Les jeux sont faits, rien ne va plus.

Les jeux sont faits, rien ne va plus.

Que d’émotions, de fête, de succès ! La trêve olympique, ce cliché, fut vécue. Le monde ne s’est pas arrêté de brinquebaler, les guerres de tuer, les drames de se nouer, la bêtise de triompher, mais pendant un moment, les regards, ceux d’Algérie, de Chine, d’Australie, du monde entier, se tournaient vers un Paris redevenu magique par la grâce du théâtre. Il y eut bien quelques jaloux et autres grincheux, personne n’est obligé d’aimer le carnaval, les Fan zones et le patriotisme des supporters sportifs. Pour autant, qui n’apprécie pas les gendarmes allemands, américains, qatari dans les rues de Paris, n’a aucune bienveillance pour la fraternité universelle et l’amitié entre les peuples.  Et puis, cocorico, le monde fut épaté par le vélo dans Montmartre, le volley à la tour Eiffel, le skate à la Concorde, l’équitation à Versailles. Bonne chance L.A. ! Que le macadam d’Hollywood coule à la hauteur de la Seine !

Le moment le plus heureux de ces dernières années fut celui où il n’y eut plus de gouvernement.

Pendant que le monde tournait en catimini des Jeux de Paris, la fierté française reprenait du poil de la bête. Ah mais ! Ça ira, ça ira, ça ira. Où ? Personne ne sait. L’histoire retiendra que le moment le plus heureux de ces dernières années fut celui où il n’y eut plus de gouvernement. Un signe ? Rendons à César ce qui lui revient : ceux qui ont organisé ces Jeux ont droit à une reconnaissance – passagère, certes -, parce qu’ils ont démontré ce dont le monde et les Français doutaient : la capacité de notre pays d’être à la hauteur. Paris propre, Paris sûr, Paris poli et policé, un rêve ! Yes we can ! Et maintenant ? Il n’y a qu’à. Il n’y a qu’à continuer en si bon chemin, celui de l’organisation mêlée à la fête. Bon. Mais voilà le train-train de la rentrée qui revient.

Les Jeux méritent pourtant quelques petits sacrifices alors que la France - qui en est à l’origine dans leur forme contemporaine - ne les a pas organisés depuis cent ans.
Esplanade du trocadéro ©AFP

Et toujours pas de gouvernement. Et toujours des massacres à Gaza, des criminels en Ukraine, des prisons, des missiles, des bateaux de migrants, des tyranneaux en goguette sur la planisphère, le climat qui se détraque et les finances qui dérapent. Qu’est ce qui va bien dans le monde ?

Qu’est-ce qui a déjà tourné rond dans le monde ? Rien. Le monde n’a jamais été rond. C’est parce qu’il n’a jamais bien tourné qu’il se transforme sans cesse, sur la longue histoire de l’humanité, et particulièrement ces trois derniers siècles, plutôt mieux que mal, malgré les guerres mondiales. Peu importe le passé dira-t-on : c’est maintenant que je vis.

Alors, intégrer les incertitudes qui sont celle de tout organisme pluricellulaire. La dette cachée chinoise, celle des provinces, selon le FMI, dépasse 12.600 milliards de dollars. Le plus important n’est pas de s’apercevoir que la dette provinciale chinoise atteindra 100% du PIB d’ici 2027, mais de remarquer qu’elle fut cachée. Qu’est-ce qu’une dette peut provoquer ? Une crise financière, une crise de régime ? Le monde soutiendrait Xi Jinping pour éviter que la Chine ne s’écroule (À charge pour Winnie l’ourson de donner quelques gages, par exemple en Russie ou en Iran). Mais surtout, qui ne voit qu’il ne voit pas ? Que le système chinois est un théâtre d’ombres ?

Rien de ce qui se passe à Washington ne nous est étranger.

Au moins, l’Occident est clair et sûr, solaire. Toute la planète est suspendue à ce midi : l’élection américaine. Jamais peut-être élection ne suscita, sur la politique étrangère américaine autant d’incertitudes. Jusque-là, y compris lors du premier mandat de Trump, on savait, à peu près, ce que les Etats-Unis feraient. Cette fois non. Trump est imprévisible, Harris, une inconnue. Or ce sont, de plus en plus, même en redevenant isolationnistes, les Etats-Unis qui impriment la marche du monde. Cours du pétrole, stabilité ou chaos monétaire, commerce international, protectionnisme, échanges technologiques, Ukraine, Moyen-Orient, Taïwan, course aux armements, climat, rien de ce qui se passe à Washington ne nous est étranger.

La question de l’élection américaine reflète celle de centaines de pays du monde : ouvert ou fermé ? Comment, dans ce petit village olympique, vivent des centaines d’athlètes de pays et de langues étrangères ? Le monde est-il aussi serein et joyeux que Paris ?  Après Obama, un pays où le racisme fut officiel peut-il élire la fille d’un Jamaïcain et d’une Indienne ? Nulle part, sauf au Royaume-Uni, on n’imaginerait triompher aux élections une fille d’immigrés. Pourquoi pas un Français en Turquie, un Arabe en France, un Afghan en Allemagne, une Allemande en Afghanistan, un Thaïlandais au Japon ou une Tchétchène en Russie ? La plupart des pays sont jaloux d’eux-mêmes, ou de ce qu’ils croient être eux-mêmes.

Kamala Harris / Donald Trump ©Montage Belga 2024

Les Etats-Unis sont un des pays les plus ouverts du monde, leur premier débat porte sur les frontières. Fermer les frontières est un thème populaire. Explosif. Au Royaume-Uni, après le Brexit, qui porta déjà sur ce thème trompeur, des émeutiers attaquent des mosquées. Le communautarisme à l’anglo-saxonne montre ses limites. L’universalisme à la française peut-il éviter la violence ? La vraie question n’est pas celle du nombre mais de la capacité d’intégration.

Est-il possible de fermer les frontières ? Pressions économiques et démographiques disent non.

Partout le thème de l’immigration s’est imposé. Allemagne, Belgique, France, Italie, États-Unis, les élections se font sur le thème de l’étranger, des frontières, du contrôle. Dans les pays les moins riches aussi : Algérie, Tunisie, Maroc, Turquie, Birmanie, Bangladesh, Inde, Mexique, les migrants sont rançonnés, rejetés, plus violemment qu’en Europe.

Est-il possible de fermer les frontières ? Pressions économiques et démographiques disent non. La démondialisation, dès qu’elle se montre, appauvrit pays riches et pays pauvres. Plus encore les pays pauvres que les pays riches. La mise à l’écart de l’Afrique des circuits de distribution depuis le Covid alimente la faim et la guerre. Qui se ferme s’éteint.

Quant à la démographie, elle commanderait des vagues de migration. La Chine, le Japon, la Corée, la Thaïlande, désormais l’Indonésie, presque tout le continent américain, l’Inde, l’Indonésie, les Philippines, l’Europe évidemment, manquent d’enfants.

Selon une étude de The Lancet, le taux de natalité d’ici 2100 sera inférieur dans 97% des pays à 2,1 enfants par femme, seuil de renouvellement des générations. Dès 2050, les trois quarts des pays du monde seront concernés. En Chine, Corée du Sud, Arabie saoudite, l’indice de fécondité pourrait descendre à moins d’un enfant par femme. À l’inverse, l’Afrique subsaharienne resterait la seule grande région du monde dynamique en matière de natalité. Logiquement, chaque pays devrait vouloir attirer des populations jeunes. Mais la tendance universelle est au contraire à la peur de l’immigration et à son rejet. Ce qui suppose des conflits. Car la logique politique ne suit pas les règles de l’intérêt, ni de l’économie.

La crainte s’empare des peuples face aux incertitudes.  

D’où l’importance de l’affrontement Trump/Harris. Les Etats-Unis donnent le ton. Chinois, Japonais, russes, musulmans, indiens, tous sont dans des logiques de raidissement, de crainte, de fermeture plutôt que d’ouverture. Face aux incertitudes, la crainte s’empare des peuples. Trump dit : « attention, sans moi ce sera la guerre, la dépression, l’invasion. » Harris, pour l’instant, ne dit rien. Le monde suivra le dollar et les GAFA.

À Paris, la fête est finie. La satisfaction demeure, et qui sait, peut donner le sourire et l’envie. La politique n’est pas l’économie, elle est, comme le sexe, la peinture, l’image, « cosa mentale : ce que l’on se représente du monde, tandis que ce que l’on ne voit pas agit, surprend, effraie. En ce mois d’août, les cours de Bourse ont fait du Yoyo, au bord de la crise. Glorieuse incertitude du sport et de la bourse. Les dés sont lancés, les jeux sont faits.

Quoi qu’il arrive, rien ne va plus parce que rien ne va jamais. Une seule attitude : rester groupés. Ce n’est pas le moment de jouer perso. L’esprit d’équipe, pour la France et l’Europe : comment transformer les défis en succès ? Il ne suffit pas de participer, mais d’être prêts à tout. « En échouant à vous préparer, vous vous préparez à échouer » (Franklin).  Vous êtes prêts ? Partez !

Laurent Dominati

Laurent Dominati  

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire France Pay

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