement et s’est engagé à assurer une «sécurité juridique» pour que les prochains semis se fassent «dans un cadre apaisé».
«Il nous faut une agriculture forte parce que les Français veulent savoir ce qu’ils mangent. On est dans une transformation historique», a déclaré Emmanuel Macron.
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