Les pays en développement, victimes de la guerre commerciale.

Les pays en développement, victimes de la guerre commerciale.

Les pays émergents et en développement sont les premières victimes de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump. La Banque mondiale vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour 70 pays. À l’échelle mondiale, la croissance devrait ralentir à 2,3 % en 2025, soit près d’un demi-point de pourcentage en-dessous des anticipations formulées en début d’année. Il s’agit du taux le plus faible enregistré depuis dix-sept ans, hors période de pandémie. Sur la période 2020-2027, la progression du produit intérieur brut (PIB) mondial ne dépasserait pas, en moyenne, 2,5 %, soit le rythme le plus lent de toutes les décennies depuis les années 1960. Pour les seuls pays émergents et en développement, la croissance du PIB s’établirait à 3,8 % en 2025, contre 4,2 % en 2024.

Le ralentissement est constant depuis une trentaine d’années : alors qu’elle avoisinait encore 6 % dans les années 2000, la croissance moyenne de ces pays est retombée à 3,7 % dans les années 2020. Cette dynamique affaiblie s’explique en grande partie par le ralentissement du commerce international. Le volume des échanges qui progressait en moyenne de 5,1 % par an dans les années 2000, n’augmente plus que de 2,6 % dans la décennie actuelle. « Hors Asie, le monde en développement risque de connaître une période douloureuse de stagnation économique », alerte Indermit Gill, chef économiste de la Banque mondiale.

Le commerce international a permis de sortir plus d’un milliard de personnes de l’extrême pauvreté.

Or, au cours des cinquante dernières années, le commerce international a été un puissant moteur de convergence. Il a permis aux pays en développement de quadrupler leur PIB par habitant, contribuant à sortir plus d’un milliard de personnes de l’extrême pauvreté.

Depuis 2022, le contexte s’est profondément détérioré. Les taux d’intérêt, historiquement bas durant les deux premières décennies du siècle, sont désormais en hausse. Parallèlement, la multiplication des barrières tarifaires et non tarifaires touche en priorité les pays en développement, dont l’économie reste fortement dépendante à la fois des débouchés occidentaux et des flux de capitaux étrangers. La forte augmentation de leur endettement accroît leur vulnérabilité dans un contexte de réduction de l’aide publique au développement et de résurgence de la pauvreté.

La Banque mondiale s’inquiète en outre d’un ralentissement des investissements directs étrangers (IDE) dont le niveau a chuté de 50 % par rapport à son pic de 2008. Ces investissements sont pourtant cruciaux : ils soutiennent la montée en gamme des économies, favorisent la diffusion des technologies, et facilitent l’intégration aux chaînes de valeur mondiales, au cœur du commerce international.

Une zone de turbulences qui menace trois décennies de convergence.

Compte tenu de la croissance démographique soutenue, le rythme actuel d’expansion économique ne suffira pas à réduire l’écart de richesse entre les pays émergents et les économies avancées. Sur la période 2025-2027, la croissance du revenu par habitant dans les pays émergents et en développement devrait atteindre 2,9 %, soit plus d’un point de moins que la moyenne enregistrée entre 2000 et 2019. Hors Chine et Inde, ce taux tomberait à seulement 1,8 %. Selon les calculs de la Banque mondiale, il faudrait près de vingt ans à ces pays pour combler les pertes économiques accumulées depuis 2020.

Face à l’enchaînement de chocs protectionnistes, de durcissements monétaires et de retraits des investissements étrangers, les économies émergentes et en développement entrent dans une zone de turbulences qui menace trois décennies de convergence. Le risque n’est pas seulement celui d’un ralentissement cyclique mais d’un décrochage structurel avec une croissance du revenu par habitant retombant sous 2 % hors Chine et Inde.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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