Les points clés de la réforme du marché européen de l’électricité

Les points clés de la réforme du marché européen de l’électricité

La Commission européenne a publié sa proposition de réforme du marché de l’électricité de l’UE ce mardi (14 mars). Cette dernière se concentre sur les moyens de faire face à la volatilité des prix du gaz en offrant davantage de protection aux consommateurs, en stimulant le développement des énergies renouvelables et en soutenant les mesures agissant sur la demande.

« Pendant plus de vingt ans, le marché de l’électricité a bien servi les entreprises et les consommateurs européens, leur permettant de profiter des avantages d’un marché unique », a déclaré la commissaire européenne à l’Énergie Kadri Simson, lors de l’annonce de la proposition.

« Toutefois, la crise énergétique provoquée par l’invasion russe en Ukraine a mis en lumière un certain nombre de faiblesses dans le système actuel, qui doivent être éliminées », a-t-elle expliqué aux journalistes.

La réforme proposée vise donc plusieurs objectifs. Premièrement, accélérer le déploiement des énergies renouvelables, qui doivent tripler d’ici à 2030 si l’UE veut atteindre ses objectifs climatiques.

Deuxièmement, réduire l’impact de la volatilité des prix des combustibles fossiles sur les factures d’électricité. Troisièmement, protéger les consommateurs contre les futures hausses de prix.

La proposition ne modifiera toutefois pas les fondements du marché européen, qui restera ancré dans le système actuel de tarification marginale, où les énergies renouvelables bon marché et l’énergie nucléaire sont les premières à être utilisées pour répondre à la demande des consommateurs, a indiqué Mme Simson.

« Le modèle des marchés à court terme reste le plus efficace lorsqu’il s’agit de s’assurer que les technologies les moins chères et les plus propres sont utilisées en premier », explique la commissaire.

« Le modèle actuel garantit également qu’il y aura des échanges entre les États membres dans les moments de pénurie », a-t-elle poursuivi.

Accueil favorable de l’industrie des renouvelables

Cette décision a été accueillie favorablement par l’industrie des énergies renouvelables, qui avait mis en garde contre une réforme radicale du marché.

« Nous sommes heureux de voir que la proposition d’aujourd’hui s’appuie sur les fondations bien établies des marchés européens de l’électricité, sans bouleverser les principes fondamentaux du marché », a déclaré Naomi Chevillard, responsable des affaires réglementaires chez SolarPower Europe.

Giles Dickson, directeur général de WindEurope estime pour sa part que le « problème » du marché européen de l’électricité ces deux dernières années n’a pas été la conception du marché, mais plutôt « le prix élevé du gaz », un phénomène encore aggravé par la guerre en Ukraine.

Donner des moyens d’action aux consommateurs

La proposition comprend des mesures permettant aux citoyens de l’UE de participer plus activement au marché de l’énergie, en leur donnant un plus large choix de contrats et des informations plus claires.

Selon un fonctionnaire de la Commission, les fournisseurs seront également tenus d’informer les ménages sur les « avantages et les risques liés aux différents types de contrats », ce qui constitue un élément « très important » pour la protection des consommateurs.

En outre, les consommateurs pourront, s’ils le souhaitent, combiner des prix fixes et flexibles pour l’électricité auprès de plusieurs fournisseurs.

« À l’avenir, un consommateur pourra avoir un contrat fixe et un contrat flexible en même temps — avec un fournisseur ou même deux fournisseurs différents », a expliqué un haut fonctionnaire de l’exécutif européen.

Ainsi, les ménages peuvent opter pour un contrat à prix fixe pour leur consommation ordinaire (éclairage, télévision, internet, etc.) et choisir un contrat flexible ou dynamique pour leur pompe à chaleur ou leur véhicule électrique afin de bénéficier des prix plus bas de l’électricité de nuit, ont-ils ajouté.

Meilleur partage de la production autonome

Les règles relatives au partage des énergies renouvelables ont également été révisées. Les consommateurs peuvent à présent investir dans des parcs éoliens ou solaires et vendre l’excédent d’électricité produit à leurs voisins, et pas seulement à leur fournisseur, une mesure qualifiée d’« historique » par l’industrie.

« Les nouvelles propositions mettent littéralement le pouvoir entre les mains des citoyens. Pour la toute première fois, nous disposerons d’un cadre juridique pour le partage de l’électricité, qui viendra compléter le cadre sur les communautés énergétiques », a déclaré Mme Chevillard.

Parallèlement, la réforme renforce la protection des petits consommateurs.

Par exemple, les États membres de l’UE pourront intervenir en période de crise et fixer les prix de détail pour les ménages et les petites entreprises, à condition que la limite soit inférieure à leur consommation moyenne afin d’encourager la réduction de la demande.

Les consommateurs bénéficieront également d’une meilleure protection en cas de faillite des fournisseurs d’énergie, les États membres étant tenus de désigner un fournisseur de dernier recours et d’éviter que les consommateurs vulnérables ne soient simplement déconnectés.

Réduction de la demande et écrêtement des pointes

Un autre aspect clé de la réforme proposée est une plus grande adaptabilité du marché aux variations de l’offre et de la demande, ce qui permettra de remplacer les centrales au gaz et au charbon coûteuses lors des pics de demande.

« La Commission prévoit de s’attaquer aux prix élevés de la production d’électricité à partir de gaz de la meilleure manière qui soit : en réduisant son importance », a déclaré Vilislava Ivanova, responsable de la recherche sur les systèmes énergétiques propres au sein du groupe de réflexion sur le climat E3G.

L’un des moyens d’y parvenir est de permettre aux opérateurs de réseaux électriques d’utiliser des produits sur le marché permettant l’écrêtement des pointes pour encourager les économies d’énergie lorsque la demande est la plus forte, afin de maintenir des prix bas.

« Le produit d’écrêtement des pointes a le potentiel de stimuler la flexibilité des utilisateurs finaux », a commenté Michael Villa, directeur exécutif de Smart Energy Europe, une association industrielle.

Les États membres devront également définir des objectifs nationaux concernant la réponse à la demande et le stockage dans leurs plans nationaux actualisés sur l’énergie et le climat, une mesure saluée par M. Villa comme « un grand pas en avant pour quantifier, suivre et stimuler l’activation de la demande flexible ».

Cependant, même si les objectifs de flexibilité sont bien accueillis, ils ne sont pas suffisants, selon Mme Ivanova.

« Davantage d’actions seront nécessaires, en particulier de la part des opérateurs de réseaux, pour s’assurer que l’UE tire profit des technologies numériques du 21e siècle et encourage l’innovation axée sur le consommateur », a-t-elle commenté.

Contrats à long terme

La réforme présentée par la Commission vise également à réduire l’exposition des consommateurs industriels d’électricité à la volatilité des prix grâce à des mesures de soutien aux contrats à long terme pour l’offre et la demande d’électricité.

« La prédominance du marché à court terme a amplifié les effets de la hausse du prix du gaz et a été la source de divers problèmes pendant la crise », a expliqué Mme Simson.

La commissaire a également ajouté que les bénéfices de l’énergie renouvelable bon marché n’ont pas été suffisamment répercutés sur les consommateurs industriels.

Les contrats à long terme comprennent des contrats d’achat d’électricité (power purchase agreements, PPA) qui garantissent un prix de l’électricité stable pour les consommateurs et des revenus assurés pour les producteurs. Les États membres devront éliminer les obstacles à la conclusion de contrats d’achat d’électricité assortis de garanties fondées sur le marché et s’attaquant au risque.

Contrat pour différence

Par ailleurs, toute aide publique en faveur de nouvelles capacités renouvelables ou nucléaires devra désormais passer par un contrat d’écart compensatoire (Contract for Difference, CfD), qui garantira des revenus aux producteurs d’énergie tout en protégeant les consommateurs des fluctuations excessives des prix.

En d’autres termes, lorsque le prix du marché est bas, les producteurs se verront garantir des revenus et, lorsque le prix du marché augmente, les bénéfices excédentaires seront redistribués aux consommateurs.

« Nous ne proposons pas de contrats d’écart compensatoire pour n’importe quel investissement, mais pour les investissements pour lesquels un soutien public est jugé nécessaire », a expliqué un haut fonctionnaire de la Commission européenne, précisant que cela s’appliquerait également aux projets de renouvellement de l’électricité ou à la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires.

Eurelectric, l’association européenne de l’industrie de l’électricité, a salué cette décision.

« Les instruments à long terme sont l’élément clé de cette réforme, car ils offrent des avantages à la fois aux clients et aux investisseurs », a déclaré Kristian Ruby, secrétaire général d’Eurelectric.

« L’accès à des offres à prix fixe permet aux clients de limiter leur exposition à la volatilité extrême des prix. Dans le même temps, les signaux à long terme donneront aux investisseurs une meilleure visibilité sur leurs flux de trésorerie », a-t-il ajouté.

Il est important de noter que la proposition n’impose pas de contrats d’achat d’électricité ou de CfD, mais laisse les pays décider de la solution à adopter en fonction de leur situation nationale. Il s’agit d’une approche moins radicale que les CfD obligatoires proposés par certains États membres de l’UE, qui ont suscité des remous dans le secteur des énergies renouvelables.

« Nous sommes particulièrement reconnaissants d’avoir évité que les CfD soient la seule voie d’accès au marché pour les nouveaux projets solaires, ou que les CfD soient rétroactifs pour les projets solaires existants. Les investisseurs peuvent être sûrs que les conditions de leurs investissements ne changeront pas soudainement », a déclaré Mme Chevillard.

Bruxelles vise une adoption rapide de la réforme

Le Parlement européen et les États membres de l’UE vont maintenant examiner la proposition avec comme objectif de parvenir à un accord à l’automne.

« Nous espérons que les co-législateurs parviendront rapidement à un accord, idéalement avant l’hiver prochain », et ce afin que les mesures soient déjà en place pour la prochaine saison de chauffage, a déclaré le fonctionnaire de la Commission.

Les États membres devraient être en désaccord sur ce point, Paris faisant pression pour une révision rapide et Berlin préférant retarder celle-ci jusqu’après les élections européennes qui auront lieu au printemps 2024.

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