Les ministres de l’Intérieur des 27 vers un durcissement de la politique migratoire européenne

Les ministres de l’Intérieur des 27 vers un durcissement de la politique migratoire européenne

Lors d’une réunion du Conseil pour la justice et les affaires intérieures, prévue au Luxembourg jeudi 10 octobre, les ministres de l’Intérieur des 27 États membres discuteront du renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne (UE) et de la meilleure façon de renvoyer dans leurs pays d’origine les migrants en situation irrégulière.

Lors d’un déjeuner informel à huis clos le 10 octobre, et selon des informations recueillies par Euractiv, les ministres des 27 devraient évoquer les moyens à leur disposition pour rationaliser les retours de migrants déboutés de leur demande d’asile, notamment en mettant en place des « hubs de retour » (return hubs) hors de l’UE.

Ils devraient aussi évoquer le rôle de l’Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes (Frontex), la meilleure façon de renforcer leurs relations avec des États non-membres de l’UE, et l’approche à envisager pour expulser des « personnes représentant une menace pour la sécurité », originaires de pays dits « sensibles ».

La réunion, sous le patronage de la présidence hongroise, devrait poser les bases d’une déclaration commune publiée par les dirigeants des États membres, lors du prochain sommet de l’UE à Bruxelles, les 17 et 18 octobre.

« Le Conseil européen appelle à intensifier la coopération avec les pays d’origine et les pays de transit, par le biais de partenariats mutuellement bénéfiques, afin de s’attaquer aux causes profondes et de lutter contre la traite et le trafic, pour prévenir les départs irréguliers et les pertes de vies humaines », indique un projet de conclusions du Conseil européen, envoyé aux gouvernements de l’UE samedi 5 octobre et obtenu par Euractiv.

Ces discussions s’appuient sur une note — dite « non-paper » dans le jargon bruxellois — rédigée vendredi 4 octobre par quinze pays membres, plus la Suisse et la Norvège, et qui appelle à une révision de la directive « retour ». Adoptée pour la première fois en 2005 et révisée en 2008, cette dernière définit ce que les États membres peuvent et ne peuvent pas faire lorsque des migrants en situation irrégulière se sont vus refuser l’asile et doivent quitter le territoire européen.

Les secours maritimes transfèrent 27 migrants au port d'Almeria après qu'ils aient été secourus de deux bateaux en mer d'Alboran, à Almeria, en Espagne, le 03 août 2019. ©EPA-EFE/RICARDO GARCIA
Les secours maritimes transfèrent 27 migrants au port d’Almeria après qu’ils aient été secourus de deux bateaux en mer d’Alboran, à Almeria, en Espagne, le 03 août 2019. ©EPA-EFE/RICARDO GARCIA

« Le cadre juridique actuel ne reflète plus suffisamment les besoins des [États membres] pour assurer des expulsions efficaces », souligne la note rédigée par l’Autriche et les Pays-Bas, et signée par une douzaine d’autres États de l’UE, dont la France, l’Italie et l’Allemagne.

« Cette directive empêche, en réalité, les retours », affirmait mardi 8 octobre le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau à l’Assemblée nationale, qui appelle de ces vœux une « refonte complète » du texte.

La Commission avait proposé des modifications de cette directive en 2018 et les gouvernements de l’UE s’étaient mis d’accord sur une position commune en 2019, mais le projet législatif avait été bloqué lors de son examen par la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) au Parlement européen, en raison de désaccords entre groupes politiques.

Le non-paper de vendredi appelle donc à « un changement de paradigme dans le processus de retour, vers des obligations et des devoirs pour le ressortissant de pays tiers faisant l’objet d’une décision de retour » et cherche à définir un « cadre juridique moderne » pour améliorer ces procédures.

La Commission européenne ne devrait cependant pas proposer de modification de la directive « retour » avant l’entrée en fonction du nouveau Collège, au plus tôt en décembre 2024.

Différents modèles de migration

Bruxelles avait en mai dernier adopté le Pacte sur la migration et l’asile, qui visait à renforcer la réponse de l’Union face aux migrations irrégulières, à mieux partager avec les pays de première entrée la responsabilité du contrôle des frontières extérieures de l’UE grâce à un nouveau mécanisme de « solidarité », et à mettre en place des contrôles de « pré-filtrage », avant que les migrants irréguliers ne pénètrent sur le territoire européen.

Mais depuis les élections européennes de juin 2024 et les scrutins nationaux en France et aux Pays-Bas, les États membres semblent de plus en plus décidés à durcir la politique migratoire de l’Union et à multiplier les accords de retour avec des pays tiers.

« Les défis actuels concernant le système d’asile et de migration de l’UE, y compris la forte augmentation des arrivées irrégulières, sont insoutenables », avaient écrit quinze États de l’Union dans une lettre adressée à la commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, en mai dernier.

Ces derniers appelaient déjà à des « partenariats étendus » avec des pays non-membres de l’UE situés le long des routes migratoires, « en changeant notre approche de la gestion de la migration irrégulière en Europe, afin de soutenir les réfugiés et les communautés d’accueil dans les régions d’origine ».

La manière dont ces accords passés entre l’UE et des pays tiers fonctionnent dans la pratique, et dans quelles mesures ceux-ci sont conformes au droit international continue de faire l’objet de nombreux débats et de multiples controverses depuis des années.

Reste cependant que l’accord signé par l’Italie avec l’Albanie intéresse beaucoup les capitales européennes. Selon ce dernier, les exilés interceptés durant la traversée de l’Adriatique devraient être transférés sur le sol albanais, où leur demande d’asile sera étudiée par les autorités de Rome.

En Grande-Bretagne, l’ancien gouvernement conservateur du Premier ministre Rishi Sunak prévoyait de déporter des demandeurs d’asile au Rwanda, mais a dû faire face à l’opposition de la Cour suprême du Royaume-Uni. La mesure a finalement été abandonnée par le gouvernement de centre gauche du Premier ministre travailliste Keir Starmer.

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