Donald Trump a confirmé son intention d’imposer aux produits d’origine européenne des droits de douane de 25 % en affirmant que l’Union européenne « a été conçue pour entuber les États-Unis ». Jean Monnet, un des pères fondateurs de l’Europe, doit se retourner dans sa tombe. Lui qui fut accusé, à l’époque, par certains en Europe d’être atlantiste et stipendié par les Américains pour avoir lancé, après la Seconde Guerre mondiale, le processus de construction européenne.
L’étranger – produits ou personnes immigrées – éternel bouc émissaire
Le recours à la thèse du complot est une vieille tradition pour justifier des politiques déraisonnables. L’étranger – produits ou personnes immigrées – est pointé du doigt comme source de tous les problèmes en jouant le rôle d’éternel bouc émissaire.
Le rapport qu’entretient une société avec l’étranger est un bon indicateur de mesure de sa confiance dans l’avenir. Dans l’histoire, les pays qui ont opté pour la fermeture de leurs frontières sur le plan tant commercial qu’humain ont bien souvent connu un irrémédiable déclin. Protectionnisme et déclin sont intimement liés en s’auto-alimentant. Certes, les États-Unis ont un problème de balance commerciale lié à un fort mouvement de désindustrialisation. Les grandes multinationales américaines ont pratiqué l’éclatement de leurs chaînes de production. Si la recherche et le marketing restent made in USA, la production est externalisée. Par ailleurs, pour des raisons fiscales, les bénéfices ont été souvent logés dans des pays tiers, en particulier, en Irlande. La nécessité d’un rééquilibrage des échanges commerciaux n’est pas en soi incompréhensible.
Éviter une spirale protectionniste
Le retour sur le devant de la scène du protectionnisme et la focalisation sur l’immigration nous ramènent aux années 1930. Pour éviter les coups de force et les spirales protectionnistes, les Alliés avaient décidé, après 1945, de privilégier le multilatéralisme. Le tout dans le cadre des Accords du Gatt. En 2025, il ne serait pas absurde qu’une discussion soit engagée sur le statut de la nation la plus favorisée dont bénéficie la Chine au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce. En raison du poids que ce pays a pris au niveau des échanges internationaux.
De même, une réflexion sur la nature des excédents commerciaux vis-à-vis des États-Unis ne serait pas inutile. Pour certains secteurs d’activités, l’Union européenne est plus protectionniste que les États-Unis, contrairement à ce que de nombreux Européens prétendent. Le recours à une négociation a été préconisée à juste titre par Christine Lagarde, la Présidente de la BCE. Il serait, en revanche, dangereux de s’engager dans une spirale protectionniste en répondant de manière manichéenne aux coups de force de Donald Trump.
L’étranger honni à l’intérieur redevient un espace de conquête à l’extérieur
Ces derniers jours, la rémanence des années 1930 ne se limite pas au commerce international avec le retour d’une certaine forme de néocolonialisme. Le temps de la prédation serait-il revenu ? La course aux terres rares en Ukraine ou en République Démocratique du Congo ressemble à celle du pétrole dans l’entre-deux-guerres. L’étranger honni à l’intérieur redevient un espace de conquête à l’extérieur. Donald Trump le prouve en évoquant la possibilité d’annexer le Groenland, le Panama voire le Canada. Le changement d’appréciation de « l’étranger » est un signe de fragilité des démocraties. De plus en plus de gouvernements optent pour des politiques illibérales voire autoritaires. Gouvernement et population devraient garder à l’esprit cette phrase de Friedrich Nietzche « celui qui lutte avec des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même ».
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