L’invite au chalet : Mythe, nature et amitié au Québec

L’invite au chalet : Mythe, nature et amitié au Québec

Nous sommes nombreux à avoir rêvé de ce Québec mythique et du Canada, plus grand que nature, qui ont nourri notre imaginaire de grands espaces, de nature, de connexion et de possibles encore imaginables. Bref, comme disait si bien mon ami Louis dans son Sud de France, c’est le rêve total.

Alors au-delà des clichés éculés, perdure l’écho de ces vérités si puissantes, qu’elles restent ancrées dans notre inconscient collectif. Le Québec, le Canada sont des terres promises à ceux qui les désirent très fort et qui sont prêts à affronter les forces de Dame Nature pour faire corps avec elle, à ceux qui embrasseront l’hiver et l’américanité. Pour le meilleur, et pour le reste.

L’invite au chalet

Dans l’imaginaire bien loin d’Épinal, le mythe du chalet a une place de choix. C’est l’incarnation de la fameuse cabane au Canada, le summum. Un lieu en nature, préservé des aléas de la frénésie contemporaine qui permet d’incarner le rêve. Le cycle des saisons, une certaine aspiration à la solitude mais aussi la chaleur du foyer, le partage en famille ou entre amis. Chacun a une vision bien à lui en fonction de son imaginaire culturel, de ses envies et de ses références. Mais le bûcheron avec la chemise carreautée n’est jamais très loin. Chacun s’y projette, dans un soi sublimé, une autre histoire que la sienne. Le chalet c’est un peu pouvoir vivre une vie parallèle. 

Le rythme des saisons 

Faire l’expérience du chalet, c’est une parenthèse qui nous ancre dans le territoire, les saisons, et qui fait vibrer tous nos sens. On se met en mouvement parce que le chalet est ailleurs, distancé de notre routine. Il nous sort de la ville, de notre quotidien. Quelle que soit la saison, on est rapidement confronté aux éléments. Le crissement des pneus sur la neige, la chlorophylle vibrante au printemps, la chaleur intense et moite en été, la splendeur renversante des couleurs lors de l’automne… 

Personne n’échappe à ce moment de grâce, c’est bouleversant. Les parfums de la nature font partie intégrante de l’expérience chalet. Notre inconscient capte ces odeurs de nature parfois différentes de notre région d’origine, notre corps vibre et notre nez est un des capteurs de ce tout qui nous marque profondément souvent à notre insu d’ailleurs. Les sons comme le toucher font partie de l’expérience. Nager dans les lacs d’eau douce relève du plaisir inouï, sentir les feuilles se froisser sous nos pieds lors d’une randonnée en automne, l’éblouissement à la vue du feu flamboyant des rouges et ors, ou encore faire crisser la première neige sous nos pas… Que de merveilles qui réveillent en nous l’enfant qui sommeille. Aller au chalet c’est un peu se donner la permission de retrouver les sensations, la liberté de suivre le rythme des saisons, reconquérir notre âme d’enfant.

L’imaginaire géographique 

En 1989, Antoine S. Bailly, géographe émérite de son état, définissait ainsi l’imaginaire géographique : « Dans le monde francophone, l’imaginaire géographique correspond à l’ensemble des représentations, des images, des symboles ou des mythes porteurs de sens qui participent à la dynamique d’une société en se projetant dans l’espace ».

Alors quel serait notre imaginaire géographique du Québec ? Du chalet au Québec ? Question étrange et pourtant bien tangible. Pourquoi le chalet résonne-t-il si intimement pour nous ? 

L’invite au chalet

Même les Québécois ont un lien fort au chalet, qu’il soit 3 saisons (pas assez isolé pour affronter les rigueurs de l’hiver), que ce soit un simple «shack » rudimentaire perdu dans le bois ou un chalet au luxe ostentatoire, que ce soit une nouvelle acquisition ou un héritage empreint de souvenirs familiaux, le chalet est un peu sacré. C’est une référence culturelle profonde du Québec.

Vous pouvez louer un chalet pour un week-end ou pour les vacances, c’est la première expérience qui vous permet de rentrer dans le monde de ceux qui savent. Mais l’expérience ultime, avant d’en acheter un, c’est d’être invité. Comme nouvel arrivant, l’amitié avec les locaux prend du temps. Quelques mois, quelques années plutôt, alors quand, au détour d’une phrase chaleureuse lors d’un souper entre amis ou sur les gradins d’une patinoire en regardant évoluer les chères têtes blondes, votre amie québécoise lance comme si de rien n’était : « … et ça vous dirait de venir une fin de semaine à notre chalet ? » Vous n’en revenez pas. C’est comme si le Saint Graal vous tombait sur la tête. ENFIN ! Vous êtes tout retourné, vous venez d’être invité au chalet de vos amis. C’est un peu comme rentrer dans un club privé. Il y a un avant et un après. Des Québécois vous ouvrent leur intimité, ce territoire très ‘’privé’’ et vous invitent à leur chalet. C’est une marque d’estime, de confiance et d’inclusion. C’est le signe que votre intégration est bien réelle et profonde !

Je ne peux que témoigner ma profonde reconnaissance à nos amis Bev et Ian qui furent les premiers à nous inviter en famille à venir vivre une fin de semaine dans leur chalet dans le nord. Comble de dépaysement leur chalet n’est pas accessible par la route, en hiver il faut traverser le lac gelé en ski de fond en tirant les luges avec les enfants et les affaires, en été en bateau. Le rêve total bis. Notre première aventure fut en hiver, un vendredi soir dans la nuit avec les lampes frontales pour éclairer le chemin, des papillons dans le ventre à suivre nos amis en tirant les luges avec nos affaires. Quel bonheur extatique ! Depuis il y a eu beaucoup d’autres invitations, d’autres chalets. Mais cette première fois fut un émerveillement total, un souvenir qui demeure depuis ces lointaines années tant pour nous que pour nos filles. Et maintenant que nous avons à notre tour un chalet, nous avons à cœur d’y convier amis, amis d’amis, amis de nos enfants, familles pour partager ce bonheur si unique. Un petit bout de notre vie au Québec.

Auteur/Autrice

  • Cécile Lazartigues - Chartier

    Consultante en Interculturel, stratégie et développement, Cécile Lazartigues-Chartier, grande voyageuse, a toujours été curieuse de l’Autre. C’est en 1997 qu’elle choisit de quitter la France pour s’installer en famille à Montréal. Une belle aventure qui perdure depuis avec bonheur. C’est après ses études universitaires en Europe (Lettres, Communication et un DESS en commerce international), qu’elle s’est orientée tout naturellement vers des milieux stimulants, créatifs et à l’international.

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