20 ans déjà ! Alors le jeune Poutine choisi par Eltsine paraissait-il bien timide. 20 ans, la durée du règne d’Elisabeth 1er. Bientôt la Grande Catherine : 34 ans. Et pourquoi pas Pierre leGrand, 42 ans ? En 2040, il n’aura que 88 ans. Ilpourrait se contenter de la longévité de Staline, 30 ans, c’était déjà très long selon Beria et Khrouchtchev.
Normalement, il devrait quitter la Présidence en 2024. Il a surpris tout le monde en annonçant un changement de la Constitution, qui viserait à renforcer les pouvoirs du Parlement. Un démocrate éclairé, en somme. S’imaginerait- il en Reine d’Angleterre, régnant mais ne gouvernant pas ? Son Parlement, pour l’instant n’est pas bien farouche. Il a investi le successeur de Medvedev en 24 heures, à l’unanimité. En effet, Medvedev a un successeur. Un inconnu qui a dirigé pendant dix ans le fisc russe, et connait donc les revenus et le patrimoine de chacun. Y compris le sien : 11 millions d’euros, sans doute en luttant contre la corruption. Medvedev, lui, doublure effacée de Poutine, ira au Conseil de sécurité.
Reine d’Angleterre…
C’est peut-être le sort de Poutine, car contrairement à d’autres dirigeants qui veulent semaintenir au pouvoir, il n’a pas annoncé dans sa réforme de la Constitution, la classique abolition de la limitation du mandat présidentiel. Au contraire : il sera interdit d’en faire plus de deux, à la suite ou de façon discontinue. Actuellement, Poutine en est à son quatrième mandat, avec l’interruption Medvedev. Personne ne pourra donc jouer les Poutine. Aussi, qui pourrait bien lui succéder dont le mandat se termine en 2024 ?
Personne ne croit que Poutine quittera vraiment le pouvoir. Et pourtant, il n’indique aucunement quel nouveau Comité, comme le Conseil d’Etat, pourrait superviser les pouvoirs d’un nouveau Président toujours élu au suffrage universel. Unemainmise exercée sur la Douma via le parti Russie Unie semble un piètre contrôle. La réponse pourrait venir d’au delà des frontières, de Minsk.
Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko se sont encore rencontrés en décembre. Depuis 1999, il existe un Traité d’Union entre la Russie et la Biélorussie. Le but annoncée dés l’origine était de former un seul Etat, avec un seul Président, un Parlement, une citoyenneté unique, une monnaie commune, etc… Le projet n’a pas abouti, mais il est périodiquement relancé, sur fond de négociations sur le gaz et les aides octroyées par la Russie à la Biélorussie. Poutine a toujours manifesté sa volonté d’aller plus loin. Il doit convaincre Alexandre Loukachenko, considéré comme le dernier vrai dictateur d’Europe, qui a donné son accord pour plus d’intégration, à condition que la souveraineté biélorusse soit respectée. « Si la Russie nous met continuellement la pression, à commencer par les questions du prix du gaz et du pétrole, si elle continue d’écrire et de dire que nous sommes des assistés, que nous sommes ses boulets, nous lui dirons : non merci ». Ce à quoi répond Poutine «aucun pays, grand ou petit, n’est vraiment indépendant ». Et personne n’est hors de portée de Poutine.
… ou Tsar de toutes les Russies
Ce que veut Loukachenko, c’est conserver son pouvoir sur les dix millions de Biélorusses, voire installer son plus jeune fils Kolia comme successeur. Il est possible d’arriver à un accord. C’est peut-être la clé de la solution : garantir à Loukachenko la stabilité en Biélorussie, s’installer comme Tsar de toutes les Russies pour quelques années.
Alors Vladimir Poutine aura accompli une partie de son projet : restaurer la grande Russie,récupérer ce qu’il est possible de reprendre des territoires perdus. A cette Union Russie Biélorussie, il pourrait ajouter l’Ossétie du sud et l’Abkhazie, peut-être même la Transnistrie, ce qui réglerait les problèmes de reconnaissance internationale de ces « pseudo Etats ».
Si l’on voulait bien envisager ce cas de figure du coté européen, ce serait peut-être l’occasion de débloquer ces conflits gelés, de traiter des interventions hors d’Europe, d’ouvrir de nouvelles perspectives vers la nouvelle « Union d’Etat russe ».
Que Poutine reste au pouvoir, cela semble être un fait. Que Loukachenko s’y pérennise, aussi. Les sanctions ont eu des effets sur l’économie, pas sur leur emprise. Qui sait, d’ailleurs, si un successeur à l’un ou à l’autre serait une bonne nouvelle ?
Evidemment, il faudrait, pour une telle relance, que Poutine respecte ses engagements. Il a annoncé, dans sa proposition de réforme de la Constitution, d’inscrire la primauté de la Constitution russe sur les Traités. C’est une hiérarchie des normes qui conteste la primauté du droit international –mauvais signe– mais dans la suite logique de sa politique.
Les Biélorusses, des Européens.
Compte tenu des faiblesses de l’économie russe, de ses limites, des enjeux de pouvoir, du conflit sino-américain, l’Europe peut jouer un rôle en Russie, en Biélorussie, et dans la nouvelle cartographie des pouvoirs. Le moment d’investir sur des diplomates et des hommes d’affaires plutôt que sur des ventes d’armes ou des mercenaires. L’absorption de la Biélorussie par la Russie n’est pas une mince affaire. C’est notre frontière, et nos voisins. Faut-il la gêner ou l’accompagner ? Jouer l’un contre l’autre, l’un et l’autre, aucun des deux ? Est-ce seulement possible ? L’Union européenne a levé les sanctions contre Loukachenko en 2016.
Poutine a perdu l’Ukraine, la Serbie, la Géorgie. Peut-il perdre la Biélorussie, la gagner ? Le niveau de vie des Polonais ou des Roumains a dépassé celui des Russes. Le couronnement désiré de Poutine pourrait être l’occasion d’une nouvelle donne en Europe, sans illusion, mais dans l’intérêt des Européens, notamment russes et biélorusses. Dans tous les cas on ne peut ignorer ni geler la frontière ouest de l’Europe.
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