Longtemps, la carte économique de l’Europe était simple : au nord, des États riches et bien gérés ; au sud, des déficits et des dettes ; à l’est, la reconstruction après cinquante ans de soviétisme. Cette carte a volé en éclats depuis l’épidémie de Covid-19.
En 2025, l’Allemagne pourrait connaître une troisième année consécutive de récession. Son industrie automobile, fleuron de son économie, traverse l’une de ses plus graves crises depuis la Seconde Guerre mondiale. En proie à une désindustrialisation chronique, la France est menacée par une crise des finances publiques d’une ampleur inédite depuis la naissance de la Ve République en 1958. En revanche, le Portugal enregistre des excédents budgétaires, tandis que l’Espagne affiche une croissance digne des États-Unis. À l’est, la Pologne s’affirme comme une puissance économique majeure. Au nord, les pays scandinaves maintiennent leur position grâce à leur spécialisation dans des produits haut de gamme.
Jusqu’à présent, face à l’adversité, les États membres de l’Union européenne ont toujours réussi à s’unir. Ce fut le cas lors de la crise des dettes souveraines entre 2010 et 2012, du Brexit, de l’épidémie de Covid-19 ou encore de la guerre en Ukraine.
Une Union européenne sous tension
Les défis des prochains mois mettront certainement l’Union européenne sous pression. D’autant plus que Donald Trump et Vladimir Poutine ont inscrit son affaiblissement au cœur de leur stratégie géopolitique. Donald Trump entend utiliser les tarifs douaniers pour obtenir des concessions, voire favoriser des divisions internes.
L’Union européenne traverse une période délicate. Pendant la crise de l’euro au début des années 2010, l’Allemagne et les États d’Europe du Nord affichaient de solides performances économiques. En 2025, l’Allemagne est en récession et les perspectives de croissance en France ou en Italie demeurent faibles. Plusieurs pays sont confrontés à des crises politiques ou dirigés par des coalitions fragiles. Comme la France, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas ou l’Autriche. Par ailleurs, certains gouvernements, comme ceux de la Hongrie, de la Bulgarie et de la Slovaquie, affichent ouvertement des sympathies pour la Russie.
L’aide à l’Ukraine révèle les divisions internes de l’Union. Elle est principalement fournie par les pays baltes, la Pologne, l’Allemagne, la Finlande, le Danemark et la Suède. En revanche, la France et l’Espagne figurent parmi les contributeurs les plus modestes.
Les droits de douane, une arme de fragmentation
Au-delà des divergences concernant l’Ukraine et les relations avec la Russie, des désaccords économiques persistent. Les membres de l’Union européenne ne parviennent pas à s’entendre sur les questions commerciales. Les libre-échangistes, emmenés par l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, s’opposent à la France, plus protectionniste. Le départ du Royaume-Uni, qui jouait un rôle d’équilibre, accentue les tensions entre les partisans du libre-échange et les défenseurs d’un marché plus fermé.
L’Allemagne et les Pays-Bas, dont les économies sont fortement dépendantes des exportations, s’opposent aux droits de douane sur les véhicules électriques chinois, redoutant des mesures de représailles contre leurs propres constructeurs. Par contraste, la France, l’Espagne et la Pologne, moins exposées au commerce international, défendent la production européenne de « biens stratégiques ». De plus, ils souhaitent introduire des clauses favorisant les achats européens dans les marchés publics.
Des dépenses militaires sous pression
En 2023, les pays de l’Union ont consacré 1,6 % de leur PIB à leur défense, un chiffre légèrement supérieur à la limite fixée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale pour limiter ses capacités militaires. Pourtant, les États se sont engagés à porter cet effort à 2 % du PIB. En contrepartie du soutien militaire des Etats-Unis, Donald Trump exige un effort bien plus important, estimé à 5 % du PIB, un objectif jugé inatteignable. Les dépenses militaires varient fortement selon les pays. Plus un État est proche de Moscou, plus son effort de défense est élevé. Moderniser la défense européenne nécessiterait un investissement annuel de plus de 100 milliards d’euros. Cela obligerait de nombreux gouvernements à revoir leurs priorités budgétaires.
Une Union fragilisée par l’instabilité politique
La France fait aujourd’hui figure de mauvais élève en Europe, avec un déficit public atteignant 6 % du PIB et une dette publique non maîtrisée. Stabiliser ce ratio nécessiterait une réduction de près de 4 points de PIB du déficit primaire. Si l’Italie a réussi un ajustement budgétaire en 2024 en ramenant son déficit à 3,8% du PIB en une seule année, la France reste à la traîne. Selon les nouvelles règles budgétaires adoptées en avril dernier, des pays comme la France, l’Italie et l’Espagne devront réduire leur déficit public de 0,5 point de PIB par an.
Mais l’absence de croissance et le manque de gains de productivité compliquent la tâche. La consommation reste atone, et l’investissement recule, entraînant une stagnation des recettes fiscales. Pendant la crise de l’euro, l’Union avait surmonté ses difficultés en approfondissant son intégration et en mettant en place des politiques de soutien. Cependant, depuis 2021, la situation politique joue en défaveur de l’Europe. La montée des partis nationalistes et l’instabilité politique rendent difficile la mise en place de solutions fédérales. L’Italie, pourtant stable politiquement, et la Pologne ne peuvent à elles seules endosser le rôle de locomotive pour l’Union européenne.
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