L’année 2019 devait être une année noire sur le plan économique ; elle s’avéra tout au plus médiocre. 2020 est censée être meilleure sans être exceptionnelle. Une légère reprise est attendue permettant un retour de la croissance mondiale autour de 3 % contre 2,8 % l’année dernière. Deux points d’incertitude qui ont miné l’année 2019 semblent avoir été levés. Le Brexit devrait avoir lieu d’ici le 31 janvier mais il se fera de manière négociée. La prochaine signature d’un accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine devrait contribuer à une augmentation des échanges mondiaux. Si ces menaces sont en voie de résorption, d’autres demeurent ou peuvent apparaitre au point de remettre en cause le cours de l’économie mondiale : crise au Moyen-Orient situations politiques aux Etats-Unis ou en Allemagne, révoltes sociales dans des pays avancés, tensions politiques et sociales en Amérique latine, crise financière en Chine
Une crise majeure au Moyen-Orient
Dès les premiers jours du mois de janvier, un des facteurs de risques s’est concrétisé avec la décision des Etats-Unis d’éliminer le Général iranien Qassem Soleimani, en charge des opérations extérieures. Si jusqu’à maintenant, cette décision n’a pas déclenché une guerre véritable malgré les représailles mises en œuvre par l’Iran, elle a rappelé que le Moyen-Orient demeure toujours une zone à risques. Fidèle à la tradition perse, l’Iran entend devenir la puissance incontournable du Moyen-Orient entrant ainsi en concurrence avec l’Arabie Saoudite, allié des Etats-Unis. Son opposition viscérale à Israël rapproche celle des monarchies sunnites de la région. Compte tenu de la proximité des élections américaines de novembre prochain, une inflammation de la région est en l’état peu imaginable. Si pour le moment, les cours du pétrole sont restés au regard des évènements assez stables, un conflit armé provoquerait une forte hausse. Pour l’économie mondiale, un pétrole au-delà de 120 dollars signifie un réel ralentissement économique et une possible récession.
Une hausse brutale des taux liée à un sentiment de défiance à l’encontre de certains acteurs économiques ou Etats
Le choc obligataire est craint depuis plusieurs années. La montée de l’endettement privé comme public est une source de risque. Que ce soit au moment des subprimes ou de la crise grecque, le problème apparaît au moment où les prêteurs considèrent qu’ils ne seront pas remboursés. Le maintien d’un minimum de croissance et le rôle de banquier en dernier recours joué actuellement par les banques centrales constituent pour le moment deux assurances. La forte implication des banques centrales s’accompagne, en outre, d’un fort volant d’épargne. Les faibles taux d’intérêt pratiqués réduisent les risques d’insolvabilité tant de la part des acteurs privés que des acteurs publics.
Un fort ralentissement de la croissance et une crise financière en Chine
La croissance de la Chine pourrait ralentir plus que ce qui est prévu et passer en dessous de la barre des 6 % en 2020. La poursuite de la baisse de la demande industrielle pourrait occasionner une forte contraction des exportations qui ne pourrait pas être compensée par l’augmentation de la demande intérieure, les Chinois épargnant une part considérable de leurs revenus par précaution et pour financer leur retraite. Une chute des exportations s’accompagnerait de celle des investissements. Depuis 2017, la progression de la formation brute de capital fixe est très faible témoignant d’un réel pessimisme des acteurs économiques. La situation chinoise pourrait se compliquer en raison d’un rapide recul de la profitabilité et de la solvabilité des entreprises, avec des coûts salariaux augmentant beaucoup plus vite que les prix.
Les difficultés du high yield aux États-Unis
Les taux d’intérêt bas assurent une forte solvabilité des États, des ménages et des entreprises dans les pays de l’OCDE, mais il y a une exception, les obligations à fort rendement, le « high yield » aux États-Unis, pour lequel dégradation de la qualité de crédit est constatée avec à la clef une hausse des défauts. Ces défaillances seraient imputables à un excès d’endettement et à une faiblesse des profits.
La situation difficile de grands pays émergents
Plusieurs pays émergents d’Amérique latine et d’Asie ont un déficit extérieur structurel important pouvant les exposer à un risque financier majeur en cas de problème au niveau de la croissance internationale ou en cas de crise géopolitique. Sont d’abord concernés, l’Argentine, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie et l’Inde. Leurs difficultés de financement de leur déficit extérieur peuvent conduire à la dépréciation de leur taux de change provoquant des sorties de capitaux et les obligeant à augmenter leurs taux d’intérêt. Un cycle récessif s’installerait alors dans ces pays Depuis 2018, les taux de change marquent une défiance à l’encontre de ces pays.
Le poids de la réglementation climatique
Les réglementations visant à réduire les émissions de Co2 se durcissent et cela tout particulièrement en Europe. Le risque est la destruction d’emplois, des surcoûts au niveau de la production et une moindre rentabilité. Plusieurs secteurs sont exposés, en premier lieu l’automobile qui représente, 1,43 % de l’emploi total en Europe. Les investisseurs se détournent des activités jugées incompatibles avec la transition énergétique. Cette situation pénalise les secteurs énergétiques et chimiques. Par ailleurs, le passage aux énergies renouvelables peut peser, un temps, sur la compétitivité des pays les plus en pointe.
La problématique du plein emploi et du vieillissement
Plusieurs pays sont en situation de plein emploi : les Etats-Unis, l’Allemagne, la République tchèque, etc. Même dans des pays ayant des taux de chômage élevés comme la France, des goulots d’étranglement existent dans le recrutement. La croissance peut être entravée par la difficulté d’accroître la population active ; celle-ci étant bridée par ailleurs par le phénomène du vieillissement et du manque de qualification. Le taux de participation au marché du travail est de 87 % de la population en âge de travailler au sein de l’OCDE en 2018 contre 82 % en 2002. L’amélioration du taux de participation constitue un des impératifs majeurs de cette année afin de conforter la croissance.
Les risques sociaux et politiques
Les risques sociaux sont les plus difficiles à appréhender. Après une longue décennie de colmatage de l’économie, après le double choc de la mondialisation et de la crise de 2008, les tensions sociales se font jour. Elles sont d’autant plus prégnantes que la digitalisation des activités entraine une polarisation des emplois mettant sous pression les classes moyennes. Le ressenti d’appauvrissement, de déclassement, la peur de la précarité traverse tous les pays avancés, que ce soient les Etats-Unis, la France et l’Allemagne. La question du financement des retraites est au cœur du débat public. En Allemagne, la grande coalition menace d’exploser sur la question de la revalorisation des petites pensions quand le conflit en France dans les transports publics au sujet du régime universel est un des plus longs que notre pays ait connu. Le retour du fait social prend des nouvelles formes avec le rôle accru des réseaux sociaux, des rumeurs, des chaines d’information. La décision de Boris Johnson d’augmenter le salaire minimum de 20 % au Royaume-Uni constitue un signe que le problème des revenus devrait être au cœur des prochaines élections.
Laisser un commentaire