La Commission européenne s’est engagée à continuer à apporter son soutien aux exportations agricoles ukrainiennes tout en abordant les préoccupations croissantes concernant les perturbations du marché aux frontières de l’UE avec le pays en guerre. Elle entend le faire au moyen de mesures de soutien de la Politique agricole commune (PAC).
Grâce au succès de l’initiative européenne des couloirs de solidarité, ainsi qu’aux mesures visant à faciliter l’exportation des produits agricoles ukrainiens par toutes les voies possibles et au programme de libéralisation des échanges, un important volume de céréales ukrainiennes a déferlé le marché européen.
Le programme de libéralisation des échanges a été mis en place pendant un an et a permis de suspendre les droits de douane et les quotas sur les importations de produits agroalimentaires en provenance d’Ukraine.
Si toutes ces mesures ont apporté un soutien indispensable au pays déchiré par la guerre, l’augmentation significative des produits agricoles sur les marchés a également plongé les États membres voisins, à savoir la Hongrie, la Roumanie et la Pologne, dans un profond désarroi.
À ce titre, la Commission a déjà indiqué qu’elle allait bientôt entamer le processus de réexamen de ce programme de libéralisation des échanges, suite à « la pression croissante des États membres ».
En outre, des sources ont confié à EURACTIV que la Pologne a déposé, lundi (30 janvier), une déclaration commune lors de la réunion des ministres de l’Agriculture de l’UE, soulignant les problèmes liés à l’augmentation des importations agricoles en provenance d’Ukraine et la nécessité de soutenir les agriculteurs de l’UE face à cette situation. La déclaration était signée par la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie.
Lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion des ministres de l’Agriculture, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski a démenti des rumeurs selon lesquelles certains États membres feraient pression en faveur d’une restriction ou d’une interdiction des exportations de céréales ukrainiennes.
« Pas un seul État membre n’a dit que des restrictions ou une interdiction du commerce avec l’Ukraine seraient une option. » Il a souligné que, au contraire, les États membres de l’UE étaient unis dans leur soutien à l’Ukraine.
En outre, une ébauche du communiqué du sommet UE-Ukraine de ce vendredi (3 février), consultée par EURACTIV, indique que l’UE « examinera la demande de l’Ukraine de prolonger les mesures au-delà de la validité actuelle », soulignant les « effets de renforcement du commerce » de la suspension temporaire de tous les droits de douane.
Tensions dans le secteur agricole européen
Le commissaire a toutefois reconnu le lourd fardeau que les États membres de l’UE limitrophes de l’Ukraine doivent supporter, en donnant l’exemple du secteur de la volaille, qui a été lourdement touché, notamment en Pologne.
Cela est dû à « une énorme entreprise en Ukraine qui contrôle plus de 70 % du marché », a expliqué le commissaire, insistant sur la détresse des producteurs de la région et soulignant que des mesures doivent être prises pour y remédier.
Le commissaire européen a déclaré que la discussion avait plutôt porté sur les moyens de soutenir les États membres les plus touchés, un point corroboré par de multiples sources présentes dans la salle.
« Comment aider les agriculteurs qui ont été touchés ? C’est ce sur quoi nous nous sommes concentrés : la question est de fournir une aide à la communauté agricole et non de restreindre ou d’interdire les importations en provenance d’Ukraine », a-t-il souligné, ajoutant que la Commission « ne laissera pas les agriculteurs seuls » dans cette lutte.
De même, des sources présentes à la réunion ont indiqué à EURACTIV que les États membres ont demandé à la Commission de « proposer des instruments pour soutenir les producteurs de l’UE des pays voisins de l’Ukraine qui sont confrontés à des difficultés ». Ces difficultés sont principalement causées par une « très sérieuse augmentation » des importations de produits agricoles ukrainiens sur le marché de l’UE.
Cependant, selon le commissaire, le « jury n’a pas encore décidé » de la forme que pourraient prendre ces programmes de soutien.
M. Wojciechowski a suggéré l’idée de recourir à l’aide au stockage privé, une forme traditionnelle d’intervention publique de l’UE qui vise à rééquilibrer un marché perturbé en réduisant une offre excédentaire à court terme.
L’aide au stockage privé est autorisée par la législation européenne pour certains secteurs tels que le sucre blanc et les produits laitiers, mais elle doit être évaluée et approuvée par la Commission au-delà d’une certaine limite.
Le stockage temporaire est l’une des mesures de soutien prévues par le règlement relatif à l’organisation commune des marchés agricoles (OCM), la partie du programme de subventions agricoles de l’UE qui constitue le filet de sécurité pour les agriculteurs en cas de crise du marché, permettant de contrer, par exemple, un effondrement des prix.
M. Wojciechowski a également réitéré son intention d’activer un autre outil inclus dans la PAC, la réserve de crise agricole, dotée de 450 millions d’euros et qui peut être utilisée pour financer des mesures exceptionnelles visant à contrer les perturbations du marché affectant la production ou la distribution.
Ce fonds a été déclenché pour la première fois en avril dernier, à la suite de l’attaque de la Russie contre l’Ukraine. Pour l’activer de nouveau l’année prochaine, il faudrait l’accord des 27 ministres de l’Agriculture de l’UE.
Bien que le commissaire ait déclaré qu’il n’existe pas encore de soutien unanime parmi les États membres pour une telle mesure, il a promis de présenter au Collège des commissaires une initiative visant à activer la réserve de crise.
« En tant que commissaire à l’Agriculture, je vais faire tout mon possible pour m’assurer que les agriculteurs de ces pays […] reçoivent un soutien et une compensation pour le stockage de volumes excessifs », a déclaré M. Wojciechowski, soulignant que le problème doit être abordé « dès maintenant ».
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