À la fin des années 2000, les voitures chinoises laissaient à désirer. Les constructeurs comme BYD n’espéraient pas exporter dans les pays occidentaux avant de nombreuses années. Depuis lors, l’industrie automobile mondiale a été remaniée. La société américaine Tesla est devenue la première capitalisation boursière du secteur. Laissant loin derrière les constructeurs traditionnels comme Ford, Toyota ou Stellantis. La Chine s’est imposée comme premier pays producteur d’automobiles en 2009 devançant le Japon. En 2023, elle a également dépassé ce dernier comme premier exportateur. Le nombre de voitures exportées depuis la Chine a atteint 4,7 millions l’an dernier, soit trois fois plus qu’il y a trois ans. Selon Citigroup, en 2030, les ventes à l’étranger atteindront 7,3 millions. BYD fabrique désormais plus de voitures électriques que Tesla. L’entreprise a pris des parts de marché importantes en Chine au détriment des marques occidentales.
Les constructeurs automobiles chinois comme BYD, Chery, Geely et SAIC aspirent désormais à détrôner Volkswagen et Toyota au sommet de l’industrie automobile mondiale. Les exportations de véhicules chinois au sein des pays occidentaux provoquent de vives réactions de la part de leurs gouvernements. Même si la majeure partie de ces véhicules – près des trois quarts l’an dernier – n’est pas destinée à l’Europe, ni aux États-Unis mais au reste du monde. Les constructeurs chinois exportent de plus en plus afin de compenser le manque de croissance du marché intérieur. En 2024, 23 millions de véhicules de tourisme ont été vendus l’année dernière en Chine, marché détenu désormais à plus de 60 % par les constructeurs automobiles nationaux. La création d’une industrie automobile locale a été rendue possible grâce à des subventions et à des aides fiscales. En la matière, l’industrie chinoise n’a pas l’exclusivité des mesures de soutien…
D’importantes surcapacités de production
Compte tenu de l’évolution de la demande intérieure et extérieure, le secteur automobile chinois souffre d’importantes surcapacités de production. La production des usines chinoises pourrait atteindre près de 45 millions de voitures par an. Soit environ la moitié de toutes les ventes mondiales de véhicules, mais elles ne fonctionnent qu’à 60 % de cette capacité.
L’offre excédentaire a conduit à une guerre des prix féroce. À la recherche de débouchés, les constructeurs automobiles chinois se sont tournés vers l’étranger. BYD, Geely et Great Wall ont déclaré que les marges étaient de cinq à dix points de pourcentage plus élevées sur les ventes à l’étranger. Les exportations de véhicules chinois risquent d’être de plus en plus bridées par la multiplication des sanctions commerciales.
En 2024, l’Union européenne a imposé des droits de douane sur les véhicules électriques fabriqués en Chine pour lutter contre des pratiques de dumping. La part des marques chinoises dans les ventes de véhicules électriques en Europe était passée d’environ 4 % en 2021 à 10 % en 2024. Les droits de douane de 100 % imposés pendant la présidence de Joe Biden interdisent dans les faits aux véhicules électriques chinois d’entrer aux États-Unis. Aussi, une taxe supplémentaire de 10 % sur les produits chinois récemment imposée par Donald Trump n’aura pas beaucoup d’incidences pour les exportations de véhicules.
Evincer les constructeurs occidentaux
Parmi les pays résistants aux exportations chinoises figurent le Japon, la Corée du Sud et l’Inde. Cela s’explique par la loyauté des consommateurs aux marques nationales et aux relations diplomatiques parfois difficiles avec l’Empire du Milieu. En 2024, les constructeurs chinois ont réussi à vendre 20 millions de véhicules. Le tout en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient, en Amérique latine ou en Afrique. Les constructeurs automobiles chinois progressent à toute allure ailleurs. Ils détiennent désormais 8 % du marché au Moyen-Orient et en Afrique, 6 % en Amérique du Sud et 4 % en Asie du Sud-Est. La demande au sein des pays de ces différentes zones économiques est en forte croissance.
En quelques années, la Chine a réussi à évincer les constructeurs occidentaux. Les constructeurs chinois ont fait preuve d’opportunisme. Après l’épidémie de covid, en pleine période de pénurie de microprocesseurs, les constructeurs automobiles occidentaux se sont concentrés sur les véhicules les plus chers et les plus rentables et sur leurs marchés intérieurs. Permettant à ceux de Chine de conquérir des parts de marché dans les pays en développement.
La Chine s’impose de plus en plus comme le producteur de véhicules électriques de référence.
Les sanctions contre la Russie ont également favorisé la montée en puissance de l’industrie automobile chinoise. Le plus grand importateur de voitures chinoises est désormais la Russie. La part des marques chinoises dans ce pays est passée de 9 % en 2021 à 61 % en 2023, selon Rhodium Group, un cabinet de conseil. Cette progression spectaculaire a été mal perçue par les autorités russes, le pays disposant de sa propre industrie automobile. En 2024, le gouvernement russe a introduit une « taxe de recyclage » importante sur les voitures importées, en substance un tarif douanier.
La Chine s’impose de plus en plus comme le producteur de véhicules électriques de référence. En Amérique latine, les voitures électriques représentent désormais 6 % des ventes totales, après avoir doublé en 2024, selon le cabinet d’études Bloomberg. Au Brésil, sixième marché automobile mondial, elles représentent près de 7 %, neuf véhicules électriques sur dix provenant de marques chinoises. Au Mexique, ils atteignent 8 % et en Thaïlande environ 15 %. Le poids des véhicules électriques dans les ventes aux États-Unis est de 8 %. Cette hausse devrait se poursuivre.
Les constructeurs automobiles chinois veulent construire des usines à l’étranger.
Les véhicules électriques pourraient atteindre plus des trois quarts des exportations de voitures chinoises en 2030, contre environ un quart en 2023.
Les constructeurs automobiles chinois ne se contenteront pas d’exporter depuis leur pays. Ils veulent s’implanter en construisant des usines à l’étranger pour contourner les droits de douane qui augmentent en Occident et éviter les frais d’expédition. L’entreprise BYD fabrique des véhicules en Thaïlande et en Ouzbékistan. Elle a des projets d’implantation au Brésil, en Hongrie, en Indonésie, en Turquie, aux États-Unis et peut-être au Mexique. D’autres, comme Chery, Changan, Great Wall et SAIC, ont déjà des usines à l’étranger en activité ou en construction.
Les entreprises chinoises devraient fabriquer 2,5 millions de voitures à l’étranger d’ici 2030. Dont environ la moitié en Europe et le reste dans les pays en développement. Certains projets d’usines à l’étranger pourraient ne pas se concrétiser. Certains suggèrent que le gouvernement chinois obligera les entreprises à ralentir les investissements étrangers pour maintenir les installations nationales occupées et pour protéger la technologie chinoise des regards indiscrets.
Les constructeurs automobiles chinois se transforment en entreprises mondiales prenant des parts de marchés aux acteurs en place dans des endroits qu’ils considéraient jusqu’à maintenant comme acquis. Les entreprises japonaises ou sud-coréennes sont fortement concurrencées en Asie et au Moyen-Orient. Les constructeurs automobiles comme VW, General Motors ou Stellantis le sont en Amérique du Sud.
Dans cette nouvelle ère, marquée par l’électrification et la transition technologique, la bataille ne fait que commencer.
Les marchés nationaux des grands constructeurs occidentaux sont également attaqués. En Allemagne, des plans de licenciements ont été engagés de la part des constructeurs nationaux ce qui est sans précédent. Longtemps, le marché du haut de gamme était l’apanage des marques allemandes. Or, elles sont challengées par celles des grands constructeurs chinois. Ces deniers proposent désormais des modèles avec des carrosseries élégantes. Mais aussi des motorisations puissantes et des équipements sophistiqués à des prix compétitifs.
L’essor des constructeurs automobiles chinois redéfinit les équilibres de l’industrie mondiale. Soutenus par une politique industrielle volontariste et un marché intérieur en mutation, ces acteurs sont passés du statut de challengers à celui de leaders. Bousculant les positions acquises des constructeurs occidentaux et asiatiques. Face à la montée en puissance de marques comme BYD, Chery ou Geely, les réponses des États-Unis et de l’Union européenne oscillent entre protectionnisme et quête d’une compétitivité renouvelée.
Cependant, au-delà des barrières douanières et des tensions géopolitiques, c’est bien l’évolution des préférences des consommateurs et la capacité d’innovation des entreprises qui façonneront le paysage automobile de demain.
Après avoir imposé ses standards en matière de véhicules électriques, la Chine cherche désormais à s’ancrer localement dans les grandes économies mondiales. L’Europe et l’Amérique du Nord pourront-elles opposer une riposte industrielle efficace ou assisteront-elles à une redéfinition du leadership automobile ? Dans cette nouvelle ère, marquée par l’électrification et la transition technologique, la bataille ne fait que commencer.
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