Londres dit adieu au « non-dom »

Londres dit adieu au « non-dom »

Le domicile fiscal, jusque-là, relevait au Royaume-Uni d’un étrange flou romantique, presque aristocratique : un héritage, un lieu d’origine, un passé familial. Désormais, place au concret, au mesurable. La résidence devient l’unique boussole. En renonçant au principe de non-domiciliation, Londres referme un vieux chapitre d’exception britannique et engage son système fiscal sur la voie de la normalisation. Une onde de choc pour les expatriés fortunés, un nouveau défi pour les conseillers fiscaux.

Lesfrançais.press fait le point pour les Français de l’étranger et partage avec vous l’éclairage et les analyses d’un expert fiscal alors que le Royaume-Uni abandonne le statut du « non-dom”.

Le mirage fiscal s’effondre

Annoncée en 2024 par le gouvernement conservateur, cette réforme marque une nette amélioration du système, perçu désormais comme plus transparent et équitable. Mais certains points restent encore débattus. Et une question divise, à mi-chemin entre équité fiscale et stratégie d’attractivité :  est-ce vraiment le bon moment pour basculer vers une imposition mondiale ?

Trouver cet équilibre est un exercice délicat, qui doit concilier justice fiscale pour les résidents permanents et attractivité du pays pour les nouveaux venus.

Aujourd’hui, plusieurs millions de personnes vivent au Royaume-Uni sans y être domiciliées. La plupart ne perçoivent pas de revenus étrangers suffisants pour être imposés — et ceux qui en ont, partent, le plus souvent, avant leur septième année (échéance obligeant à se conformer aux taxations britanniques).

Mais pour l’instant, selon les chiffres officiels, seulement environ 5 500 contribuables verront leur imposition augmenter mais de façon spectaculaire, parfois de plusieurs centaines de milliers de livres par an, un choc fiscal considérable pour ce petit groupe à hauts revenus.

Dans les coulisses de la réforme : entretien avec un fiscaliste de la City

Pour bien cerner les enjeux, nous avons interrogé Franck Lavoyer, conseiller fiscal au sein du cabinet St Matthew. Spécialisé dans l’accompagnement des entreprises, son cabinet ne conseille pas directement les particuliers, mais accompagne ses clients professionnels dans l’adaptation comptable et administrative aux évolutions législatives. Voici ses éclairages :

©stmatthew.fr
©stmatthew.fr

« Fin du remittance basis : changements significatifs et départs ciblés »

Franck Lavoyer : « La suppression du régime « remittance basis », effective dès le 6 avril 2025, constitue une évolution majeure. Les nouveaux arrivants bénéficieront d’un régime simplifié, « Foreign Income & Gains », qui leur permettra d’être exonérés d’impôt sur leurs revenus étrangers pendant quatre ans, avant une taxation mondiale complète.

Certains médias évoquent jusqu’à 10 800 départs de millionnaires en 2024, mais dans les faits, nous observons surtout des réorganisations stratégiques des domiciles fiscaux personnels. La majorité de nos clients conserve leurs structures à Londres, attirés par les avantages durables de la City : un marché financier profond, une sécurité juridique forte, et un positionnement géographique stratégique pour les affaires internationales. 

Illustration non-dom
Illustration non-dom

Les trois visages de l’expatriation fiscale :

  • Les résidents établis cherchent des juridictions fiscalement attractives comme Andorre, Gibraltar ou les Émirats Arabes Unis.
  • Les entrepreneurs tournés vers l’Asie privilégient la Thaïlande, dont la fiscalité territoriale, le coût de vie modéré et l’écosystème numérique dynamique offrent une alternative solide aux Émirats.
  • Les nouveaux arrivants au Royaume-Uni profitent de la période initiale de quatre ans sans impôt sur leurs revenus étrangers et envisagent une relocalisation future selon leurs besoins.

Même lorsque les sociétés restent majoritairement basées à Londres, certaines activités sont parfois délocalisées à proximité des dirigeants pour optimiser efficacité et coûts. »

Entre stratégie et adaptation : comment réagissent les entreprises ?

« Chez St Matthew, la tenue comptable et la conformité avec Companies House et HMRC restent au cœur de l’activité. Mais la réforme impose aussi de renforcer :

  • La coordination internationale avec les conseils fiscaux des pays de résidence choisis par les dirigeants, pour faciliter le transfert des données financières essentielles (dividendes, rémunérations, certificats de flux financiers).
  • La veille réglementaire proactive, afin d’alerter les clients sur les impacts des évolutions fiscales internationales sur leurs obligations et distributions.

« Résultat inattendu et positif : plusieurs clients découvrent qu’en combinant une résidence fiscalement avantageuse avec une société toujours basée à Londres, ils peuvent réduire leur charge fiscale globale, parfois en dessous de ce qu’ils supportaient sous l’ancien régime. »

Pour ces dirigeants, cette stratégie personnelle représente un avantage tangible. »

Pas un exil, mais une mue silencieuse

« Ainsi, loin d’entraîner un exode massif de Londres, la réforme favorise une réorganisation réfléchie des flux financiers et des équipes. Cette restructuration stratégique est précisément ce que St Matthew accompagne au quotidien, garantissant rigueur comptable et fiabilité des informations transfrontalières.

Le Royaume-Uni tourne la page d’une fiscalité jugée obsolète. Entre équité et attractivité, le pays réinvente son modèle d’imposition. Les expatriés, eux, doivent désormais composer avec ce nouveau cadre — un défi mais aussi une opportunité pour repenser leurs stratégies financières. 

La City n’a pas perdu son éclat, mais elle change de lumière. À l’ère post-non-domiciliation, les expatriés n’abandonnent pas le navire : ils déplacent les voiles. Car même dans les eaux fiscales les plus mouvantes, celui qui sait lire le vent ne quitte pas la mer — il change simplement de cap. »

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