les projets européens de défense en temps de COVID-19

les projets européens de défense en temps de COVID-19

Au cours du deuxième semestre de 2020, l’UE devra s’accorder sur un train de mesures à prendre en matière de défense. En outre, le bloc tentera, une nouvelle fois, de répondre aux questions de sécurité sur la scène internationale.

La défense et l’espace sont mis à mal

Là où certains voient le verre à moitié plein, d’autres le voient à moitié vide : alors que le nouvel accord sur le budget de l’UE prévoit des améliorations dans les mesures de défense et de sécurité présentées par la Commission européenne, celles-ci sont loin de répondre aux premières ambitions.

La défense et l’espace sont les deux grands perdants de ces négociations. En effet, le Fonds européen de la défense (FEDEF) a vu son financement diminuer de 13 milliards d’euros à 7 milliards d’euros, soit une chute de 40 % ; et le budget alloué à l’espace est tombé à 13,3 milliards pour la période 2021-2027.

Les représentants de l’UE sont d’accord sur le fait que le FEDEF, initialement prévu pour financer la mise en œuvre de projets de coopération en matière de défense, n’est pas suffisant pour mener à bien l’innovation technologique. À titre de comparaison, le budget annuel de l’Agence pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA), aux États-Unis d’Amérique, s’élève à 3,5 milliards de dollars à lui seul, ce qui ne représente qu’une petite partie des dépenses totales du secteur militaire américain de recherche et développement.

« Si nous souhaitons que le secteur européen en la matière soit un jour autonome, cet accord est une mascarade », a déclaré une source européenne proche du dossier.

Parallèlement, 8 milliards d’euros seront alloués au budget spatial afin de moderniser Galileo, le système européen de navigation par satellite, et 4,8 milliards d’euros seront versés à Copernicus, le programme de l’UE pour l’observation et la surveillance de la Terre. La marche de manœuvre est donc relativement réduite pour financer de nouveaux projets, comme la mise en orbite basse d’une constellation de satellites européens.

Appuyée par le commissaire européen français Thierry Breton, cette initiative devait permettre à l’Europe d’envoyer une myriade de satellites dans l’espace d’ici à 2027 — des satellites fonctionnant grâce à la technologie quantique, capables de fournir une connexion à large bande à travers l’UE et d’offrir des moyens de communication sécurisés, notamment aux services d’urgence et de police des États membres.

Toutefois, rien n’est encore joué. En effet, les députés européens doivent encore s’entendre sur leur position dans les négociations et un vote final en séance plénière devrait avoir lieu au Parlement européen à la fin du mois d’octobre.

Les projets européens de défense

Outre le budget de l’UE, les projets européens de défense devraient bientôt entrer dans une phase décisive en ce qui concerne leur évaluation.

« L’absence de progrès est criante dans de nombreux projets, mais le développement des capacités est chronophage, notamment lorsque les initiatives sont lancées par plusieurs acteurs en collaboration — ce que de nombreux politiques ne comprennent souvent pas, étant donné qu’ils sont sommés de fournir des résultats dans les plus brefs délais », s’est plainte une source européenne du secteur.

Le premier examen annuel coordonné en matière de défense (EACD) sera présenté aux ministres de la Défense et à l’Agence européenne de défense (AED) en novembre. Il offrira un aperçu de la position européenne sur le plan de la défense et indiquera les prochaines étapes à suivre à ce propos.

Dans un même temps, la coopération structurée permanente (CSP) doit évaluer les forces et faiblesses des 47 projets qu’elle englobe jusqu’à présent et analyser si ses objectifs ont été atteints.

Puis, la COVID-19 a fait son entrée en scène.

Les actions lancées pour répondre au coronavirus ont occupé tous les secteurs politiques. À cet effet, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a été chargé de soutenir la coordination des forces nationales armées dans la lutte contre le virus. Jusqu’à présent, les résultats sont peu visibles. De son côté, l’OTAN semble avoir pris plus de mesures pratiques.

Même si les deux rapports évalueront les priorités stratégiques de l’UE, il semblerait que des réunions bilatérales entre les États membres aient eu lieu avant la pandémie, autrement dit les informations fournies précèdent la crise sanitaire.

« Bien que l’analyse actuelle ne reflète pas les futures décisions qui seront prises par les États membres, les capitales européennes devraient essayer d’inclure de nouveaux sujets, mais elles ne souhaitent pas trop s’avancer à cet égard », a indiqué une source européenne.

« Aussi perturbatrices que soient les répercussions économiques et financières liées à la COVID-19, la pandémie n’occultera pas la nécessité pour les États membres de renforcer tout le spectre des capacités de défense de l’Europe, et ce, en collaborant », a écrit Jiří Šedivý, le nouveau directeur général de l’Agence européenne de défense (AED), à la mi-juillet, en soulignant l’opportunité que représentait la crise. « Cette crise accroît le caractère urgent et indispensable du développement de capacités en matière de coopération ».

Toutefois, à la question de savoir si les priorités avaient changé en raison de la menace que représente la pandémie pour les projets militaires de l’UE, les représentants européens auraient répondu que « différents évènements façonnent certes la politique, mais il est dangereux de changer les priorités dans chaque crise ».

La seule évolution certaine sera la nécessité accrue d’élaborer une réponse adéquate aux menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, car la lutte mondiale contre la pandémie a mis en évidence la vulnérabilité de la société aux menaces biologiques naturelles et anthropiques, ce qui a incité les experts à mettre en garde la population contre une augmentation potentielle de l’utilisation d’armes biologiques, comme les virus ou les bactéries, dans un monde post-coronavirus.

Dans le même temps, les responsables américains font pression depuis des mois en faveur d’une politique d’inclusion offrant aux pays tiers le plus grand accès possible à la CSP et au FEDEF, couvrant les entreprises de défense, qui outre les États-Unis d’Amérique, comprendrait également la Grande-Bretagne post-Brexit.

La ministre allemande de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer avait laissé entendre qu’elle « essaierait de mettre en œuvre la proposition afin que nous puissions faire participer des pays tiers aux projets de la CSP », et ce, pendant la présidence allemande au Conseil de l’UE.

Cependant, les dirigeants européens ont jusqu’à présent déclaré qu’ils voulaient se concentrer sur le renforcement de la coopération intraeuropéenne – et soutenir les secteurs fragmentés de défense au sein de l’UE – avant de s’ouvrir à une concurrence plus large. Un souhait se traduisant directement par la crainte d’empêcher les pays tiers de recevoir des fonds européens de défense déjà très rares destinés uniquement aux États membres.

« La question ouverte des règles de participation des tiers doit être résolue le plus rapidement possible », ont écrit les quatre ministres de la Défense de France, d’Allemagne, d’Espagne et d’Italie au haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité l’UE, Josep Borrell, fin mai, en faisant allusion à une proposition visant à limiter l’accessibilité des fonds pour les pays tiers.

L’analyse européenne des menaces

L’un des principaux objectifs de la présidence allemande de l’UE sera de discuter de la nouvelle « boussole stratégique commune », un outil destiné à guider la mise en œuvre de la stratégie globale de l’UE en matière de défense et de sécurité, et à mener à une analyse commune des menaces dans l’ensemble du navire européen. Son approbation est attendue pour 2022.

Les ministres européens des Affaires étrangères ont officiellement lancé le programme de travail de ce nouveau projet en juin dans le but d’harmoniser les perceptions de la menace et les visions stratégiques encore divergentes parmi les États membres, et par la sorte, consolider les efforts en vue de la création d’une Union européenne de la défense.

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