Les transports aériens en pleine tourmente

Les transports aériens en pleine tourmente

L’année dernière, avec la pandémie, le nombre de passagers aériens a diminué de 66 % passant de plus d’un milliard à moins de 400 millions. La baisse a été huit fois plus rapide que pendant les douze mois qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001. Près des trois cinquièmes des voyageurs internationaux utilisent l’avion. La disparition des passagers a conduit à la fermeture de nombreux terminaux d’aéroports voire d’aéroports entiers comme Orly entre avril et juin ainsi qu’à l’hivernage de plus de 30 % de la flotte d’avions en 2020.

Moins 75 % à l’international 

Selon l’IATA, le nombre de passagers a chuté de 75 % à l’international et d’un peu moins de 50 % sur les vols domestiques. La baisse atteint 72 % au Moyen-Orient. Le nombre de passagers a baissé de 70 % en Europe, de 69 % en Afrique et de 65 % en Amérique du Nord. La diminution est de 62 % en Asie et en Amérique Latine. 

Aéroports de Paris (qui gère les aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et Orly) a annoncé avoir accueilli 33,1 millions de passagers sur 2020, soit une baisse par rapport à l’année précédente de 69 % (-71 % pour l’international, -72 % pour l’Europe et -58 % pour les vols domestiques en France). La réouverture complète de ces deux aéroports n’est pas programmée avant de longs mois. ADP a annoncé mi-février qu’il fermait à nouveau le Terminal 4 d’Orly. 

Depuis 1988, le nombre total de passagers-kilomètres payants (rpks) doublait tous les 15 ans avec une accélération au cours des dix dernières années. La croissance du trafic aérien était de 6,5% par an avant crise. Les experts de Boeing et d’Airbus espèrent que le taux de croissance après 2023 reviendra autour de 5%. 

Dans plusieurs pays, les vols intérieurs ont en grande partie retrouvé leur niveau d’avant crise. Il en est ainsi en Chine ou en Russie, pays qui en raison de leur superficie et de la faiblesse des réseaux routiers et ferroviaires recourent aux transports aériens de manière importante. 

Au sein des pays occidentaux, le trafic aérien est en baisse, au début de l’année 2021, de 60 à 80 %. En 2021, le nombre de passagers aériens devrait être inférieur à 1,8 milliard contre 4,5 milliards en 2019. Les revenus des compagnies aériennes sont passés en un an de près de 900 milliards de dollars à 349 milliards de dollars. En moyenne, les bénéfices pour les entreprises de ce secteur avoisinaient 50 milliards d’euros. En 2020, les pertes ont atteint 118 de dollars. Pour 2021, elles s’élèveront à au moins 40 milliards de dollars.

Des pertes de 6 à 8 milliards par mois. 

Malgré les mesures de soutien, la mise en chômage partiel, la réduction des charges, les grandes compagnies aériennes perdent entre 6 à 8 milliards de dollars par mois. En l’état actuel, la grande majorité d’entre elles ne pourra pas survivre au-delà du premier semestre 2021. Les compagnies aériennes qui gèrent des réseaux de longs courriers sont plus exposées à la crise que les autres. De même, celles dont les résultats dépendaient du tourisme d’affaires seront pénalisées. Avec le développement des visioconférences, il est probable que cette clientèle se fasse plus rare dans l’avenir d’autant plus que les entreprises essaieront de restreindre leurs frais. 

Air France réalisait une grande partie de ses bénéfices essentiellement avec ses vols vers les États-Unis ou la Chine et avec sa clientèle affaires. Après l’annonce de la perte de 7,1 milliards d’euros en 2020, la question de la recapitalisation d’Air France KLM est ainsi posée. Son règlement supposera un accord entre La Haye, Paris et Bruxelles. La Commission européenne pourrait demander de nouvelles fermetures de lignes et une réduction des effectifs, ce qui sera difficile à accepter par les deux gouvernements intéressés qui, en outre, doivent gérer de prochaines échéances électorales. Cette recapitalisation fait suite à une aide de 7 milliards d’euros dont 3 sous forme d’un prêt. La Commission avait exigé pour la recapitalisation de Lufthansa qu’elle redonne des slots dans les aéroports de Francfort et de Berlin.

Des low-costs à l’affût 

De leur côté, les compagnies aériennes américaines ont obtenu près de 25 milliards de dollars d’aides de l’État fédéral. Les low-costs spécialisés sur les courts et moyens courriers pourraient profiter plus rapidement du rebond de l’activité touristique. Néanmoins, cela n’a pas empêché certains low-costs de déposer le bilan comme la Norwegian Air Shuttle. Certaines compagnies comme Ryanair en Europe espèrent récupérer des slots abandonnés par les compagnies traditionnelles dans les grands aéroports comme Roissy, Orly, Heathrow ou Amsterdam-Schiphol. Ryanair a confirmé une commande de 75 Boeing 737max supplémentaires en décembre dernier, portant son total à 210 afin de disposer d’une flotte moderne et économique au moment du redémarrage de l’activité. La compagnie a certainement obtenu une importante remise de la part de Boeing qui tente de convaincre de la sûreté de son modèle moyen-courrier. 

Wizz Air, qui s’est spécialisée sur les jeunes voyageurs et sur les Européens de l’Est qui se rendent à l’Ouest pour travailler et reviennent rendre visite à leur famille, entend développer son réseau dans les prochains mois. Air Asia, basé en Malaisie, devrait connaître une forte croissance en 2021 avec le redémarrage rapide de l’activité en Asie Pacifique. 

Avec la réduction du nombre de vols, les prétentions salariales des pilotes sont à la baisse, ce qui devrait à terme améliorer la rentabilité des compagnies. De même, les aéroports qui depuis plusieurs années tarifaient de plus en plus chers leurs services seront contraints de revoir à la baisse leur grille tarifaire.

Changement de modèle 

Plusieurs compagnies parient sur un changement de modèle pour les longs courriers. La crise sanitaire a eu raison des Airbus A380 qui n’étaient pas rentables. Elle a entraîné également la mise à la retraite anticipée des Boeing 747. Le 777X en cours d’achèvement qui est une version agrandie du 777 est menacé. L’avenir pourrait être au monocouloir à long rayon d’action. L’A321xlr d’Airbus, capable de traverser l’Atlantique, est bien moins coûteux à exploiter que les bi-couloirs. Il ne nécessite pas d’infrastructures particulières et peut être utilisés sur de nombreuses lignes.

Le secteur des transports aériens évolue en permanence. Les compagnies historiques des années 1960 et 1970, comme Pan Am, TWA ou Eastern Airlines ont disparu aux États-Unis dans les années 1990/2000 avec la dérégulation du ciel. L’époque des grands Hubs censés concentrer les vols longs courriers était en voie d’achèvement avant même la crise sanitaire. Les passagers plébiscitent les vols directs en passant par des aéroports à taille humaine. Ce souhait est certainement encore plus marqué avec l’épidémie de covid-19. La pression des opinions contre les transports aériens accusés d’être responsables d’émissions importantes de gaz à effet de serre et d’être bruyants devrait peser sur leur rebond et imposera une mutation technique. Le recours à l’hydrogène est une piste aujourd’hui étudiée par les deux grands constructeurs.

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