Alors que les Vingt-Sept font face en rangs dispersés au Covid-19, Bruxelles a dévoilé mercredi son projet d’ « Union de la santé » pour donner à l’UE les moyens d’affronter les futures crises sanitaires, notamment en créant une nouvelle autorité aux pouvoirs étendus.
La santé est une compétence des États membres, mais l’UE entend ne pas se trouver désarmée à la prochaine pandémie : la Commission européenne propose un arsenal censé assurer une meilleure coordination et des moyens d’actions communs.
«Prêts pour la prochaine pandémie»
Fermetures de frontières, critères de quarantaines variant d’un pays à l’autre, statistiques incomplètes : les pays européens peinent à s’entendre pour endiguer la propagation du Covid-19, offrant le spectacle d’un continent divisé.
« On a vu que la fragmentation des mesures rend les États plus vulnérables. On ne peut pas se le permettre », a taclé la commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides lors d’une conférence de presse.
« Nous vivons dans un monde où les maladies infectieuses peuvent émerger à tout instant, nous devons être prêts pour la prochaine pandémie », a-t-elle insisté, avant de dérouler ses propositions, qui feront l’objet de négociations avec les États et le Parlement européen.
L’UE demande l’élaboration d’un plan européen de préparation aux crises sanitaires, décliné ensuite au niveau national, avec audits et « tests de résistance » réguliers. Un « système de surveillance intégré » serait établi au niveau européen, et les États appelés à intensifier le partage d’indicateurs sanitaires (lits d’hôpitaux disponibles, capacités de soins intensifs…).
Dans la crise du Covid, « nous n’avions pas accès à des données comparables entre les États, cela compliquait la coordination, alimentait la confusion et la défiance des citoyens », a confié Stella Kyriakides dans un entretien à quelques journalistes.
Une nouvelle autorité
Au coeur du dispositif, l’UE veut créer une nouvelle autorité, équivalent de l’Autorité pour la recherche et développement avancée dans le biomédical (Barda) aux États-Unis, qui dépend du ministère américain de la Santé et dispose de moyens colossaux pour collaborer avec les laboratoires.
Une piste déjà évoquée mi-septembre par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Face au Covid-19, l’Europe a manqué de solutions sanitaires, et les chaînes d’approvisionnement de médicaments se sont avérées fragiles, fait-on valoir dans l’exécutif européen.
« Face aux urgences sanitaires, nous devons rapidement déployer les réponses les plus avancées, médicales ou autres, nous devons connaître les innovations bio-médicales pertinentes, nous devons avoir les capacités de développer et stocker les composants essentiels »
Mme Kyriakides.
« Cette nouvelle autorité marquera une révolution pour notre préparation stratégique, notre capacité à anticiper les menaces, à avoir une réaction commune », s’enthousiasme-t-elle, sans livrer de détails.
L’agence, baptisée Health Emergency Response Authority (HERA), fera l’objet d’une proposition formelle fin 2021 pour une entrée en service attendue en 2023. Elle s’efforcera de nouer des partenariats public-privés avec l’industrie pharmaceutique et les organismes de recherche.
Renforcer les dispositifs existants
Au-delà, Bruxelles propose de consolider le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), dont le mandat sera « renforcé » avec des fonds et effectifs supplémentaires.
« Il disposera d’un système pointu pour surveiller en temps réel les maladies émergentes et menaces sanitaires », fournir des recommandations, et « sera capable de mobiliser et déployer des équipes d’assistance (« health task forces ») » en cas de foyers épidémiques, souligne Mme Kyriakides.
L’Agence européenne des médicaments (EMA) sera dotée de tâches et effectifs supplémentaires, pour surveiller les risques de pénuries de médicaments et dispositifs médicaux, et pour faciliter les essais et procédures d’approbation de potentiels traitements cruciaux.
Enfin, l’UE pourra déclarer l’urgence sanitaire à l’échelle européenne, « en coordination avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mais de façon autonome », ouvrant la voie à une coordination accrue, à l’acquisition et au stockage de médicaments.
Mme Kyriakides mise sur « un large soutien » des États et eurodéputés : « Je suis consciente qu’il y a des débats sur la compétence « santé » qui relèvent des États, mais nos propositions s’inscrivent complètement dans les limites du traité » de l’UE, et ses dispositions sur la santé et le marché intérieur.
« Nous investissons pour l’avenir », tranche-t-elle, évoquant un budget de « moins de 100 millions d’euros par an » pour les mesures proposées. Beaucoup s’inscrivent dans les objectifs du programme UE4Health déjà inscrit au budget 2021-2027 de l’UE, mais l’augmentation du budget des agences européennes devra être négociée à part.
Laisser un commentaire