A l’occasion d’un symposium aux Emirats Arabes Unis, pays qui a construit sa fortune sur le pétrole et le gaz, symposium réunissant plus de 140 000 délégués en provenance de tous les Etats producteurs d’hydrocarbures, le ministre de l’Industrie de la puissance invitante a focalisé son discours d’ouverture sur la nécessité de verdir l’or noir.
En lieu et place de se réjouir de la hausse des cours et de la reprise de la demande, il a répété à plusieurs reprises l’obligation d’investir dans des énergies décarbonées. Les Pays du Golfe ont longtemps eu comme seule politique la défense de leurs intérêts pétroliers. Depuis quelques années, ils ont pris la conscience de changer de discours et de surtout de préparer demain et après-demain. L’Arabie saoudite et le Koweït ont annoncé des objectifs d’émissions nettes nulles de gaz à effet de serre d’ici 2060. Les Émirats arabes unis et Oman ont indiqué qu’ils atteindront cet objectif dès 2050. Le Qatar n’a pas d’objectif net zéro, mais affirme qu’il réduira ses émissions d’un quart d’ici 2030. Tous les pays du Golfe ont signé le Global Methane Pledge qui les engage à réduire les émissions de ce puissant gaz à effet de serre. En 2023, symbole du changement en marche, les Émirats arabes unis accueilleront même le sommet annuel de l’ONU sur le climat.
Pour la transition énergétique, les compagnies pétrolières du Golfe sont sollicitées
Pour certains, cet engouement serait un « greenwashig », sachant que les Pays du Golfe ne vivent que des énergies carbonées. Dans un monde à la recherche de capitaux afin de réaliser au mieux et au plus vite la transition énergétique, les compagnies pétrolières du Golfe sont sollicitées. Elles ont ainsi mis en place une politique reposant sur deux piliers. Le premier vise à gérer au mieux leurs réserves en maintenant un prix élevé et en investissant afin de pérenniser les capacités de production. Les dépenses en capital d’Aramco ont atteint, en 2022, plus de 40 milliards de dollars. L’objectif d’ici 2027 est de faire évoluer ses capacités de production de 12 millions de barils par jour (b/j) à 13 millions. Qatar Energy investira 80 milliards de dollars entre 2021 et 2025 pour augmenter la production de gaz naturel liquéfié (GNL) de plus de 66 % d’ici 2027. Investir autant dans un monde en proie à la décarbonation pourrait être jugé irrationnel. Or, les Pays du Golfe sont conscients que la demande de pétrole restera soutenue dans les prochaines années du fait de la montée en puissance des classes moyennes dans un grand nombre de pays émergents.
Viser le contrôle du marché
Par ailleurs, les capacités de production en Russie ou aux Etats-Unis devraient faiblir faisant des pays membres de l’OPEP les maîtres incontestés du marché. Les faibles coûts de production du pétrole du Golfe persique leur donnent un atout indéniable pour atteindre ce contrôle du marché. Avec la généralisation à venir de la taxe carbone, les Pays du Golfe disposent d’un atout maître. Leurs réserves d’hydrocarbures sont parmi les moins intensives en carbone à extraire. Les Emiratis et les Saoudiens ont réalisé ces dernières années des progrès pour limiter l’empreinte carbone de leurs gisements.
Le deuxième pilier de la stratégie des Pays du Golfe est d’affecter une partie des bénéfices issus des hydrocarbures dans des entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables ou dans la capture et le stockage du carbone. L’Arabie Saoudite dispose de terres facilement exploitables pour l’implantation de panneaux solaires ou pour le stockage du carbone. Aramco a un projet pour capturer et stocker 11 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an et pour installer 12 gigawatts (GW) d’énergie éolienne et solaire d’ici 2035. L’Arabie saoudite, dans sa globalité, entend construire, d’ici 2032, 54 GW de capacité renouvelable. Les Emirats envisagent d’investir afin de disposer d’ici 2030, de 100 GW de capacité d’énergie renouvelable dans le pays.
Solaire et hydrogène
Les Etats de l’OPEP s’engagent fortement dans la production d’hydrogène. ACWA Power, une entreprise publique saoudienne a décidé de financer un projet d’hydrogène vert de 5 milliards de dollars. Oman a investi 30 milliards de dollars dans la construction d’une des plus grandes usines d’hydrogène au monde.
Les Saoudiens et les Emiratis prennent des participations à l’étranger dans des projets « verts ». L’entreprise Masdar a investi dans une entreprise d’hydrogène à hauteur de 10 milliards de dollars en Égypte afin de développer une unité de production de 4 GW. Elle a également investi dans une entreprise travaillant sur l’hydrogène vert dans le nord de l’Angleterre. ACWA Power envisage des projets d’hydrogène vert de plusieurs milliards de dollars en Égypte, en Afrique du Sud et en Thaïlande.
Contrôler un quart des exportations mondiales d’hydrogène propre
D’ici 2030, les Emirats et l’Arabie saoudite entendent contrôler au moins un quart des exportations mondiales d’hydrogène propre. Toujours sur le terrain des énergies plus propres, le Qatar dépense des sommes importantes pour développer des unités d’ammoniac qui a l’avantage d’être facilement transportable. Ce pays a affecté plus d’un milliard de dollars à la construction d’une usine « d’ammoniac bleu » à partir de gaz naturel.
Son ouverture est prévue en 2026. Si l’hydrogène arrive à s’imposer, selon le cabinet de conseil Roland Berger, il pourrait générer entre 120 et 200 milliards de dollars de revenus annuels, d’ici 2050, pour les pays du Golfe. A côté du pétrole, ces sommes sont faibles mais témoignent de la volonté des pays du Golfe de préparer l’avenir. Aramco à elle seule a réalisé des ventes d’hydrocarbures portant sur plus de 300 milliards de dollars pour le seul premier semestre 2022.
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