Lier l’accord de Paris sur le climat au libre échange, une fausse bonne idée.

Emmanuel Macron a signifié son refus à l’Union Européenne d’engager des négociations avec les Etats-Unis sur un nouveau traité de libre échange, parce que ceux-ci s’étaient retirés des Accords de Paris sur le climat. Ce faisant, la France a été mise en minorité et a affiché un désaccord de fonds avec l’ensemble des pays européens et l’Allemagne. Une position compréhensible du point de vue électoral, mais peu raisonnable au fond. Refuser d’entamer les négociations sans les bloquer vraiment est la reconnaissance d’une fragilité, au mieux d’une légèreté. D’autant que toute initiative européenne doit être le résultat d’un accord franco-allemand. Ce qui a accru l’incompréhension allemande, comme l’a exprimé récemment  Angela Merkel.

La politique européenne doit être fondée sur des accords franco-allemands, qui doivent être des compromis à partir desquels on formule des initiatives pour l’Europe entière. La politique européenne ne peut être fondée sur des désaccords initiaux entre la France et l’Allemagne, car ni la France, ni l’Allemagne, ne sont des pays comme les autres en Europe. Qui plus est, on retrouvera les désaccords à la fin.

Fort de ce qu’il a du néanmoins considéré comme une nouvelle stratégie, Emmanuel Macron a fait inclure dans le programme de LREM pour les européennes la même disposition : pas d’accord de libre échange sans adhésion aux Accords de Paris sur le climat.

L’argument : les pays avec lesquels l’Europe commerce ne doivent pas faire du dumping écologique. A priori, c’est imparable. Sauf que : Les accords de Paris ont laissé à la Russie, à la Chine, au Brésil et à l’Inde des permis de polluer incroyables qui leur permettent de construire des centaines de centrales à charbon. Qui seront, au mieux, remplacés que par des centrales nucléaires. Les écologistes avaient dénoncé, à l’époque, les dits accords comme un acte d’abdication. Les négociateurs de l’accord de Paris (Hollande, Fabius et Royal) avaient lâché tout ce qu’ils pouvaient lâcher afin d’avoir la signature des grands pollueurs afin d’afficher un succès. En fait, l’essentiel de l’effort reposait sur l’Europe, et -un peu- les Etats-Unis. Désormais ils ne reposent plus que sur l’Europe. D’où les milliards dits « de la transition écologique », que les gouvernements cherchent désespérément, surtout quand ils sont déjà au maximum de la pression fiscale. (7 d’impôts énergétiques supplémentaires en France, en France, le double en Allemagne, mais l’Allemagne a des finances plus saines et des impôts plus bas)

La proposition initiale de Macron quant aux Accords de Paris était beaucoup plus réaliste, ce sur quoi il avait amené Trump à discuter : les prolonger, les adapter, c’est-à-dire les revoir, dans un sens plus pragmatique, plus efficace, et plus équilibré.

Faut-il imposer dans les accords commerciaux des clauses sociales et environnementales ?

Ce serait tout simplement imposer à certains pays des contraintes qui handicaperaient leur développement. Une bonne partie du monde n’a pas accès à l’eau potable, ou à l’électricité. Faut-il lui interdire le charbon, le pétrole, le nucléaire ? Ou faut-il nous contraindre un peu plus, au risque, comme on le fait avec la Chine, d’interdire nos usines ici pour les faire construire là bas, ce qui est sans intérêt pour la planète ?

Et si la bonne solution, c’était, justement, le libre échange ?

Dans un traité de libre échange, on ne parle pas que de droits de douane. On en parle de moins en moins. On parle surtout de normes, d’appellations, de descriptions techniques, de droits des brevets, de propriété intellectuelle, de traçabilités, qui décrivent aussi des modes de production, d’investissements. La consommation modèle autant la production que l’inverse.

C’est pourquoi l’Europe a intérêt, hors considération commerciale, à négocier des traités de libre échange, car elle impose aussi ses normes et ses modes de contrôle. Evidemment, on ne peut préjuger du résultat des négociations. Mais refuser de les entamer a priori est se priver d’atouts.

L’Europe est la première puissance commerciale du monde, loin devant la Chine (c’est pourquoi ceux qui fustigent la « naïveté » de l’Europe sont plus que naïfs). Les négociations avec le Canada, et avec le Japon furent des succès. La puissance européenne s’établit ainsi. C’est une erreur de la  limiter  en la liant a priori à des Accords de Paris qui ont plus d’effets symboliques que réels. C’est ce que les Allemands et la majorité des pays européens ont parfaitement compris, notamment ceux qui ont plus investi dans la lutte contre les pollutions que nous. Les postures, en politique, sont faciles mais rarement efficaces. Elles visent à flatter l’opinion pour capter des voix plus volatiles et moins dupes qu’on ne le croit.

La bonne démarche est de discuter avec les Allemands pour trouver un compromis de base, de s’appuyer sur ce compromis dans le mandat de négociations de l’UE pour discuter avec les Américains, avec la force de l’Europe.

Laurent Dominati

A.Ambassadeur de France

A. Député de Paris

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