L’Europe perd patience face à la Hongrie

L’Europe perd patience face à la Hongrie

« On ne peut plus continuer à se faire écraser » : les États membres de l’Union européenne ont nettement haussé le ton face à la Hongrie, accusée de brider les droits des personnes LGBT+ et d’abandonner l’Ukraine. Mais leur marge de manœuvre pour sévir face au gouvernement de Viktor Orbán reste étroite.

Bruxelles s’adonne depuis des années à un délicat jeu d’équilibriste avec le Premier ministre hongrois. Ses positions sont à contre-courant d’autres États membres de l’UE sur une ribambelle de sujets, à commencer par les questions d’État de droit. Mais le soutien du dirigeant ultraconservateur est indispensable sur plusieurs dossiers sensibles, où les décisions se prennent à l’unanimité des 27 États membres.

À commencer par le renouvellement de sanctions contre la Russie, ou l’adhésion de l’Ukraine à l’UE — deux dossiers où les tractations avec Viktor Orbán, proche de Moscou, se font au forceps. De peur de le braquer, « il n’y a jamais eu de confrontation directe » entre les dirigeants européens et le dirigeant hongrois, explique un diplomate européen sous couvert d’anonymat.

« Mais à un moment on ne peut plus continuer à se faire écraser par ce nain politique et économique qu’est la Hongrie », s’emporte-t-il.

Le commissaire européen à la Justice, Michael McGrath, a menacé mardi 27 mai d’engager une action en justice préventive si le gouvernement de Viktor Orbán ne renonçait pas à un projet de loi d’inspiration russe qui permettrait à Budapest de réprimer les médias et ONG financés de l’étranger.

« Nous n’hésiterons pas à prendre les mesures nécessaires […] nous n’excluons pas de demander des mesures provisoires », a-t-il assuré. Celles-ci pourraient consister à demander à la Cour de justice de l’UE de suspendre immédiatement le projet de loi sur la « transparence de la vie publique ».

« À la carte »

La Commission a déjà entamé une procédure d’infraction contre Budapest en 2021 en raison de sa « loi sur la protection de l’enfance », que le commissaire européen à la Justice décrit comme le texte à l’origine d’une nouvelle loi visant à restreindre les rassemblements publics LGBT. « Le droit de réunion pacifique ne constitue pas une menace pour les enfants », a-t-il insisté. Cette nouvelle loi, adoptée au printemps et visant à interdire les évènements tels que les marches des fiertés (Pride), a contraint les capitales à durcir leur position.

En atteste la lettre signée par vingt pays européens, dont la France, les Pays-Bas et la Suède, exhortant Budapest à réviser ce texte, et les nombreuses déclarations de ministres en amont d’une réunion du Conseil Affaires générales mardi à Bruxelles.

« Nous avons de gros problèmes avec la Hongrie », a dénoncé le ministre allemand chargé des questions européennes, Gunther Krichbaum. « La patience de mes collègues s’amenuise de jour en jour. »

Les valeurs européennes « ne sont pas un menu à la carte où l’on peut choisir celles que l’on veut respecter et celles que l’on veut laisser de côté », a renchéri la ministre belge de la Justice, Annelies Verlinden.

L’UE gèle déjà une dizaine de milliards d’euros de fonds destinés au pays d’Europe centrale, dans le cadre de procédures engagées en raison d’inquiétudes liées aux droits des personnes LGBT+, des demandeurs d’asile, ainsi que les conditions de passation des marchés publics et les conflits d’intérêts.

Vers une suspension du droit de vote hongrois ?

Que peut-elle faire de plus ? Outre les fonds gelés, la Hongrie est visée depuis 2018 par la procédure décrite à l’article 7 du Traité sur l’UE (TUE), destinée à sanctionner un État membre où est constatée une « violation grave » de l’État de droit.

Celle-ci peut en théorie aller jusqu’à une suspension des droits de vote au sein du Conseil de l’UE, où siègent tous les chefs d’État et de gouvernement. Un scénario inédit, que plusieurs ministres ont mis sur la table mardi.

La ministre danoise Marie Bjerre, dont le pays assurera bientôt la présidence tournante du Conseil de l’UE, a assuré être prête à utiliser « tous les outils » nécessaires pour faire rentrer Viktor Orbán dans le rang, y compris l’activation de cette procédure.

« Jusqu’ici peu de gens imaginaient que cet article 7 puisse être utilisé », note Lukas Macek, de l’institut Jacques Delors. « Mais plus on avance plus je me dis que c’est peut-être pas tant de la science-fiction que ça », affirme-t-il auprès de l’AFP, soulignant le « ras-le-bol » des États membres.

Le ministre tchèque chargé des Affaires européennes, Martin Dvořák, a déclaré aux journalistes tchèques que « le nombre de ministres exprimant une inquiétude croissante augmente », mais que la perspective d’une suspension des droits de vote de la Hongrie au niveau européen reste très éloignée.

Présent mardi à Bruxelles pour défendre le bilan de son pays en matière d’État de droit, le ministre hongrois János Bóka a qualifié la situation « d’hystérie politique », assurant avoir répondu jusqu’ici à toutes les « questions et remarques » exprimées par des États membres sur son pays.

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