L’Italie est-elle un exemple pour la France ?

L’Italie est-elle un exemple pour la France ?

Au mois de juillet, pour certaines maturités d’obligations, l’État italien est parvenu à emprunter à un taux inférieur à celui de la France. L’Italie, autrefois mauvais élève de l’Union européenne en matière budgétaire, a désormais la capacité de donner des leçons à la France. Son déficit public est passé de 7,2 % du PIB en 2023 à 3,8 % en 2024. Le solde primaire est désormais positif (+0,4 %), alors qu’il reste négatif en France (-3,7 %). L’Italie a ainsi commencé à se désendetter pour la première fois depuis plusieurs années.

Malgré ces résultats flatteurs, le pays reste confronté à plusieurs problèmes structurels susceptibles de remettre en cause l’assainissement de ses finances publiques : recul de la productivité des entreprises, robotisation limitée de l’économie, faible niveau de compétences de la population, difficultés à mobiliser les fonds du plan Next Generation EU en lien avec les retards accumulés en matière de transition énergétique ou numérique.

Depuis quelques semaines, les investisseurs affichent un réel optimisme à l’égard de l’Italie. Le spread de taux d’intérêt à 10 ans entre l’Italie et l’Allemagne s’est fortement réduit. L’écart de taux avec la France, qui atteignait 2 points en 2022, n’est plus que de 0,3 point en 2025. L’assainissement budgétaire a été rendu possible grâce à une réduction drastique des subventions, en particulier celles liées à la rénovation immobilière. Au 4e trimestre 2024, l’Italie a même enregistré un excédent budgétaire de 0,4 % du PIB. Le pays affiche également un excédent courant de sa balance des paiements, porté par ses excédents industriels – à la différence de la France.

Un déclin démographique préoccupant

La réduction du déficit public italien ne saurait effacer d’un coup de baguette magique les difficultés structurelles auxquelles le pays est confronté.

L’Italie subit l’un des déclins démographiques les plus marqués d’Europe. Ce phénomène, amorcé depuis plusieurs décennies, atteint aujourd’hui un seuil critique. Il menace, à moyen terme, la croissance, l’emploi, les finances publiques et la soutenabilité de son système social.

En 2024, l’Italie n’a enregistré que 379 000 naissances. Le taux de fécondité s’élève à 1,20 enfant par femme, l’un des plus faibles de l’Union européenne, très loin du seuil de renouvellement des générations (2,1). Simultanément, l’espérance de vie reste élevée et la population vieillit rapidement : 24 % des Italiens ont aujourd’hui plus de 65 ans, un taux qui devrait dépasser 30 % d’ici 2040 si les tendances actuelles se poursuivent.

La population italienne diminue d’environ 250 000 habitants par an. Les projections d’Eurostat anticipent un passage de 59 à 50 millions d’habitants d’ici 2070. Le solde naturel est négatif depuis plus de dix ans, et l’immigration ne suffit plus à compenser les pertes. Avec moins d’actifs et une productivité stagnante, le potentiel de croissance s’érode. Selon la Banque d’Italie, la croissance à long terme pourrait tomber à 0,5 % par an en l’absence de choc de productivité ou de réforme structurelle.

L’Italien Antonio Vassallo, 100 ans au moment de la prise de vue, et sa femme Amina Fedollo, 93 ans, posant dans leur maison à Acciaroli, dans le sud de l’Italie, le 23 août 2016. ©AFP
L’Italien Antonio Vassallo, 100 ans au moment de la prise de vue, et sa femme Amina Fedollo, 93 ans, posant dans leur maison à Acciaroli, dans le sud de l’Italie, le 23 août 2016. ©AFP

Les départs à la retraite dépassent les entrées sur le marché du travail, notamment dans l’industrie et les services qualifiés. Les entreprises peinent à recruter, en particulier dans le Nord du pays. Le nombre croissant de retraités pèse sur les régimes de pensions, déjà parmi les plus coûteux d’Europe (environ 15 % du PIB). Le vieillissement démographique réduit mécaniquement la consommation, notamment de biens durables, et pèse sur le secteur immobilier.

Le recul dangereux de la productivité

Comme la France, l’Italie connaît depuis 2018 un recul de la productivité des entreprises. La productivité du travail y est structurellement faible. Parmi les grands pays de l’Union européenne, la productivité horaire deux fois inférieure à celle des Pays-Bas y figure parmi les plus basses. L’Italie est en outre pénalisée par de forts écarts internes : la productivité est deux fois plus faible dans le Sud que dans le Nord.

Une robotisation encore limitée

L’industrie italienne demeure faiblement robotisée, même si elle devance légèrement la France ou l’Espagne sur ce point.

Cercle de l’Épargne – données World Robotics
Cercle de l’Épargne – données World Robotics

Des compétences adultes insuffisantes

L’Italie figure parmi les derniers rangs des grands pays européens dans l’enquête PIAAC de l’OCDE, qui mesure les compétences des adultes en mathématiques, compréhension de textes et résolution de problèmes.

Cercle de l’Épargne – données OCDE
Cercle de lÉpargne – données OCDE

Une faible consommation des crédits européens

Dans le cadre du plan Next Generation EU, l’Italie peut prétendre à 194 milliards d’euros, répartis entre un tiers de subventions et deux tiers de prêts. En juin 2025, elle avait reçu 122 milliards d’euros, mais n’en avait effectivement dépensé que 52 milliards. Le pays rencontre des difficultés à concevoir et à mettre en œuvre des projets de modernisation dans les domaines de la transition énergétique, du numérique ou des transports ferroviaires.

L’Italie affiche aujourd’hui des chiffres rassurants en matière de commerce extérieur et de finances publiques. Mais la restauration des comptes publics et de la balance commerciale reste fragile. Le recul de la productivité, la faible robotisation, le déficit de compétences chez les jeunes et les adultes, ainsi que l’insuffisance de projets de transformation économique, constituent de réels risques pour la croissance des prochaines années.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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