Depuis la sortie des confinements, la Banque centrale européenne parie sur une inflation transitoire essentiellement issue de l’augmentation du prix des biens importés.
La Réserve Fédérale américaine a une autre vision de l’inflation en lien avec la situation économique locale. Les plans de relance décidés par Donald Trump et Joe Biden ont provoqué une hausse de la demande et mettent sous tension l’offre. Il en a résulté une augmentation des prix sur laquelle s’est greffée la hausse des prix des matières premières et de l’énergie. Depuis plusieurs semaines, la Réserve Fédérale affiche sa volonté de ramener rapidement l’inflation totale des États-Unis à 2%. Elle a clairement indiqué son intention de relever significativement ses taux directeurs. Cette politique s’accompagne d’une politique budgétaire restrictive qui réduira la demande finale. Le déficit public qui avait atteint 14% du PIB en 2021 devrait revenir autour de 4 points de PIB en fin d’année. L’effort de réduction est sans commune mesure avec celui pratiqué au sein de la zone euro.
Une politique beaucoup plus accommodante
La politique budgétaire de la zone euro, à la différence de celle des États-Unis, reste expansionniste en 2022 et 2023 avec un déficit de plus de 5 points de PIB. La BCE affiche une politique beaucoup plus accommodante.
Si les taux directeurs de la FED évoluent entre 2,25 et 2,50 %, ceux de la BCE sont compris dans une fourchette bien plus basse (0,75 à 1,25 %). Un tel écart de politique monétaire s’explique par la nature en partie différente de l’inflation. La BCE estime que celle-ci est avant tout importée et que les salaires augmenteront peu.
Une décrue de l’inflation dès 2023
Si ce scénario s’avère exact, une décrue de l’inflation pourrait intervenir en 2023. En ce début d’automne, le prix du pétrole s’est stabilisé autour de 90 dollars le baril quand ceux des métaux non précieux sont en recul. Seuls le gaz et l’électricité demeurent orientés à la hausse.
Le scénario de la BCE pourrait être mis à mal en cas d’amplification des revendications salariales. Actuellement, la hausse des salaires reste inférieure au taux d’inflation : 4 % contre 9 %. Les tensions au sein des entreprises ont néanmoins tendance à s’accroître. Du fait de l’absence de gains de productivité, les entreprises seront dans l’obligation de répercuter sur les prix de vente une part non négligeable des hausses de salaire, ce qui alimentera l’inflation.
Les hausses salariales pourraient être contenues si les pouvoirs publics maintiennent les boucliers tarifaires et les ristournes. Les déficits budgétaires se substituent ainsi aux hausses des salaires.
Un problème de solvabilité des Etats
Cette politique aboutit à un accroissement de l’endettement public qui, par ailleurs, rend de plus en plus difficile une hausse des taux. Celle-ci pourrait provoquer un grave problème de solvabilité des États et une fragmentation de la zone euro. Or, l’autre objectif de la BCE est d’éviter autant que possible une récession importante et longue aux États de la zone euro qui a déjà été confrontée à quatre grandes crises en quinze ans : la crise des subprimes, celle des dettes publiques, l’épidémie de Covid et la guerre en Ukraine.
Au fil des mois, le pari de la BCE apparaît de plus en plus hasardeux, la dynamique de l’inflation risquant de mettre sous tension les finances publiques des États membres d’autant plus que la croissance ralentit et que les gains de productivité sont nuls.
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