Près de quinze ans après l’entrée en vigueur des traités actuels de l’UE, de nouvelles preuves de la nécessité d’une actualisation et d’une adaptation de ceux-ci apparaissent chaque jour, écrit Guy Verhofstadt.
Guy Verhofstadt est un eurodéputé belge du groupe Renew Europe, co-président du conseil exécutif de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (CoFoE) et rapporteur sur les propositions de réforme des traités européens. Nous partageons avec vous, au lendemain de la journée de l’Europe, une tribune publiée sur le site de notre partenaire Euractiv, le site des acteurs de l’Union européenne.
Que voudraient les pères fondateurs de l’Union européenne pour l’Europe de 2023 ? – Tribune de Guy Verhofstadt
Il est presque certain qu’ils auraient averti de la précarité du statu quo. Il est vrai que les réalisations de notre Union jusqu’à présent sont considérables : prospérité, paix dans l’UE et coopération inégalée. La Journée de l’Europe [qui a lieu le 9 mai, NDLR] est l’occasion d’y réfléchir et de les célébrer.
Néanmoins, nous constatons et ressentons que si le soutien au projet européen est élevé, il se révèle également fragile.
La complaisance, les inégalités, les changements technologiques, la montée des autocrates, des eurosceptiques et de certains dirigeants ainsi que l’érosion des institutions démocratiques représentent une menace profonde pour nos démocraties et le projet européen.
À l’occasion de la Journée de l’Europe, nous devons nous demander en toute honnêteté si cette Europe est en mesure de relever les défis auxquels nous sommes confrontés et de répondre aux attentes de nos concitoyens. La réponse est claire : les pro-européens doivent promouvoir une vision radicale d’une Europe unie et fondée sur des valeurs réaffirmées. Et se battre pour y parvenir.
Conférence sur l’avenir de l’Europe
Les résultats de la Conférence sur l’avenir de l’Europe nous montrent la voie. La première assemblée citoyenne à l’échelle européenne a présenté des recommandations pour une véritable reconstruction du projet européen, de sorte que les institutions de l’UE soient adaptées aux réalités actuelles. Les citoyens ont établi une feuille de route pour un avenir meilleur pour l’Europe ; il ne nous reste plus qu’à la suivre.
Les sondages montrent que les citoyens croient encore au rêve européen. Ils comprennent que dans un monde incertain, les Européens sont plus forts ensemble. Cependant, nous constatons que, trop souvent, nos institutions désuètes font preuve de fragilité et sont incapables d’agir rapidement et avec détermination.
Dans un monde où l’ordre international, tel que nous l’avons connu depuis la Seconde Guerre mondiale, se fragmente, les dirigeants européens ont besoin d’une politique étrangère commune et propre à l’UE.
Comme conclu lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, cette politique est incompatible avec un Conseil européen dont les décisions doivent être prises à l’unanimité de ses Vingt-Sept États membres. La prise de décision à l’unanimité doit être supprimée une bonne fois pour toutes. Les propositions allemandes visant à recourir au vote à la majorité qualifiée (VMQ) ne suffisent pas.
En outre, l’évolution de la situation en Ukraine montre la nécessité d’une véritable union de défense et d’une capacité militaire européenne. Les fondateurs de notre Union l’avaient compris. Quelque 73 années plus tard, nous devons faire nôtres leurs convictions et nous défaire de notre naïveté.
Donald Trump sera certainement le candidat républicain à la présidence américaine l’année prochaine. La perspective d’un deuxième mandat pour M. Trump doit être prise au sérieux. [Dans ce contexte], nous devons préparer une Europe souveraine et capable de défendre ses intérêts.
Autonomie et indépendance des USA
L’Union européenne prospère, affirmée et forte que nos ancêtres envisageaient et que nos citoyens réclament aujourd’hui ne peut se construire sur des dépendances à l’égard de pays tiers.
Par ailleurs, les fondateurs de l’UE n’ont pas pu imaginer un monde dans lequel les États membres chercheraient activement à miner notre Union de l’intérieur.
Le recul démocratique, qui est une réalité, est intolérable. L’Union doit avoir le courage et la capacité de s’opposer aux comportements autoritaires et de défendre la démocratie, sur son territoire comme à l’étranger. Si nous ne formons pas un espace de liberté et de démocratie dans le monde, nous ne sommes rien.
Les pro-européens ne réussiront que s’ils plaident pour une Europe plus proche de ses citoyens. Cette approche nécessite la création d’un véritable demos européen. Renew Europe veut des partis politiques européens qui ont leur mot à dire et qui constituent la pierre angulaire d’une véritable sphère politique et publique européenne.
Des listes transnationales ?
Les élections européennes doivent devenir un véritable scrutin européen à part entière ; elles ne doivent pas se limiter à 27 campagnes nationales où, trop souvent, les luttes nationales l’emportent sur le débat européen.
Des listes transnationales permettraient d’éviter ce phénomène néfaste pour l’UE et de renforcer le sentiment d’appartenance. L’introduction du droit d’initiative législative pour le Parlement européen constitue également un élément essentiel. Ce droit renforcerait la voix des citoyens.
Un vieil adage veut que les épreuves traversées par l’UE sont autant de leçons qui lui permettent de progresser. Le fonds pour la reprise et la résilience ainsi que l’achat conjoint de vaccins et d’armes pour l’Ukraine ont montré que l’Europe peut réagir en cas de besoin. Cependant, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers.
Près de quinze années se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de nos traités actuels. Presque chaque jour, de nouvelles preuves de la nécessité d’une actualisation et d’une adaptation de nos textes directeurs apparaissent.
Les pro-européens doivent être honnêtes et engagés : notre souveraineté est handicapée par nos propres règles obsolètes. Le temps d’une Convention pour modifier nos traités européens est venu, car défendre le statu quo ne fonctionnera plus.
« L’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » — ces mots, prononcés par Robert Schuman il y a 73 ans, résonnent fortement en nous, aujourd’hui plus que jamais.
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