L’impôt ne paie pas les dettes. Les pauvres, oui.

L’impôt ne paie pas les dettes. Les pauvres, oui.

Fisc était le nom modeste panier d’osier, devenu synonyme du trésor public, lui-même panier percé. Le fisc est censé remplir le panier, ce qui n’arrive jamais. Plus l’impôt rentre, plus l’Etat se réjouit, anticipe, dépense, s’endette. La capacité de lever l’impôt est une garantie pour les prêteurs, d’où, longtemps, la bonne note de la France. D’où, surtout, sa dette impressionnante.

L’administration fiscale a le génie de l’impôt, elle en a inventé entre 400 et 1000, nul ne sait exactement, parce qu’elle ne sait pas compter. En témoigne l’erreur budgétaire des mathématiciens de Bercy de seulement 1,5 % du PIB, quelque 60 milliards.

Pierre le Grand avait inventé un impôt sur la barbe, le fisc a créé des impôts sur la possibilité d’avoir une barbe. Cela s’appelle les plus values « latentes ». Vous n’avez pas gagné cet argent, mais vous pourriez le gagner, petit malin ! Aussi La France a-t-elle, hors Corée du Nord et Cuba, le record mondial des prélèvements, et, comme les deux sont liés, une dette mirobolante. Aujourd’hui, bêtement, les préteurs s’inquiètent.

Pour la première fois depuis toujours, la France emprunte à des taux supérieurs à ceux de la Grèce, de l’Italie, du Portugal, de l’Espagne. Ces mal notés ont fait des efforts, à commencer par les pauvres.

La solution à la dette ? Toujours l’impôt. À condition qu’il soit populaire. Seuls les riches paieront. Vraiment ?

Qui paie l’impôt des riches ? Tout le monde. Les riches et les grandes entreprises paient un peu moins.

Qui paie l’impôt des riches ? Tout le monde. Avec un petit bémol : les riches et les grandes entreprises paient un peu moins que les autres : ils profitent de l’écrasement des salaires et de la concurrence.

L’impôt sur les barbes n’est pas payé par les barbes. Celui sur les fenêtres n’était pas payé par les fenêtres, celui sur les riches ne l’est pas par les riches. L’impôt est prélevé sur l’ensemble de la création de richesse. Raison pour laquelle, le fisc, dans sa sagesse, intervient à tous les étages de la création de valeur.

Quand une entreprise paie l’impôt, ce n’est pas elle qui paie ; mais les fournisseurs, sous traitants, clients, actionnaires,  salariés, ceux qu’elle n’embauche pas, chômeurs. Voilà la pression sur les salaires. C’est l’ensemble de la chaîne qui paie.

Tout impôt glisse, entraîné par une force de gravité qui l’amène à être payé par la masse centrale, la classe moyenne. L’impôt dont le rendement est le plus important en France est la TVA (210 milliards), près de la moitié des recettes fiscales. Impôt des riches ? Quant aux cotisations sociales, qui tuent le travail, elles pèsent un tiers des prélèvements obligatoires (environ 410 milliards en 2023), 14,7% du PIB. Tous les paient, elles bloquent les salaires, la smicardisation gagne. Tels sont les vrais impôts payés par tous. Le reste est de l’esbroufe.

Faire payer les riches ? Déjà fait. « Avec un taux de 64%, la France est au deuxième rang de l’OCDE pour la taxation des salaires des personnes gagnant 20 fois le salaire moyen, derrière la Belgique (67%). Le taux allemand est de 47% » (Fipeco). Le taux marginal excède 75%. Les vrais riches regardent ailleurs, comparent ce qui leur reste, net. Comme les pauvres.  

L’art de l’impôt est de faire croire que c’est l’autre qui paie.

À partir de quand est-on riche ? Ceux qui gagnent plus de 4417 euros net par mois font partie des 5% les plus riches. Vus d’ailleurs, ils sont pauvres, ( États-Unis, Suisse, Allemagne, Pays Bas, Irlande… )

L’art de l’impôt est de faire croire que c’est l’autre qui paie. Pendant que le gouvernement prétend concentrer l’impôt sur les riches, la revalorisation des retraites est reportée (4 milliards),  la taxe sur l’électricité est augmentée, celle sur les billets d’avion est triplée. 

Le fisc est le visage de l’Etat. Ubi fiscus, ibi imperium : où est le fisc, là est l’empire. Le plus haut dignitaire fiscal de l’empire s’appelait « Comte des largesses sacrées ». Sacrées largesses, qui débordent les recettes. Fisc et trésor, c’est tout un. Ou plutôt fisc et dette. Les dépenses publiques justifient l’impôt. C’est l’addiction française à la dépense publique qui génère l’impôt. Elle représente 56% en France. Encore un record. Le troisième avec celui de la dette et des prélèvements. Qui ne voit qu’ils sont liés ?

Échange subvention pour certains contre baisse d’impôts pour tous. Simplification en prime. 

Diminuer les dépenses, mais comment ? Facile. Les aides aux entreprises (plus de 3000), représentent, selon la Cour des Comptes, entre 92 milliards et 260 milliards d’euros. 10% du PIB. Plutôt qu’augmenter les impôts, supprimer les aides et les guichets. Échange subvention pour certains contre baisse d’impôts pour tous. Simplification en prime.  

Les dépenses excédant les recettes, l’Etat a recours à l’emprunt. Hier, les Fermiers généraux avançaient les sommes au Prince, à charge pour eux de prélever l’impôt. Les Pharaons embaumés d’or faisaient de même. Aujourd’hui, l’Etat émet des Bons du trésor. Ceux qui veulent lutter contre la finance internationale devraient proposer des budgets de l’Etat en équilibre. Quels sont ces pays révolutionnaires, dont les budgets sont en équilibre ?

L’Irlande, pauvre petit pays, a des taux d’impôts parmi les plus bas d’Europe. Elle accumule les excédents budgétaires. Cette année, 8.6 milliards. Lors de la crise de l’euro, l’Union européenne et le FMI lui avaient octroyé un prêt de 67.5Md€ et demandé d’augmenter les impôts. Digne refus : l’Irlande ne voulait pas sacrifier le ressort de la richesse. La Suisse réduit ses dépenses. Serait-elle en déficit excessif ? Non, elle ne veut pas de déficit depuis trente ans. À cette époque, les Suisses avaient le même niveau de vie que les Français, ils en ont maintenant le double. Irlande, Suisse, Norvège, Chypre, Danemark, Portugal, et quelques autres, ont des budgets en excédent. Et plus de pauvres ?

Diminuer les taux d’imposition ne diminue pas les recettes fiscales.

Ces pays ont-ils moins de rentrées fiscales, des hôpitaux en lambeaux, des écoles à l’abandon, une justice en ruine ? Moins de logements ? Pourquoi en construire ? Au-delà d’un IFI supérieur à 0,7%, la rentabilité d’un investissement immobilier est négative. On compte moins de moyennes entreprises en France qu’en Italie parce que l’intérêt à investir dans une entreprise est faible, mieux vaut placer son argent en bons du trésor. D’où la fameuse « désindustrialisation » de la France.

Diminuer les taux d’imposition ne signifie pas diminuer les recettes fiscales. Plus la création de richesse est élevée, plus les recettes augmentent.

Idem pour les salaires. Ils suivent le montant de la richesse globale. Les dockers américains, en grève, ont obtenu une augmentation de … 62% ! Ils ne gagnaient « que » 150.000 $, en moyenne. Un docker américain serait très riche en France, surtaxé.

Depuis 2017, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 33,3% à 25%, les recettes ont augmenté de 56 Md€ en 2016 à 82 MD€ en 2023 : +46% ! Les recettes fiscales dépendent de la richesse, pas des taux. 

Aucun pays n’a remboursé ses dettes en augmentant les impôts.

Si la France veut diminuer sa dette, il faut donc … diminuer les impôts. Que ce soit sur les riches, les pauvres, les fenêtres, les barbes, les barbiers, les entreprises petites et grandes, cela n’a que peu d’importance, à la fin, tout le monde paie. Aucun pays n’a remboursé ses dettes en augmentant les impôts. Aucun pays n’a accru sa productivité par les exploits du fisc.

Là est la clé : pour rembourser la dette, faciliter la croissance. La dette est un problème quand son coût dépasse le taux de croissance. La croissance de la France est faible, là est le danger. Là est la raison pour laquelle les taux d’intérêt augmentent.

La France a besoin de « surcroissance ». Bonne nouvelle : le monde est en pleine révolution, avec des poches de croissance inédites. À condition de s’y ouvrir, de s’y investir. Pendant que le fisc cherche quelques milliards, Open AI a opéré une levée de fonds de 6,5 milliards, ce qui porte sa valorisation à 160 milliards. Elle en valait la moitié il y a six mois.

Les impôts nouveaux ne paieront pas la dette. À défaut de création de richesse, à défaut de croissance, à défaut de penser différemment les besoins, fonctions, prélèvements et périmètres de l’Etat, les pauvres paieront.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et France Pay.

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